Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Le chien de minuit par Thierry Bellefroid
« Le chien de minuit », par Toshy et Serge Brussolo. Dans la collection « Petits Meurtres » des éditions du Masque

Avec ce pari de faire se croiser les meilleurs romanciers de la littérature policière et de jeunes dessinateurs pour la plupart très peu connus, la collection « Petits meurtres » est en train de se créer un nom. Les derniers albums sont d'excellente qualité et le dernier d'entre tous, « Le chien de minuit », est peut-être tous simplement le meilleur de la collection.

Serge Brussolo, cinquante ans, écrit depuis plus de vingt ans. D'abord versé dans le fantastique et la SF qu'il a largement contribué à dépoussiérer, il s'est ensuite tourné vers tous les autres genres de la littérature. Le roman adapté ici, « Le chien de minuit », est d'ailleurs à cheval sur plusieurs genres. Il a obtenu le Prix du Roman d'Aventures en 1994. Toshy, lui, est un jeune belge établi en France, à Lille, que l'on a déjà pu voir à l'oeuvre dans « Groupe Tel-Aviv », chez le même éditeur, en compagnie de Maud Tabachnik. Il signe ici une adaptation nerveuse, hallucinée parfois, de ce roman à la fois fantastique, sociologique, urbain et psychanalytique.

« Le chien de minuit » se déroule dans un univers américain en déliquescence, dominé par les gangs, la drogue et la violence. Le terreau idéal exploité par certains pour développer leurs super-héros. Point de super-héros ici, mais des super-pouvoirs, quand même, dans le chef de certains, comme cet ancien trapéziste aux poignets brisés qui va mener sa petite « famille » d'un toit à l'autre. Car pour fuir la violence qui règne en bas, la seule issue est de s'élever et d'occuper les toits des gratte-ciel. Seul l'un d'entre eux demeure inaccessible, celui que garde l'homme à la batte de base-ball surnommé « le chien de minuit ». Dans cette ambiance de guerre des gangs et sur fond de course à la came qu'une jeune junkie a dérobée à un gros bonnet, les personnages ont l'air de tout simplement suivre les rails tracés par le destin. Violent, désoeuvré, le monde de Brussolo se cherche une raison de vivre. Cette raison peut être assez proche de celle des Yamakasi de Besson. Comme eux, on escalade les façades des buildings en guise de défi à l'autorité. Mais c'est fait ici dans un esprit de clan proche du surnaturel et d'une certaine forme de religiosité.

Et puis surtout, il y a cette rencontre entre deux personnages que tout séparait : le faux ange de la nuit et la vraie défoncée, Loretta. Deux personnages à la dérive qui vont unir leur destin jusqu'aux confins de l'insoutenable. On a soif avec eux, on voudrait ouvrir une fenêtre pour échapper aux relents pestilentiels de l'appartement où ils ont dû se barricader. Avec un talent certain, Toshy nous fait pénétrer à la fois toute l'horreur de leur univers et toute leur détresse intérieure. C'est fort, triste, poignant, frissonnant et terriblement juste à la fois.
« Le chevalier du Christ », tome 1 de la série « Le deuil impossible » par Lizé et Massano. Chez Glénat.

La collection Vécu compte aujourd'hui tant de séries semblables que la plupart des nouveaux venus passent inaperçus. Ce serait dommage que la chose arrive au « Deuil impossible ». Cet album conte un destin pour le moins original, celui du roi du Portugal, Dom Sebastiao, mystérieusement disparu peu avant 1580. Les auteurs ont chois de raconter le récit à rebours. L'histoire commence à Venise, lorsque l'homme que Felipe II d'Espagne s'est empressé de remplacer lors de sa disparition réapparaît sans pouvoir apporter la preuve de son identité. Il va s'efforcer de convaincre les autorités vénitiennes de la véracité de son récit, un récit passionnant à bien des égards et qui emmène le lecteur sur les traces d'une étrange croisade au départ de Lisbonne. Bien documenté, original par son propos, ce premier volume surprend agréablement. Le dessin, fidèle à la « ligne Vécu », est en revanche beaucoup moins enthousiasmant. Proportions, visages et perspectives manquent de finesse et de lisibilité. Il faut dire que la mise en couleur ne sert pas le dessin. Le rose domine outrageusement l'ensemble et l'on se prend à espérer un second album plus en rapport avec l'illustration de couverture qu'avec les planches contenues dans l'album.
Innuat, en quête de mémoires par Thierry Bellefroid
« Innuat, en quête de mémoire ». Ouvrage collectif, aux éditions Paquet.

