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Portrait d'un auteur de bande dessinée atypique : Charles Masson



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Charles Masson est apparu en bande dessinée sans crier gare. Un beau jour, on s'est rendu compte qu'il était là. Avec un livre étrange, décalé. A part les Réunionnais, qui avaient lu quelques-unes de ses histoires dans Le Cri du Margouillat, leur magazine de BD, personne ne savait que ce médecin ORL dessinait et ambitionnait de publier. Découvert par Benoît Peeters, publié dans la collection "Ecritures", l'album "Soupe froide" allait se faire remarquer par la critique. Un ton, une authenticité, un propos qui ne passaient pas inaperçus. Charles Masson s'appuyait sur ses années à Lyon pour parler d'un milieu qu'il avait beaucoup fréquenté comme médecin, celui des SDF. Deux ans plus tard, avec "Bonne santé", il remet le couvert. Cette fois, c'est tout le personnel d'hôpital qui en prend pour son grade. Pas de règlements de comptes. Mais une envie de dire ce que beaucoup de professionnels gardent pour eux. Les blagues de salle d'op' ou les gardes, le cynisme de façade et le mensonge faussement vertueux. Ça sonne juste et ça fait parfois mal. Parfois rire. Souvent réfléchir.

Installé sur les Hauts de Saint Paul depuis quelques années, Charles Masson a débarqué à la Réunion à la fin des années 90. Il a eu le coup de foudre pour cet endroit, son climat, ses paysages, mais aussi et surtout, ses gens. "Je les côtoie en consultation, je parle avec eux, je suis toujours étonné de voir comme ici, les habitants sont à la fois totalement ouverts et profondément îliens -beaucoup ne sont jamais sortis de l'île, des centaines n'ont même jamais vu la mer, coincés entre les parois de leur cirque. Le racisme, si courant en métropole, n'a pas sa place à la Réunion. Il y a des gens de toutes les religions et de toutes les couleurs de peau. Et surtout, ce qui sauve très certainement le métissage local, c'est que les Blancs ne sont pas forcément les riches. Certains d'entre eux font même partie des plus pauvres de l'île. Le ressentiment, la jalousie à l'égard de la population de métropole n'ont donc pas de raison d'être".

Partagé entre ses consultations au Port, à quelques kilomètres de Saint Denis et des allers-retours entre la Réunion et Mayotte où il travaille également, Charles Masson s'adonne au dessin dès qu'il le peut. Il n'est ni tout à fait un médecin comme les autres, ni un auteur de bande dessinée à part entière. "Je suis surtout un conteur", se plaît-il à dire. "Le dessin est un vecteur. Ce qui compte, pour moi, c'est de raconter des histoires. Et le jour où je n'aurai plus rien à raconter, j'arrêterai la bande dessinée tout de suite". Ce qui compte pour lui, surtout, c'est de rester lui-même. Son franc-parler ne lui a pas toujours valu que des amis. Son envie de solitude non plus. Mais cet auteur atypique s'en moque. De retour de métropole après une longue tournée promo où il n'a parlé que de bande dessinée et d'euthanasie aux journalistes rencontrés, il n'a qu'une envie, retrouver ses quelques amis sur un bout de plage autour d'un poisson fraîchement pêché, se pencher sur sa planche à dessin, dans ce bureau sous le faîte de la maison, aux volets toujours clos, mais bordé d'une galerie où la vue sur la mer vaut tous les décors du monde. Pas franchement misanthrope, mais pas très cocktails-petits-fours, Charles Masson a aussi choisi la Réunion pour son éloignement. "On a tous quelque chose à fuir, lorsqu'on s'installe ici" dit-il dans un sourire énigmatique. Et lui, que fuit-il ? Vous irez le lui demander, si vous passez par là. Il vous offrira un verre de kalou -le ti punch au rhum brun. Et vous racontera son île, son idéal, ses révoltes..

par Thierry Bellefroid

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