Les coeurs solitaires par Philippe Belhache
« Les coeurs solitaires », par Cyril Pedrosa. Dupuis, collection Expresso.
Changement d'éditeur, changement de ton. En prenant pied dans la très respectable collection Expresso de Dupuis, Cyril Pedrosa marque d'une pierre blanche, avec ce premier album solo, son entrée dans la fiction sentimentale contemporaine. Et impose une nouvelle facette de son talent, jusque là exprimé dans l'animation chez Disney, ou dans le récit fantastique comme « Ring Circus » ou « Shaolin Moussaka », ses deux collaborations avec David Chauvel chez Delcourt. S'attachant aux pas de Jean-Paul, jeune homme renfermé coincé entre un mère possessive et l'image d'un père défunt, Pedrosa compose un jolie fable sur le thème de la solitude et de l'incommunicabilité entre les êtres. Une solitude commune à la presque totalité des personnages. Une mère « amputée » d'un mari qu'elle continue à entendre, une jeune femme abandonnée par son homme, une ex-militaire dont l'amour n'est jamais rentré du front, une bombe sexuelle qui provoque son compagnon en multipliant les aventures... Engoncé dans un carcan familial trop rigide, miné par ses fantasmes inassouvis, Jean-Claude pense trouver son bonheur dans la fuite, sur un paquebot pour célibataires. Et finit par y réaliser son apprentissage sentimental, avec ses rejets, ses demi-succès, ses humiliations... Et sommes toutes, gérer malgré tout son passage à l'état d'adulte. Cyril Pedrosa amène le tout en finesse, mettant tout son talent graphique au service des personnages, dans une alternance de scènes intimistes, de superbes séquences de visages et de passage quasi-hallucinatoires. Avec cette morale qui pourrait résumer l'album. « Il n'y a pas d'amour à trouver ici, mon garçon. » Hautement recommandable.