Paru il y a quelques mois déjà, ce superbe livre collectif est dédié à l'une des « Premières Nations » du Canada, comme on les appelle. En guise de prologue, trois pages en noir et blanc du regretté Michel Crespin. De quoi planter le décor de la « grande transhumance » par le détroit de Béring, il y a trente mille ans, celle qui a permis aux premiers « Indiens » de fouler le sol de l'Amérique. Le livre proprement dit commence ensuite, mélangeant textes explicatifs et illustrations ou courtes BD de deux ou trois planches. Première leçon : ne pas confondre Innuat (ou Innus)... et Inuits. Le territoire des uns et des autres n'est pas le même, leur langue non plus. Deuxième leçon : ne pas brûler les étapes à la recherche de signatures connues. Le livre accueille aussi bien les stars de la BD que d'illustres inconnus. Et chaque page mérite le détour, quelle que soit la signature qu'on y trouve. Certains dessins se reconnaissent de loin : Servais fait du Servais, Hermann du Hermann, Boucq fait du Boucq et Derib fait du Derib. Mais c'est peut-être du côté de dessinateurs un peu moins connus qu'il faut aller chercher des perles. Nicolas Dumonthueil, Efa (dessinateur des Icariades, chez le même éditeur), Tom Tirabosco (qu'on a l'habitude de voir en noir et blanc et à qui les couleurs vont à ravir), Kalonji (un autre auteur Paquet), Cabanes, Plessix, Pierre Duba, Jacques Ferrandez, Emmanuel Lepage et quelques autres donnent vraiment le meilleur d'eux-mêmes. Quant aux véritables inconnus, ils ne sont parfois pas loin de leur voler la vedette. Mais la seule véritable vedette du livre, ces sont ces Innuats que cet ouvrage contribue à mieux faire connaître. Quand une initiative aussi louable débouche sur un résultat aussi réussi, il ne faut pas passer à côté. Sans parler des dessins « fil rouge » de l'ami Lidwine, qui ravissent le lecteur d'un bout à l'autre du livre...
Ca swing (Edika) par Thierry Bellefroid
« Ça swing », 26ème album d'Edika. Chez Fluide Glacial.

Les années passent. Edika ne change pas. Et surtout, il ne perd rien de cet humour tout sauf délicat qu'on lui connaît. Maltraitant ses personnages sans aucune espèce de pitié, il nous fait rire de farces hénaurmes parmi lesquelles « Instants de bonheur » est sans doute l'une des plus réussies. Le pauvre Bronsky, plâtré à l'endroit le plus délicat, harcelé par une Olga à la libido très éveillée... un grand moment d'humour façon Fluide ! Ce n'est bien sûr pas le seul. Comme tous ces prédécesseurs, cet album regorge d'histoires loufoques, gentiment crades, qui peuvent passer de pages presque muettes à des planches croulant sous le texte, comme «dans « Péché véniel », une histoire dont les trois premières pages rappelleront aux esprits chagrins qu'Edika sait tenir un crayon ! Bref, voilà une bouffée d'humour dans laquelle on mord comme dans un gros saucisson à l'ail : ça ne rafraîchit pas l'haleine, mais ça fait du bien par où ça passe !
Blagues coquines par Thierry Bellefroid
« Blagues coquines 2 », ouvrage collectif, aux éditions Joker.

Bel effort de maquette pour cette collection qui évite les couvertures affreuses des 24 autres albums du genre parus chez Joker. Pour le reste, il s'agit de l'exercice dans lequel excelle le team Joker, « la blague de cul ». Quoique. A la lecture exhaustive de ce recueil de 96 pages (on ne peut pas dire que l'éditeur soit chiche sur la quantité !), on découvre quelques planches qui n'ont rien à voir avec le sexe et qui semblent s'être perdues dans l'album. Quoiqu'il en soit, l'exercice consiste à mettre en images les dernières meilleures blagues de comptoir. Pas de surprise, on lit cet album comme on feuilletterait les pages du « Petit farceur ». A la différence près que d'un dessinateur à l'autre, les nuances de qualité sont évidentes. Gursel est sans conteste le meilleur des cinq « fournisseurs » de cet album. Ça tombe bien, c'est lui qui amène la plus grosse part de gags. Manque évidemment le maître du genre : Dany. Normal, ses albums marchent si forts qu'ils ont droit à leurs propres Best Of.
« Le commandement », tome 1 du Grand Pouvoir du Chninkel, par Van Hamme et Rosinski. Chez Casterman.

Pendant que Dupuis réédite « S.O.S. Bonheur » sous forme d'intégrale, une autre « vieille » BD de Jean Van Hamme a elle aussi les honneurs de la réédition, mais là, on fait le chemin inverse. Le Grand Pouvoir du Chninkel est en effet paru d'une seule pièce, en 1988, chez Casterman, après une prépublication dans (A SUIVRE). Alors, comme on peut difficilement faire une intégrale d'un one shot, l'éditeur a eu l'idée géniale et juteuse... de le découper en tranches ! Résultat, le Grand Pouvoir « colorisé » (par la coloriste de Thorgal) pourra se vendre en trois fois, dans la collection grand format de Casterman. Pour une BD déjà rentabilisée, on peut dire que c'est du bénéfice net ! Le mercantilisme confine à la mesquinerie lorsqu'on tourne la dernière page de ce premier tome, puisque la pagination est ainsi faite qu'on n'a même pas droit à une page blanche pour séparer la dernière planche du rabat de couverture...

