Boule et Bill ont 40 ans !!


Petit billet de Thierry Bellefroid

Boule & Bill ont quarante ans…Et alors ?

Ecrire un énième article sur les quarante ans du plus célèbre cocker de la BD et de son éternel complice en salopette ? Aucun intérêt ! On a déjà tout dit. Redit. