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BD Paradisio : De quoi vous inspirez vous pour vos décors, vos personnages ? Où trouvez vous votre
documentation ?
Dany : La documentation est très importante pour moi. Je nai pas une mémoire visuelle extraordinaire et donc
jai besoin de mentourer et de minspirer de documents. Cela dit, un piège, cest de chercher LE document
"tip-top"qui faut pour une case. On ne le trouve jamais. Ou alors, ce que lon fait et cest ce qui est à éviter à tout
prix, cest dadapter la mise en scène , voire son histoire, voire son découpage en fonction du document alors que
lon avait quelque chose de différent en tête à lorigine. Il ne faut pas être prisonnier du document. Il faut en avoir
et sen imprégner.
Cela dit, jai effectivement beaucoup de bouquins autour de moi lorsque je travaille. Je pense que la
documentation est importante pour tous les dessinateurs qui font leurs décors eux-mêmes.
Maintenant, jai la chance de voyager beaucoup plus quavant et je réalise limportance que représente pour moi
le fait de situer une action, une aventure pour pouvoir la dessiner.
BD Paradisio : Vous inspirez-vous de personnes réelles pour vos personnages ?
Dany : Oui, dacteurs, de proches,
mais ce nest pas systématique. Il y a une adaptation également. Mais il
marrive parfois dêtre piégé tellement jai le personnage en tête. Certains, par exemple, reconnaissent trop Gabin
dans Equator et cest parfois un peu gênant.
BD Paradisio : La jungle semble vous inspirer beaucoup dans le cadre de vos aventures
. Un vieux
rêve denfant ?
Dany : Cest vrai que jaime assez ce style de végétation. Mais je men lasse un peu maintenant parce que jen ai
beaucoup fait. Cela doit correspondre, en fait, à mon goût personnel de lexotisme et des voyages. Jadore les
pays tropicaux, équatoriaux. A ce niveau, jai également beaucoup de photos qui maident parce que cest une
végétation très dense et très spécifique.
BD Paradisio : Dans un album, vous vous occupez de tout, les crayonnages, mise au net, décors, mise
en couleur,
?
Dany : Oui, jaime bien. Je sais déjà
au moment où je crayonne quelle
ambiance, quelle atmosphère, quel
éclairage, quelle lumière conviennent à
la scène que je dessine.
BD Paradisio : Vous navez jamais
pensé à déléguer une partie de
votre travail ?
Dany : Si, parfois, par la force des
choses. Mais cest très difficile, cest
moins personnel. Cest le contraire de
quelquun comme Hermann, par
exemple. Quand vous voyez un travail
tel que celui de Hermann qui a une personnalité qui saffirme autant dans le brin dherbe quil dessine que dans un
pneu de voiture ou une trogne de personnage.
Je suis un peu comme lui. Je fais tout moi-même. Jai bien essayé de déléguer. Jai eu des assistants, un décoriste
pendant un an. Ce nétait pas valorisant, ni pour lui, ni pour moi. Je recommençais tout ce quil faisait. Lui nétait
pas content et moi non plus.
Pour "20 ans après", jétais tellement coincé par la prépublication dans Le Soir (quotidien belge) quà un moment
donné, jai pris une coloriste. Elle a fait à peu près 10 pages, mais elle na fait, en fait, que 10 demi-planches
parce que je ne voulais pas lui laisser tout faire. Elle est très bonne et a beaucoup de talent. Mais il ny a rien à
faire, jai beaucoup de difficultés à déléguer.
Je trouve que les BD les plus remarquables sont quand même celles qui ont été faites par des créateurs qui y ont
mis toute leur sensibilité, toute leur force pour tout dessiner.
Cela dit, il y a eu des mariages intéressants comme Franquin qui avait trouvé Jidéhem qui était un décoriste
extra-ordinaire. Il y a eu comme cela dexcellents albums qui ont été réalisés en tandem.
Parfois aussi comme Walthéry, qui est daltonien, et qui ne peut donc pas faire les couleurs et délègue donc cette
partie du travail. Il est dailleurs persuadé que Natacha est brune
(sic !).
BD Paradisio : Avez-vous de bons contacts avec vos éditeurs en général ? Vous laissent-ils travailler en
paix ?
Dany : Je crois que les éditeurs ont plus de problèmes avec moi que moi je nen ai avec eux.
En fait, je travaille de manière assez désordonnée, je nai pas de discipline personnelle. Jattends toujours le
dernier moment pour me mettre au travail. Je suis perpétuellement en retard. Je ne travaille pratiquement que dans
lurgence. Je me demande si ce nest pas quelque chose que je recherche inconsciemment. Parfois, je pourrais
marranger pour commencer un peu plus tôt
Mais jaime vivre ainsi, voyager aussi
Je refuse rarement un
voyage même si je suis en retard. Alors je marrange après. Je vis un peu dans le stress. Il y a trente ans que je
fonctionne comme ça et ça ne va pas si mal.
Je fais quand même gaffe parfois parce que ça génère des problèmes comme celui quon a connu dans Le Soir où
ils ont du interrompre la prépublication parce que je nai pas pu suivre.