Mais passons. A côté de ces petits défauts, cette réédition a une grande qualité : elle permettra aux plus jeunes lecteurs, aujourd'hui attirés par la signature de Jean Van Hamme, d'accéder à ce qu'il a livré de mieux. Avec S.O.S. Bonheur et Histoire sans Héros, le Chninkel fait partie de ces perles que le scénariste de XIII a livrées à ses débuts. Et je serais même tenté de dire que de ces trois scénarios, le plus passionnant, le plus abouti, disons même le plus beau est cette « fable » religieuse ou théologique, le Chninkel. Qu'importe qu'on y trouve des idées ou des images « piquées » ailleurs, comme le monolithe de « 2001, l'Odyssée de l'Espace » ou l'univers du Seigneur des Anneaux. Van hamme a toujours puisé son inspiration dans celle des autres ; tant qu'il en fait du neuf, ce n'est pas gênant. Et son, regard, ici, est un enrichissement pour les éléments disparates qu'il a pompés ailleurs. J'avoue préférer la version en noir et blanc. Peut-être parce qu'elle a été créée pour ça. Les effets de trame (page 9 et plus encore page 16 de cette nouvelle édition) passent assez mal le cap de la mise en couleur et l'ensemble prend un côté un peu « thorgalien » qui trompe sur la marchandise. Mais en dehors de ce choix personnel, je ne peux que me réjouir à l'idée que cette superbe histoire va séduire un nouveau public. Elle le mérite bien !
USS Nebraska (Sanctuaire) par Thierry Bellefroid
Je viens de lire... « Sanctuaire », tome 1 de USS Nebraska. Par Xavier Dorison et Christophe Bec. Aux Humanoïdes Associés.

Comment ne pas penser à Jules Vernes au moment d'aborder cette BD ? Jules Vernes qui a lui-même livré sa vision des abysses et du fantastique. Jules Vernes qui a sans doute bien plus influencé le cinéma qu'on ne l'imagine. Et si à l'heure d'écrire ces quelques lignes, je pense au septième art et à ses influences dans la littérature, c'est parce que Xavier Dorison fait partie des auteurs de bande dessinée qui lui doivent tout. «Du « Troisième Testament » à « Prophet », on retrouve la même écriture cinématographique chez ce jeune scénariste. Et je ne serais pas étonné qu'il finisse un jour par écrire ou réaliser lui-même un film ; il en a l'étoffe. Pourtant, on dit souvent qu'une bonne BD est une histoire que seul le medium de la bande dessinée peut raconter, qui n'a sa place que dans la narration dessinée. Dorison et Alice ont prouvé depuis quelques années qu'il y avait moyen de faire du très bon cinéma sur papier. Ne manquent ni le découpage redoutable, ni les cadrages intelligents, ni le suspense, ni les effets spéciaux. Et finalement, quel que soit le dessinateur qui exprime les idées de Dorison, il y a toujours la même vision qui est comme une griffe personnelle.

D'aucuns objecteront que Xavier Dorison recycle les mêmes recettes. Son imagination semble stimulée par les énigmes à la Indiana Jones. Archéologiques et souvent théologiques. Du fantastique mâtiné d'aventure que des héros mal préparés subissent autant qu'ils le défient. C'est encore le cas dans ce sous-marin, confronté à un mystère scientifique majeur. Des maladies qui apparaissent de manière foudroyante sans aucune explication, des membres de l'équipage qui commettent des actes inexplicables, une vieille épave qui est comme un rébus à déchiffrer. Et une grotte sous-marine (on dit un machélodon, j'ai appris ça en lisant cette BD) qui n'a encore presque rien livré de sa mystérieuse origine. Les ingrédients s'emboîtent, de manière peut-être un peu complexe au début, et vous emmènent, 20.000 lieues sous les mers, sur les traces de Babel. C'est captivant, tout simplement. Et rudement bien documenté. Dorison joue comme dans « Prophet » sur les illustrations pleines pages pour envoyer à la figure du lecteur quelques-unes des images les plus fortes (c'est le cas en pages 8 /9, mais surtout, en pages 22/23) et manie les ingrédients du huis-clos avec beaucoup de savoir-faire. L'intensité dramatique dépasse de loin l'expérience similaire menée dans la série « Les Aquanautes » (deux volumes parus chez Soleil).

Le dessin de Christophe Bec est quelque peu rugueux et rebutera peut-être quelques lecteurs potentiels. Pourtant, en dépit d'une certaine aridité et de quelques profils parfois vraiment trop cinématographiques, Bec brille par son efficacité. Il le prouve notamment avec une couverture très réussie !
« Y a rien de plus beau que le boulot » par Vuillemin. Chez Albin Michel/L'Echo des Savanes.

