Histoires dAmériquesDune donnée de départ quasi-imposée, Jean Van Hamme a tiré un argument majeur. Il a trouvé dans lhistoire et le mythe américains, un cadre idéal non seulement pour raconter des aventures palpitantes, mais aussi pour distiller une fascination et des souvenirs personnels. Le goût et la capacité de partager des émotions avec le lecteur complètent la définition du cas Van Hamme, scénariste imparable, célébré et pourtant secret. Le mystère Van Hamme Lassociation Vance/Van Hamme est pour la première fois envisagée quand Greg abandonne Bruno Brazil mais songe à sa reprise. Or, si le pays où se déroule les aventures de Brazil nest pas nommé, il sagit clairement des Etas Unis. Van Hamme réinvestit cet espace américain et pousse la délicatesse jusquà conserver un certain flou géographque. On ne cite pas Washington ou New York malgré des ressemblances frappantes. Cest William Vance qui saute le pas au moment de dessiner les uniformes militaires de Là où va lIndien... Ce sont ceux de lU.S. Army. « William aime ce contexte américain, détaille Jean
Van Hamme, qui fait toujours rêver. Comme
beaucoup dEuropéens, sans aller aux Etats-Unis, il
sest construit son Amérique avec le cinéma, la télé,
les photos. Elle a lavantage dêtre proche de la
vérité tout en correspondant formidablement aux
fantasmes des gens. » Pour les besoins de XIII, Van Hamme replonge dans lhistoire des Etats-Unis et ses échos personnels. « Je
revenais de permission quand jai appris par la radio que le président John Kennedy venait dêtre assassiné. Ce fut
un choc. Beaucoup de gens ont eu les larmes aux yeux parce que ce type de 43 ans incarnait un souffle nouveau.
Personne na compris cet assassinat. Ce fut le début du basculement dans une autre vision du monde, toujours
dactualité, où tout est mis en doute. » Cette base historique et émotionnelle est dautant plus fertile quelle est partagée par William Vance. Dès lors,
lunivers de XIII sera un jeu constant de repères identifiables mais faussés. Il est fait allusion au MacCarthysme
des années 50 et au Ku Klux Klan tristement intemporel. La guerre du Viêt-Nam sappelle la guerre asiatique et
semble plus récente, tout comme lassassinat de Kennedy/Sheridan. Le procès des Rosenberg devient celui de
Mountrose et Wally Sheriden serait le 44ème président des Etats-Unis alors que Bill Clinton en est le 42ème. Des
ressemblances inattendues viennent ajouter au trouble. Carrington a la tête de Lee Marvin et Heideger, celle de
Kissinger. Dans Le Jugement, le général Wittaker, premier chef détat major noir, évoque Powell... La série XIII fonctionne aussi à merveille parce quelle repose sur un concept décisif : le lecteur découvre en même temps que le héros ce qui se passe. « Le script initial mettait tout en place en un album. Je me disais quensuite, je me débrouillerais. Cela fait maintenant treize ans... Le jeu avec le lecteur consiste aujourdhui à tirer une ficelle à laquelle il navait pas pensé. Jadore les situations inextricables où je me dis « maintenant, il faut sen sortir » et je mamuse à toucher à des genres différents : univers carcéral ou militaire, saga familiale. Cela peut être programmé ou venir dune envie née au hasard. » Linfluence du dessinateur est un autre élément qui oriente la destinée de XIII. Le scénariste propose mais le dessinateur dispose darguments incontestables. « Je suis et je resterai un auteur populaire. Je nai pas dautres prétentions. Je suis moi-même très grand public. Jai envie de faire plaisir et, comme le dessinateur est mon premier lecteur, je dois séduire William pour quensuite son dessin parvienne à toucher. Quand un personnage est graphiquement très réussi, on se prend daffection pour lui. Jones aurait pu tenir un rôle épisodique mais quand William la dessinée, il devenait évident quelle devait continuer à exister. Vance est inimitable. Il a créé un type daventurier. On a mis XIII au point ensemble et il me plaît bien. XIII est un individualiste, mais tous nos personnages ne le sont-ils pas ? » Laventurier du crayon « Finalement, William Vance et moi,
nous nous connaissons assez mal. Il a
son monde à lui, un jardin secret quil
protège jalousement et dans lequel je ne
peux ni ne veux pénétrer » déclare,
complice, Jean Van Hamme. Vance le maestro « Je naime pas trop me dévoiler,
confirme William Vance. Mais cest vrai,
mes personnages traduisent sans doute certaines facettes de mon caractère. » Ringo et Bruce J. Hawker
témoignent de son amour des grands espaces. Ringo est son premier hommage aux westerns qui ont
marqué une enfance passée dans le Pajotenland, une région campagnarde du Nord-Ouest de Bruxelles. «
On rejoignait le cinéma de la petite ville de Halle en faisant 6 kilomètres à pied ». William Vance sait, désormais, quil devra conquérir sa liberté artistique. Bruno Brazil confirme sa volonté grandissante de ne pas se laisser enfermer. Personnages et éléments sortent des
cases pour donner plus de force au mouvement. Brazil na rien à envier aux films U.S. tendance musclée (Sam
Peckinpah, etc...). Vance parvient encore à accentuer le dynamisme des scénarios déjà agités de Louis Albert,
alias Greg. Mais il doit composer avec des scènes dintérieur qui lui déplaisent. Mâchoires carrées, pommettes marquées et regard volontaire, les héros de William Vance partagent un air de
famille. Lorsque Vance commence XIII, la bande dessinée est en plein revival «
Ligne Claire » (Floch, Ted Benoit...). Lorsquil officie comme auteur complet, Vance crée des héros solitaires, à son image pourrait-on dire. Une part du passé de Bruce J. Hawker restera toujours obscure. Avec cette série, il rend un nouvel hommage à la mer. De son atelier de Santander, Vance, dos aux montagnes de la Costa Verde et face au Golfe de Biscaye, connaît l'océan. « Quand je travaille sur une séquence maritime, mon esprit se détache de la réalité et mentraîne dans ces tourbillons décume ». William Vance vit dans la peau de chacun de ses personnages qui ont fini
par lui ressembler. Chaque univers héroïque devient son monde le temps dune journée de travail. Son quotidien,
cest lextraordinaire, laventure solitaire de lobservation et du dessin, la passion presque brutale du trait et des
voyages graphiques. Pour une première lecture du Jugement sur le Net.... |
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