« Les couleurs de l'infamie », par Albert Cossery et Golo. Dans la collection Poisson Pilote des éditions Dargaud.
Pour l'amoureux de l'Egypte et le connaisseur du Caire que je suis, cet album est une bénédiction. On y retrouve l'âme du Caire, dans tout ce qu'elle a de magique et de drôle, de poétique et de fataliste. Ce n'est évidemment pas un hasard. Albert Cossery, écrivain égyptien, sait de quoi il parle. Il manie l'ironie tranquille, la dérision, le second degré, la moquerie de soi, comme seul un Cairote peut le faire. Parti du roman éponyme, Golo adapte seul, découpe, illustre, dessine. Sans en remettre, sans trahir non plus. D'un trait épais qui rappelle parfois celui d'un Farid Boudjellal, il croque les gens et les situations en observateur attentif, guidé par le texte magnifique de Cossery. Car s'il faut remercier Golo d'une chose, c'est d'avoir conservé la verve du roman dont il s'est inspiré. Les dialogues, savoureux, ciselés, intelligents, sont eux aussi le reflet exact d'un art de vivre et d'une culture que l'auteur a su figer sur la feuille. Bref, plonger dans ce livre, c'est déjà partir en voyage, un voyage authentique, celui de l'Egypte d'aujourd'hui. Une Egypte qui se fout des pyramides, de la promiscuité, des odeurs ou de l'écologie. Une Egypte de la débrouille, qui possède sur son sol la plus grande des capitales africaines, ville aux confluents des civilisations et des cultures, asphyxiante, tentaculaire, fascinante et si humaine à la fois. C'est tout cela que vous retrouverez à la lecture de ces « Couleurs de l'infamie ».