Regardez la couverture. Lisez l'album. Et quand vous l'aurez refermé, lisez la quatrième de couverture. C'est le gag final. Et si ce n'est pas le meilleur que Vuillemin ait trouvé, c'est tout de même ce qui résume le mieux cet album. Des dessins (un par page, sauf exception) « de presse » qui tournent tous autour du travail et qui sont plus cruels les uns que les autres. Il y a quelques jeux de mots faciles (le poste à trois patates par mois, par exemple) mais il y a surtout une vision du monde que l'on connaît depuis longtemps et qui n'est pas aussi gratuitement méchante qu'on veut le faire croire, parfois. Vuillemin fait rire, oui. Il fustige les malheurs des plus faibles et des exclus. Mais il est évident que c'est davantage pour prendre leur défense que pour les ridiculiser. Sa cible idéale, finalement, c'est la bêtise humaine qui s'exprime au boulot mieux qu'ailleurs. Et que l'administration érige souvent carrément en principe universel. Voilà pourquoi le gag de bas de page préparé pendant tout l'album à travers une galerie de portraits géniale vous fera forcément rire quand vous lirez l'unique phylactère, sur la dernière page. Parce que la caricature, ce n'est que l'art d'exagérer un peu ce qui existe vraiment !
La colonne (Lefranc) par Thierry Bellefroid
« La colonne », une aventure de Lefranc, par Jacques Martin et Christophe Simon. Chez Casterman.

Revenu au bercail après un passage express par les éditions Dargaud, Lefranc a changé de dessinateur, mais ça ne lui a pas rendu la santé ! Album poussif et invraisemblable comme les deux précédents (moins mauvais quand même, avouons-le, que « Le vol du Spirit » qui était un sommet absolu du genre !), « La colonne » nous emmène faire un peu de tourisme au Cambodge. On ne doute pas que Jacques Martin se soit renseigné sur le pays. Au contraire. (Il ressort d'ailleurs de ses conversations avec Stéphane Caluwaerts dans le petit livre « A propos de Lefranc » paru aux éditions Nautilus que sa principale source d'information était l'épouse d'un membre de MSF). Mais c'est tellement documenté qu'on a l'impression de lire une élocution en images. Ou un compte-rendu de voyage, c'est selon. Bref, ça sent la doc, les bons sentiments et le manque d'idées neuves. Quoique. Quand on parle de bons sentiments, il y a quand même des choses qui font bondir : Jacques Martin dénonce peut-être l'exploitation de la main d'oeuvre locale et le trafic de faux (encore que le mot « dénoncer » est un peu exagéré) mais il nous présente en revanche un Lefranc précieux qui s'indigne de ne pas trouver d'hôtel à son goût et de devoir subir des conditions de voyage rudimentaires...On croit rêver ! Pis, Lefranc accepte la mission que veut lui confier la richissime Barbara Trelaunay parce qu'elle le paye une somme rondelette ! Il est loin le héros désintéressé que seuls le destin du monde, la justice et l'information poussaient à l'aventure...

Que dire de cet album sinon que faire le compte-rendu des invraisemblances du scénario prendrait plus de place qu'il n'en mérite ici ? Qu'en dire sinon que les récitatifs redondants font presque rire tant ils sont démodés, que le dessin de Christophe Simon est aussi statique qu'une poterie Ming remplie de lingots de plomb, que les dialogues sentent l'air confiné du bureau du scénariste et que la scène finale à Paris est d'une rare vacuité ? Et dire qu'il y a tellement de jeunes gens qui font du bon travail en bande dessinée et qui n'auront ni les honneurs de l'interview ni la promotion d'un album comme « La colonne »...
« Trino, Le journal de la création », par Altan. Chez Rackham.

Si vous aimez l'humour nonsense et le dessin minimaliste, vous n'allez pas être déçu ! Je dirais même que vous risquez de ne pas parvenir à quitter la lecture de ce livre avant le dernier strip. Altan, connu chez nous pour ses collaborations au magazine (A SUIVRE) jadis et les dessins qu'il publie dans Le Monde, est une véritable star en Italie. A la manière d'un Philippe Geluck en Belgique, il « cartonne » chez lui depuis des années avec un humour qui peut paraître gratuit mais ne l'est pas. Rackham a eu l'excellente idée de traduire cette oeuvre totalement hilarante composée de centaines de dessins minimalistes où l'on voit Dieu aux prises avec son patron, tenter le difficile pari de la Création en sept jours. Revisitant la genèse avec irrévérence et fantaisie, Altan joue sans cesse avec les espèces, les inventions, les absurdités du genre « oui, mais que va-t-on faire de toutes ces crottes ? ». A chaque nouvelle idée, Dieu doit vite corriger les défauts qui en découlent. Et tout ça pourquoi ? Pour satisfaire les exigences de son patron, qui est avant tout un homme d'affaires et qui veut que cette Création soit à la fois rapide, efficace et bon marché. Les dialogues entre les deux hommes (appelons-les comme ça) sont ciselés de main de maître par Altan qui prend un plaisir manifeste à bousculer le lecteur sans jamais ralentir le rythme. L'hippo complète la galerie de personnages pour permettre aux deux autres de respirer de temps à autre, mais même sans lui, Altan aurait pu tenir pendant des dizaines de pages, tant son imagination est fertile.
Exemple de dialogue entre dieu et son patron :
-Le patron : Je vous écoute
-Dieu : Le mouton ! Il produit de la laine, mange de l'herbe, fertilise le sol.
-Le patron : bien !
-Dieu : L'oie ! Elle produit du foie gras.
-Le patron : Très bien, avez-vous songé à inventer le pain grillé ?
-Dieu : Non, pardon. Permettez-moi de me suicider.

Vous en voulez une autre ? Bon, celle-ci vient après une série de gags sur les caméléons et les mouches.

