« Citoyens américains, je suis le général Benjamin Carrington, ex-chef dEtat-Major de larmée des
Etats-Unis. Il y a dix jours, jai enlevé votre Président, Walter Sheridan. Et jai pris possession de la
mallette noire qui permet de déclencher à tout moment la guerre nucléaire ».
Best-seller absolu de la bande dessinée moderne, XIII est aussi une série culte dont chaque nouveau chapître est attendu avec impatience. Jean Van Hamme et William Vance ont mis au point une mécanique dhorlogerie qui fascine le lecteur depuis 13 ans. Fort de cette dynamique, Dargaud souhaite faire de la saga XIII un exemple de mariage réussi entre le marketing et la création. Les explications au succès phénoménal de XIII nont pas manqué. De lefficacité mécanique du récit à la fascination quasi-psychanalytique de la quête de lidentité, en passant par limpressionnante expérience des auteurs et le dynamisme volontaire des éditeurs, tout et son contraire ont été dit. Une composante essentielle a pourtant été négligée. Derrière le suspense implacable et laction violente, XIII est une série démotions fortes nourries aux personnalités de Jean Van Hamme et de William Vance. Au moment où la série aborde avec Le Jugement un épisode crucial, le passé de XIII, il faut le chercher chez eux. XIII réussit la gageure dallier des ventes records avec un statut de
série-culte. Chaque nouveau volume est attendu avec une impatience
croissante par un public à chaque foisplus large. Mais le sentiment qui
lie le lecteur à son héros amnésique ne sest pas dilué dans la masse. Il
est toujours aussi passionné. XIII est aussi laboutissement dune démarche de son dessinateur. De
série en série, de Bruno Brazil à Bob Morane, William Vance a créé et constamment précisé un modèle graphique
de héros. Son trait extraordinairement lisible et percutant est, à linstar des scénarios de Van Hamme, un heureux
compromis entre la technique et, selon son expression favorite, les « tripes ». Objectif : faire du Brazil sans en avoir trop lair. Résultat : XIII. Mais le directeur du Lombard, Guy Leblanc, a un projet de magazine plus adulte, Cobra, et il verrait bien ce nouveau personnage en devenir la clé de voûte. Au bout dun an, rien na évolué. Vance, Van Hamme et XIII passent chez Dargaud. Le magazine nexistera jamais. Le premier album, Le Jour du Soleil Noir (octobre 1984), passe relativement inaperçu. Mais vingt ans plus tôt,
Astérix navait pas connu meilleur lancement. La barre symbolique des 10.000 exemplaires qui détermine à
lépoque un succès prometteur est néanmoins franchie. « Léditeur dalbums a des critères assez simples, analyse
Jean Van Hamme. Si le second volume se vend plus que le premier, cest déjà bon signe ». En octobre 1985, Là où va lIndien frôle les 20.000 exemplaires. Le troisième (Toutes les larmes de lenfer novembre 1986) approche les 30. 000 exemplaires. On devine déjà un nouveau phénomèneéditorial. Le bouche à oreille va y jouer un rôle essentiel. « Cest la seule arme vraiment efficace pour la bande dessinée, genre qui touche un très grand public, constate Claude de Saint Vincent, directeur général de Dargaud. Les lecteurs de bandes dessinées se trouvent dans toutes les catégories socio-professionnelles, quelque soit le niveau d"instruction, et la plupart des tranches d"âge, sauf chez les personnes très âgées. Le seul critère un peu précis ets le sexe, 60 % de lectorat masculin. A l'exception de ce critère discriminant et encore, XIII a beaucoup dadmiratrices nous nous adressons à un public de masse très disséminé. La bande dessinée est un secteur à très faible marge. Les coûts de création et de fabrication sont plus élevés quen littérature et le prix de ventepublic est moitié de celui dun roman. Dans ces conditions, comment faire de la communication de masse ? Le moyen le plus simple reste la communication sur le point de vente, mais il faut aussi miser sur la formidable courroie de transmission que représente le lecteur lui-même ». Bouche à oreilleLes libraires ont adopté rapidement la série. En faisant découvrir le premier album, ils ont la certitude que chaque nouveau lecteur brûlera de découvrir la suite. La suite ressemble à un rêve. En novembre 1987, Spads se vend à 42.000 exemplaires et, un an plus tard, Rouge Total trouve 58.000 preneurs. « Cela sest fait sans la moindre pub, se rappelle Van Hamme. Uniquement le bouche à oreille. Une raison