Il est vrai que si javais pris, et jai été à deux doigts de le faire, un dessinateur pour massister, jaurais ainsi pu
assurer la parution, mais ça naurait plus été mon travail.
Donc jai préféré interrompre la prépublication. Je reconnais que ce nest pas très professionnel.
BD Paradisio : Avec quels scénariste rêveriez-vous de travailler ?
Dany : En fait, je suis très content davoir travaillé avec Van Hamme
Sinon, et bien, ils sont morts tous les deux , en fait.
Il y avait Goscinny avec qui jaurais vraiment aimé faire quelque chose.
Lautre, peut-être davantage encore mais moins connuauprès du grand public, mais qui était pour moi lun des
plus grands, cétait Maurice Tillieux. Jaurais aimé faire Gil Jourdan.
Cette collaboration a dailleurs bien failli avoir lieu pour une série dhistoires fantastiques, mais finalement, ça ne
sest pas fait.
Sinon, jai des goûts très ecclectiques et jai beaucoup dadmiration pour un bon nombre de dessinateurs et
scénaristes.
Dans le domaine de lhumour, par exemple, il y a Tronchet que jadore, et je métais dit quil pourrait être
intéressant de travailler avec lui étant donné que jai un style de dessin très éloigné du sien. Je pense quil na pas
ce quon appelle le souci du "beau dessin". Par exemple, Gotlib, à lépoque, avait travaillé avec Alexis et ce
dernier avait un style de dessin très "classe", très élégant, très éloigné du style de Gotlib. Mais justement, lhumour
complètement dégenté de Gotlib avec ce dessin très élégant, cétait vraiment extra-ordinaire.
Sans vouloir me somparer avec Alexis, je me dis que lhumour extrêmement agressif de Tronchet et mon dessin,
ça pourrait donner des résultats très amusants.
Bon, il est vrai que nous avons beaucoup de travail chacun de notre côté mais ce sont des mariages auxquels il
marrive de penser.
BD Paradisio : En dehors des BD que lon vous connaît actuellement, avez-vous de nouveaux projets
dun style différent ?
Dany : Non. Pour le moment, jai déjà beaucoup de
choses en route. Il y a "Equator" que jai vraiment
envie de considérer comme une série et accélérer le
rythme de parution à un album par an.
Il y a lalbum coquin dont le quatrième numéro devrait
sortir en septembre ou octobre prochain. Il y a là
aussi un projet avec Bob de Groot, de créer
carrément un personnage dans ce style-là.
Et puis, il y a la reprise dOlivier Rameau, vu quil
semblerait quil y ait une réelle demande du public de
reprise de cette série. Cest une série qui me tenait
très à coeur et dans laquelle je me sentais très à laise.
BD Paradisio : Dernière petite question : Si vous
naviez pas été dessinateur de BD, quel métier
auriez-vous choisi ?
Dany : Hum, bonne question. Je ne sais pas moi,
travailler dans une agence de voyage ?
Cest assez difficile. Je crois que beaucoup de
dessinateurs pourraient répondre comme moi. En fait,
les dessinateurs de BD sont avant tout dessinateur.
Ce sont vraiment des gens qui aiment le dessin, qui ont toujours dessiné. Moi, jai toujours dessiné. Ma mère
dailleurs en a gardé pas mal. A 7-8 ans, je faisais déjà des BD. Je copiais des Spirou, et des BD similaires, mais
jinventais aussi des personnages, des bandes dessinées. Je me racontais des histoires avec des cases comme mes
lectures favorites qui était la BD. Jai toujours rêver de faire ça. Mais il ny avait pas, comme il y a maintenant,
après les humanités, des sections de bande dessinée dans les écoles supérieures. Mais, javais envie de faire
quelque chose qui maurait permis de vivre de ce que jaimais le plus, cest-à-dire le dessin et jai donc choisi la
publicité. Mais je nen ai jamais fait. A la sortie de mes études, il y avait une exposition de travaux délèves qui a
été vue par Mittéï, et il ma proposé dêtre son assistant. Evidemment, je nai pas hésité une seconde.
Jai cependant été "récupéré" par la pub bien plus tard. Dans les années 80, le langage BD était très prisé par les
publicitaires. Nous avons été très courtisés à lépoque par les agences de pub (plus parisienne dailleurs que
belges) et jen ai fait assez bien alors. Je nutilisais pas nécessairement mes personnages. Cétait plutôt le
graphisme BD qui les attirait. Mais il est arrivé un moment où jen faisais beaucoup trop. Cela occupait presque
80% de mon temps. Et mon métier, cétait de raconter des histoires et donc jai arrêté.
Actuellement, jen fais encore un peu mais très occasionnellement.
BD Paradisio : Merci beaucoup Dany de nous avoir accordé cette interview. Nous vous souhaitons
bonne
pour cet album qui sort le 11 avril prochain, aux éditions Lombard.
Mais honnêtement, nous navons pas beaucoup de crainte, lalbum est réellement génial.
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