-Le patron, avec un caméléon sur la tête : On est envahis par ces affreux reptiles.
-Dieu : Les mouches...
-Le patron : Les mouches mangent les crottes. Les caméléons mangent les mouches...
-Dieu : C'est cela
-Le patron : Et qui va manger les caméléons ?
-Dieu : Ça ne vous dirait rien pour Noël ?

Ou encore...

-Le patron : Alors, le problème des crottes est réglé ?
-Dieu : Voici la solution. Ça s'appelle le maïs.
-Le patron : il se nourrit de crottes ?
-Dieu : Avec avidité. Et il sert à nourrir les vaches.
-Le patron : si je ne m'abuse, les vaches font des bouses grosses comme ça.
-Dieu (la tête basse) : pardon.
Snoid par Thierry Bellefroid
« Snoid », par R. Crumb. Chez Cornélius.

Le Snoid n'est ni bête ni méchant ni obsédé, il est tout ça à la fois. Volontiers scatologiques, les courts récits qui composent ce livre ont été créés entre la fin des années 60 et 1980. Ils nous donnent une bonne idée de l'humour ravageur du pape de la BD underground US. Il y a de tout. Un zeste de fétichisme, pas mal d'onanisme, une bonne dose de voyeurisme, une histoire de nymphomane alpiniste, une autre de pute aux grands pieds... bref, rien que du Crumb 100% pur jus. Rien à dire, mais ce diable d'homme ne connaît guère d'équivalent en France. Avec son dessin plein de poils et de femmes obèses, il arrive à nous faire oublier la laideur pour mieux nous faire jouir de son humour si particulier. Cornélius n'est pas à son coup d'essai, puisque l'éditeur a déjà traduit d'autres albums de celui qui fut grand prix de la ville d'Angoulême il y a trois ans. Des albums qui sont à chaque fois comme un témoignage de l'inventivité graphique et névrotique de ce grand bonhomme qu'est Crumb.
« Les aventures de Fred et Bob », l'intégrale, par Thierry Cailleteau et Olivier Vatine. Chez Delcourt.

Réunion de deux albums dont le premier est paru il y a tout juste quinze ans, ces « aventures de Fred et Bob » fleurent bon la nostalgie. Nostalgie des sixties, d'abord, puisque c'est à cette période que se déroulent les aventures loufoques de ces deux dragueurs invétérés d'Etretat. Nostalgie des débuts de Guy Delcourt dans l'édition aussi. Car cette réédition est une manière, pour l'éditeur, de fêter les quinze ans de sa maison d'édition. Elle a en effet démarré avec la publication en album de « Galères balnéaires », le premier des deux recueils aujourd'hui réunis sous l'appellation des « aventures de Fred et Bob ».

A lire ces histoires courtes parfois gentiment absurdes (la rencontre de Fred et Bob morts-saouls avec deux extraterrestres qui les prennent pour des mercenaires de l'espace est un grand moment de délire) et souvent traversées par un humour assez potache, on est quand même content de savoir que les deux compères ont abandonné cette voie pour nous donner le magnifique « Aquablue ». C'est vrai que Fred et Bob, c'est drôle, c'est frais, ça fait pas de mal à une mouche et ça détend. Mais c'est tout de même un peu léger, comparé à ce qu'ont entrepris ensuite (et presque par hasard) les deux copains de lycée Jeanne d'Arc de Rouen (vous vous demandez comment je connais même le nom de leur lycée ? Aucun mérite.... Pour en savoir autant que moi, lisez leur interview dans le premier numéro de « Pavillon Rouge », le nouveau magazine de Delcourt).
« Les voisins venus d'ailleurs », premier tome des la série « Les Ostings » par Baraou et Sardon. Dans la collection Delcourt Jeunesse.

Sardon en couleur, pourquoi pas ? D'autant que c'est Walter, le coloriste de Trondheim, qui se charge de la chromie parfois assez violente de cet album décoiffant. Les Ostings sont une famille de squelettes sans histoires. Du moins, jusqu'à ce que, l'ennui aidant, ils en viennent à provoquer la naissance d'encombrants voisins par le seul pouvoir de leur imagination. Les situations très comiques qui découlent de cette coexistence difficile rappelleront à la fois l'irruption de la famille Séraphin Lampion à Moulinsart et « La vie est un long fleuve tranquille » de Chatillez. Car l'idée d'Anne Baraou est de nous rejouer la différence de classe parmi ces squelettes. D'une part, les Ostings qui vivent dans leur manoir, des gens très comme il faut, mais « coincés du bulbe », aux dires de leurs voisins. De l'autre, la famille sans-gêne par excellence, les Zintrux. Au milieu, un petit garçon et une petite fille qui n'ont pas du tout envie de devenir copains... et un adorable chien. Les dialogues sont savoureux à souhait. Tout cela est très mignon, malgré la référence à la mort qu'implique l'usage de héros squelettes. Finalement, Anne Baraou ne s'en sert que pour installer le fantastique dans son récit, mais ses deux familles rivales sont plus humaines que les humains. Le résultat est un conte amusant, inattendu, joliment dessiné par Vincent Sardon qui signe là une belle incursion dans le monde de la BD pour enfant. Il faut dire que son graphisme l'y prédisposait.
Une année sans printemps par Thierry Bellefroid
« Une année sans printemps », par Ambre et Lionel Tran, chez Six Pieds Sous Terre.