essentielle de cette réussite reste le dessin remarquablement accessible de William Vance ». La BD au cinéLorsquil arrive à la direction de Dargaud en 1991, Claude de Saint Vincent a le regard neuf de celui qui vient dun autre secteur (la télévision). « Avant dêtre éditeur, jétais lecteur. Mais depuis les années « Pilote », ma lecture de bandes dessinées avait diminué. La seule série récente que je connaissais était XIII. A partir de cette étude de marché significative (rires), nous avons investi de manière significative. » Treize contre Un (novembre 1991) clôt un cycle de 8 albums. Le coup est marqué par une pub cinéma de 16 secondes. « Le spot le plus court et le moins cher de lhistoire du cinéma », déclare en souriant Claude de Saint Vincent. Cest néanmoins une première pour lédition BD. Cet effort neuf combiné à une bonne vieille méga-tournée de dédicaces et de rencontres avec la presse permet datteindre des ventes insoupçonnées pour une bande dessinée réaliste (175.000 exemplaires). « En commençant, se souvient Claude
de Saint Vincent, Jean Van Hamme
pensait que son récit tiendrait en cinq
volumes. Puis, possédé par son sujet,
il la tellement enrichi quil réclamait
huit albums. Si la série sétait arrêtée
là, nous naurions pas vendu autant
dalbums que ce que nous vendons
maintenant. Un objet parfait comme
les huit premiers albums de XIII
pourrait rester une série culte mais
elle aurait eu de plus en plus de mal à
trouver de nouveaux lecteurs. Lappel de fondsPris au jeu du « je piège un lecteur qui adore se faire piéger », Jean Van Hamme, amateur de puzzles inextricables, prend donc la direction de lAmérique Centrale, histoire de découvrir pourquoi XIII parle un espagnol digne de Fidel Castro. Pour Maria (novembre 1992), est le prétexte à un jeu-concours dont le prix est un voyage en Amérique du Sud en compagnie des auteurs et dune équipe de France 2. Les ventes continuent à progresser (180.000 exemplaires). Après une année de jachère, El Cascador (février 1994) bénéficie dune campagne cinéma et dun partenariat
avec 80 stations FM couvrant les villes les plus importantes de la francophonie. Pour toucher une nouvelle
génération de lecteurs, un jeu-concours est développé avec LEtudiant et des annonces passées dans la presse
quotidienne. Si désormais un nouveau titre atteint quasiment les 200.000 exemplaires, la puissance attractive du
fonds se confirme (275.000 exemplaires en 1994). Après 10 ans de publication et de travail, la barre des 200.000 exemplaires est franchie par Les 3 Montres dArgent (mars 1995) tandis que le réassort annuel sur le fonds dépasse les 300.000 albums. Le budget de lancement de cet épisode est de 1.500.000 FF. Dans la foulée, durant dix jours, Le Jour du Soleil Noir est offert aux voyageurs de première classe du TGV. « Lidée, explique Claude de Saint Vincent, était de mettre en main le premier album de la série, extrêmement accrocheur, en ayant la certitude que les gens qui la découvraient, achèteraient les suivants. Nous avions aussi la conviction daborder une clientèle vierge, assez éloignée de la bande dessinée, mais dans un moment et un mode de transport adapté à la lecture dun album. Cela permettait aussi aux pères de famille de revenir avec un cadeau à la maison. XIII est une vraie série conviviale. Elle peut être offerte par un père à son fils, mais aussi par le fils à son père. » Un inconnu célèbreAvec Le Jugement, lobjectif est aujourdhui de franchir le cap des 300.000 exemplaires en saidant dune
campagne de lancement à la fois exemplaire et imaginative. Convaincu datteindre ce chiffre, léditeur avoue par
contre ignorer où se situera linévitable plafond de la série. Pour mieux connaître le public potentiel, il a commandé
auprès dIpsos une étude de notoriété des séries de bandes dessinées. Astérix, Les Schtroumpfs et Boule et Bill
arrivent logiquement en tête (plus de 90 % les connaissent de nom). XIII est connu par 10% des 15-44 ans et par
15% des 15-24 ans. « Les ventes ont triplé en 5 ans, mais XIII reste une série méconnue, déclare Claude de
Saint Vincent. La notoriété a progressé dans le milieu professionnel et chez les grands lecteurs, mais dans la
masse du public, elle a très peu augmenté. Et pourtant, cest le best-seller des séries qui paraissent
régulièrement (hors des héros mythiques et plus rares tels Astérix, Blake et Mortimer et Boule et Bill). Pour
un éditeur, cest une série magique ; cest le best-seller de la bande dessinée et il est inconnu ! » Offensive XIIILambition est grande : faire dun numéro fétiche un phénomène de société. Pour le lancement de la nouveauté Le
Jugement, léditeur va dépasser le cadre habituel de communication de la BD en développant des produits
permettant daccéder à des médias inédits (télévision et Internet). 17 mai au 13 juin : opération de relance du fonds (un album offert pour deux albums achetés).
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