L'univers de Zoo selon Frank
BDP : Le scénario, tant que le dessin, ont vraiment des atouts très forts dans cette BD. Quels sont les rapports que vous entretenez avec le scénariste au niveau de l'évolution de l'histoire ? Vous collaborez toujours ou restez-vous chacun de votre côté ? Frank : On collabore à certaines étapes, et puis on fait chacun notre boulot à d'autres. On a construit l'histoire à deux, on a accumulé des dossiers incroyables, mais à un certain moment, quand tout est clair dans nos têtes, Philippe Bonifay travaille de son côté pour faire une sorte de roman dialogué. Les dialogues sont importants. Il fait ça très bien et je n'interviens pas là-dessus. Ensuite, quand je les reçois, je fais alors de mon côté, seul, le découpage en images, que je lui soumets après, mais en général, il n'intervient pas non plus. Dans son texte dialogué, il y a beaucoup de choses. Il y a des ambiances, il y a des intentions... Je suis parfois obligé de couper des trucs parce que, au départ, c'est un homme de théâtre, et qu'il me donne parfois des choses impossibles à faire passer en bande dessinée... et puis, il ajoute en dessous, entre parenthèses : "Et je suis sûr que tu réussiras, c'est formidable, j'ai confiance en toi..." Mais il y a des choses que je ne sais vraiment pas représenter si je n'ai pas une place suffisante, et on est toujours coincé, il y a trop peu de place dans une bande dessinée... (rire) BDP : Qu'est-ce qui vous touche le plus dans Zoo ? Avez-vous une préférence, une affinité un peu plus particulière pour l'un des personnages ? Frank : Non, je n'ai vraiment pas de préférence. Question sans réponse. C'est impossible de répondre à cela. Je les aime tous les quatre, pour des raisons différentes, mais je n'ai pas de préférence. BDP : Combien d'albums donc dans Zoo ? Y aura-t-il plusieurs vagues ? Frank : 3 albums - 1 cycle. En fait, cela devait être en un seul album au départ, puis on en a fait deux, et on finira sur trois. Au bout de ce cycle, ce sera vraiment fini. Mais on peut imaginer que l'on prenne un élément et qu'on le développe par exemple. C'est vrai que cela me plairait d'imaginer l'histoire du Zoo, après notre histoire.... Il s'est passé des choses passionnantes dans les zoo dans les années 70, et cela me plairait de raconter cela. Mais c'est tellement loin, que je ne veux pas faire de projet. Déjà, finir Zoo me reporte à 2-3 ans, peut-être un peu plus... BDP : Donc, pour l'instant, pas de nouveau projet. Finir Zoo, et puis... Frank : Il y a toujours Broussaille, qui va sortir un album assez vite. Je ferai 2-3 histoires courtes avec Broussaille pour Spirou... et puis on verra après... puis j'ai également quelques projets assez ludiques, de travailler sur un dessin animé, ... et puis, j'aimerais déménager etc.. (rire) BDP : Vous auriez dans le monde de la BD un auteur avec lequel vous rêveriez de travailler ? Frank : Difficile de répondre à cela, parce que s'il y a quelqu'un avec qui j'aurais envie de travailler, j'aimerai d'abord lui en parler moi-même.. je ne voudrais pas qu'il le découvre dans un interview.. mais par exemple, il y a un scénariste comme Tome, dont j'aime beaucoup le travail, sa manière d'écrire, et son approche très efficace du scénario. C'est évidemment très différent de Zoo, en tout cas si l'on se réfère à ce qu'il a déjà fait... J'aimerais bien travailler avec lui...mais il le sait déjà, donc ce n'est pas un secret. Il y a un autre, un grand ancien que j'admire beaucoup, j'oserai peut-être un jour lui demander de participer à un projet avec moi, mais lui, je ne peux dire encore qui c'est... BDP : Et au niveau des contemporains, sans parler d'une éventuelle collaboration, qui aimez-vous plus particulièrement ? Frank : J'adore Baudouin. Je trouve que c'est un des auteurs les plus poétiques, les plus puissants,.. actuellement, très humble, très artiste, au dessin magnifique, d'une liberté d'écriture aussi remarquable. Il remet en question, il prend des libertés avec les codes. Je trouve ça très bien. Je trouve qu'on ne le fait pas assez. Une approche très humaine des choses. Sinon, j'aime beaucoup la brillance graphique d'une de Crécy, par exemple. Je viens de découvrir Stéphano Ricchi, et je trouve ça magnifique aussi. Wendling est également une dessinatrice exceptionnelle. J'aime également Hausman, Follet, ... BDP : Avez-vous l'impression de subir parfois certaines influences dans votre propre travail ? Frank :Oui, on se nourrit tout le temps de l'extérieur..Pour l'instant, je reprends les grands anciens. Je suis de nouveau très attiré par Franquin, ou Cuvelier... Mais en gros, je me nourris tant de la BD que de la littérature, du cinéma, etc. Justement, pour insuffler quelque chose de différent dans la BD. BDP : Pourquoi un laps de temps si long entre les albums... (quatre ans) ? Frank : Non, je ne suis pas un fainéant, non, je ne suis pas une sorte de Gaston Lagaffe du crayon. C'est tout le contraire. C'est vrai que j'avais de la lenteur et de la difficulté pour dessiner lorsque j'étais jeune, et je me suis forgé une petite réputation à cette époque-là,.. mais depuis je me suis soigné. Je travaille énormément, demandez à mes proches (rire)...vraiment, je n'arrête pas.. et en plus je dessine relativement vite maintenant. Simplement, parce que souvent, on me propose des projets extra-ordinaires ; le meilleur exemple cela a été la Warner qui m'a téléphoné pour me demander de travailler sur un long métrage. Ca ne se refuse pas, mais ça m'a pris 10 mois. Voilà pourquoi un tome de Zoo prend 4 ans pour sortir. Non pas que j'ai mis 4 ans pour le dessiner - j'y ai mis un petit deux ans - ce qui, compte tenu de la complexité du scénario et du nombre de choses à "inventer" - je parle du zoo et des animaux - ce n'est quand même pas trop long... Merci Frank pour votre collaboration à cette interview.. et pour le magnifique travail que vous nous offrez dans Zoo. |
Toutes les images et dessins © Dupuis - Frank, 1999
(http://www.BDParadisio.com) - © 1999