Après « Le journal d'un loser », on ne s'attendait pas à retrouver Ambre et Lionel Tran dans cet exercice littéraire et artistique en hommage à trois créateurs. Le premier récit nous entraîne dans les insomnies de l'écrivain d'origine roumaine, Emil Cioran. L'histoire est déstructurée, difficile à suivre parfois, mais elle nous propose des fragments de la réalité quotidienne de Cioran qui éclairent le personnage avec sobriété. Au centre de tout : la création.
Plus facile d'accès, et sans conteste le plus réussi des trois chapitres, le deuxième récit nous raconte une rencontre. Celle de la photographe new-yorkaise Diane Arbus et d'une jeune admiratrice qui a décroché avec elle un premier rendez-vous d'un quart d'heure. La rencontre se déroule chez Diane Arbus, un mois avant son suicide. Elle montre une femme disponible, curieuse, étonnamment généreuse par rapport aux limites qu'elle avait fixées d'emblée. La rencontre se prolonge plusieurs heures. L'histoire s'appuie sur un récit anonyme, trouvé sur internet. Elle serait donc vraie. Ce n'est pas la création qui est ici au centre du récit mais la rencontre, l'écoute, la recherche de l'échange et de l'amitié pour fuir la solitude. Touchant, le récit est aussi vibrant par sa mise en image audacieuse. Ambre essaie des cadrages coupants comme le verre. Le parti-pris esthétique est évident et participe de l'histoire elle-même. Enfin, le troisième récit nous emmène dans la famille Bach. Jean-Sébastien, le patriarche, et sa « petite famille », tels qu'en eux-mêmes. Mais transposés de nos jours. Les prénoms des enfants ont été légèrement changés, des anachronismes volontaires ont été introduits dans l'histoire. C'est une tentative de reconstitution non historique, une recréation du réel.
Interpellant, singulier, original, le travail des deux auteurs n'est pas destiné à nous en dire plus que ce que l'on trouve dans les biographies officielles de ces trois créateurs, mais bien de nous dire autre chose...
« Police by night », par Alex Varenne, aux éditions du Balcon.

Le retour en album de l'un des chefs de file de l'érotisme en BD. Varenne a fait les beaux jours d'Albin Michel où il a publié plus d'une quinzaine d'albums parmi lesquels on trouve la série Erma Jaguar (trois tomes, son plus grand succès), et des albums comme Carlotta, Erotic Opéra, Lola, Amours fous... Il y a aussi réalisé en duo avec son frère, Daniel, six albums de la série Ardeur, qui a marqué leurs débuts communs dans la BD. Bref, ce qu'on appelle un pilier. On le retrouve aujourd'hui aux éditions du Balcon, avec cette nouvelle série qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. « Police by night », c'est un polar qui se situe dans le monde interlope de la nuit. On y trouve des prostituées, des travelos, des déséquilibrés plutôt dangereux et violents, et surtout, un duo de flics assez étrange. Lui, inspecteur, homme de terrain dans tous les sens du terme. Il vient de la rue, il y est plus souvent qu'au bureau et ne dédaigne pas une petite gâterie en nature pendant ses enquêtes. Elle, sa supérieure. Elle lui jette ses jambes en appât et il mord aussitôt à l'hameçon. Reine du Dim-up, elle ne porte que des jupes ultra-courtes et ne confie que des missions tordues à son flic préféré. Ces deux personnages sont si éloignés de la réalité policière qu'on a presque envie d'en rire, d'autant qu'un coup d'oeil à leur bureau achève de vous convaincre que vous n'êtes pas dans le « vrai monde », celui où les commissariats vétustes sont avant tout des lieux où la paperasse déborde de partout. Alors, il ne vous reste qu'à suivre Varenne dans son délire. Un délire violent, sado-masochiste, qui n'apporte pas grand chose à la BD sinon la confirmation que ce sexagénaire est loin d'être assagi. Pour adultes, bien sûr...
Hortus Sanitatis par Thierry Bellefroid
« Hortus sanitatis », par Frédéric Coché. Chez Fréon.

Voilà un album qui ne pouvait paraître que chez Fréon. Il correspond parfaitement à la démarche de cette maison d'édition indépendante. D'une part parce que « Hortus sanitatis » s'inscrit dans une expérience internationale en atelier menée en 2000 autour du thème de la ville. Imaginé en partenariat avec « Bruxelles 2000 » (qui était le nom officiel de l'opération « Bruxelles, capitale culturelle de l'an 2000 ») cet atelier BD a déjà débouché sur plusieurs publications d'albums, parmi lesquels le très beau « Ophélie et les directeurs des ressources humaines » d'Eric Lambé. Mais on reconnaît ici d'autres traits propres à Fréon. Notamment, une approche du récit -on devrait presque dire une interrogation sur le récit- qui s'exprime entre autres par une multiplication des supports et des expériences de narration alternatives. En cela, cet album entièrement réalisé en eau-forte est un modèle du genre (Pour ceux qui ne connaissent pas cette technique, l'eau-forte est une technique de gravure qui s'opère sur une plaque de métal enduite de vernis. Avec une pointe fine, on enlève le vernis puis on plonge la plaque dans l'acide. Là où le vernis a disparu apparaissent des sillons. Il n'y a plus qu'à les remplir d'encre). « Hortus sanitatis » est d'autant plus intéressant qu'il renvoie de manière très évidente à la peinture (et principalement à la peinture belge, nous le verrons plus loin) tout en véhiculant des images fortes et symboliques qui évoquent à la fois le passé de Bruxelles et l'universalité des thématiques abordées. Ça fait beaucoup pour une histoire de 32 pages muettes...

Frédéric Coché a longuement traîné dans les musées bruxellois, c'est une évidence. Et il en gardé des images fortes. On ne peut s'empêcher de penser à James Ensor en lisant cette histoire. Il y a quelque chose de « L'entrée du Christ à Bruxelles » dans cette BD (qui n'est pas exposé à Bruxelles, mais aux Etats-Unis, malheureusement). Non seulement parce qu'elle fait une large place aux masques et à la mort (on ne compte pas les tableaux, dessins et gravures d'Ensor qui font la part belle aux masques et aux squelettes). Mais aussi dans une certaine mesure parce que la mise en place des personnages dans le cadre rappelle Ensor... qui était aquafortiste, lui aussi. Mais on retrouve aussi toute l'iconographie médiévale associée aux Armes de la ville, notamment dans le combat entre Saint Michel et le Dragon, remplacé ici par un squelette. On pense également à Jérôme Bosch, à Marcel Broodthaers ou même à Magritte. Pourtant, « Hortus sanitatis » (littéralement « le jardin sain ») n'est pas une oeuvre à usage exclusif des Bruxellois. Au contraire. Frédéric Coché est Français. Et son but n'était ni de raconter l'histoire de Bruxelles ni celle de l'art belge. Son « Hortus sanitatis » est d'ailleurs une très belle évocation du triomphe du plaisir, de la vie et de l'amour sur la mort. A travers des éléments parfois empruntés au surréalisme, comme cette pluie de moules régénérescente, il construit un récit sans texte dans lequel chacun puisera la matière qu'il désire. Mais ses images ne sont jamais gratuites. Et leur sens n'est pas toujours univoque. Aussi, le dernier dessin est-il à la fois un paysage et l'entre-jambe d'une femme, forêt de vie qui a engendré l'arbre salutaire.

Vous l'aurez peut-être compris, « Hortus sanitatis » est un livre difficile d'accès. Ses niveaux de lecture pluriels, sa technique inhabituelle le placent parmi les ouvrages de BD expérimentale. Mais il mérite une attention toute particulière. Parce qu'il s'inscrit dans le cadre d'un travail de fond : celui de quelques jeunes créateurs qui tentent, depuis une petite dizaine d'années, de renouveler la bande dessinée en la confrontant à toutes les techniques sémantiques et plastiques.
Vampires par Thierry Bellefroid
« Vampires », ouvrage collectif. Aux éditions Carabas.

Derrière une couverture très réussie de Xavier Lauffray (Prophet aux Humanos), une série d'histoires courtes et d'illustrations sur le thème des vampires. On y retrouve quelques très belles signatures de la BD française, mais aussi anglaise et américaine. Etre parvenu à réunir tous ces talents sur un même album est déjà un tour de force. Côté français, on trouve, entre autres, Yoann (Toto l'ornithorynque, Ninie Rézergoude, etc...), Joann Sfar (faut-il encore vous le présenter ? Il signe le scénario du court récit dessiné ici par Yoann), Alex Alice (Le Troisième Testament), Claire Wendling (Les lumières de l'Amalou, ...), Caza (Le monde d'Arkadi), Marazano (Dusk). Et côté stars internationales, on trouve par exemple Mike Mignola (Hellboy), Bryan Talbot (dans un genre très différent de « L'Histoire d'un vilain rat » publiée il y a deux ans par Vertige Graphic) ou David Lloyd (V pour Vendetta). Mais il y en a encore d'autres. Bref, une belle galerie de dessinateurs qui, pour la plupart, donnent le meilleur d'eux-mêmes. Le « Noces » de Caza ou le « Sire » de Talbot sont graphiquement irréprochables sans parler du récit au lavis de David Lloyd, « Internet », qui est superbe, lui aussi. Seul problème, les scénarios ne sont pas toujours à la hauteur. La plupart des histoires souffrent d'un format trop court et sont donc condamnées à ne véhiculer que des poncifs. Les amateurs de vampire s'en accommoderont. Les autres se consoleront avec les très belles illustrations pleine page qu'ont dessinées Wendling, Alex Alice, Patrick Pion, Mignola, Gary Gianni et quelques autres.
« Un diamant pour l'Au-delà », tome 1 de la série Bouncer, par Alejandro Jodorowsky et François Boucq. Aux Humanos.

On retrouve dans « Bouncer » trop d'éléments croisés dans d'autres albums parfois récents pour y voir la marque d'une histoire singulière, hors normes. Non, Jodorowsky ne réinventera pas le Western comme il a réinventé la Science Fiction avec « L'Incal ». Tout au plus signera-t-il un récit aux apparences plus classiques que ce qu'il a livré jusqu'ici. Trop classique, peut-être. L'ex-gâchette qui s'est converti à la religion et qui vit en prêcheur avec sa famille, loin des hommes et des armes, on nous l'avait déjà fait. Le renégat qui mène sa milice après la défaite des armées confédérées aussi. Quant au tireur manchot, il nous rappelle inévitablement le héros du récent « Western » de Jean Van Hamme paru au Lombard. Bref, toute la galerie de personnages a un côté déjà vu. On retrouve tout de même la griffe de Jodorowsky dans cette histoire, puisque la famille des héros est dominée par la personnalité d'une mère prostituée menant ses enfants dans un monde amoral dominé par la cupidité. On trouve aussi d'autres thèmes chers au maître : les mutilations, les rapports fils/mère, la violence...
Quant au dessin de François Boucq, comme on pouvait s'en douter, il est nerveux, virtuose, surtout magnifié par les grands paysages. Mais Boucq s'est peut-être laissé gagner par la noirceur de son scénariste. Ses personnages sont tous laids et même la mère a un côté masculin, carré, dénué de toute légèreté. François Boucq, surdoué du dessin, livre sans doute ici un album intéressant, qui aurait peut-être gagné à être publié en noir et blanc. Mais si vous espériez le nouveau Blueberry pour cet été, il faudra encore patienter un peu.
« La table de pierre », tome 2 de la série « Petit Verglas », par Sattouf et Corbeyran. Chez Delcourt.
Au départ, le propos de Petit Verglas peut paraître dur. L'histoire raconte comment un vieux médecin décide d'enfermer une gamine et de la laisser seule faire son éducation, sans aucun contact avec l'extérieur. La petite est nourrie par une trappe et l'homme l'observe, notant jour après jour les réactions de l'enfant, persuadé que la fillette finira par lire d'elle-même ou par apprendre le monde sans aucune aide extérieure. Mais un jour, l'oiseau s'envole et la petite fille croise la route d'un étrange garçon, guérisseur depuis qu'il a mis les mains sur les parois d'un étrange dolmen. Le destin de ces deux enfants va basculer. Eric Corbeyran choisit de nous raconter une histoire qui mêle les éléments fantastiques et les ingrédients plus romanesques. Il évite de nous rejouer « l'enfant sauvage » même si lorsqu'elle s'enfuit, la fillette est incapable de communiquer avec le monde extérieur et totalement prostrée. Dans ce deuxième tome, peut-être plus tragique que le premier, la mécanique mise en place peut donner toute sa mesure. Le destin se joue des personnages et prend un malin plaisir à les placer au mauvais endroit au mauvais moment. Il y a quelque chose de balzacien dans ce récit. Histoire subtile, envoûtante, Petit Verglas est une chronique régionale très début de XXème siècle qui sent bon la campagne et les trains à vapeur. Mais c'est aussi une belle histoire humaine avec ses bons et ses méchants, toute une galerie de personnages qu'on se prend à trouver attachants et qui n'ont pas livré tous leurs mystères au terme des deux premiers albums de la série. Au dessin, Riad Sattouf fait ses débuts, avec tout ce que cela comporte de fraîcheur et de maladresse, parfois. On aime ses visages aux grands yeux expressifs, la façon qu'il a de faire passer la tristesse dans le regard d'un chien ou un pli sur le front d'un personnage. On aime moins le manque de maîtrise des proportions qui trahit parfois encore le débutant. Mais on passe très vite outre les petits défauts de confection grâce à la grande lisibilité de l'ensemble.
« L'éveil du pouvoir », tome 2 de la série Merlin, par Istin, Lambert et Stambeco. Chez Nucléa.

Après « La colère d'Ahes », le deuxième volume de « Merlin » nous fait partager l'adolescence du futur magicien. Toujours aussi différent de la série de David Chauvel (et c'est tant mieux) mais peut-être moins spectaculaire que le premier, cet album se résume surtout à la lutte que se livrent deux mondes. D'un côté il y a le monde païen, Ahes, en tête. Des dieux qui ont façonné Merlin en envoyant un être magique féconder une jeune vierge. De l'autre, la religion chrétienne qui est en train de le récupérer. D'un côté la promesse du pouvoir. De l'autre, une certaine idée du devoir que le vieux précepteur de Merlin tente de lui enseigner. La crise d'adolescence du magicien est un moment important et intéressant à suivre et on ne regrettera pas que Jean-Luc Istin s'y soit attardé. Le personnage de la mère évolue parallèlement, ce qui permet de rebondir vers plus de légèreté. Quant au dessin d'Eric Lambert, qui rappelle parfois certains albums « Zenda », il semble prendre plus d'assurance. Son trait s'est épaissi, ce qui donne plus de présence à certains des visages. La suite de cette série est également sur les présentoirs des libraires, « Arthur Pendragon » est son nom. Un volume est déjà paru avec Guy Michel au dessin, cette fois.
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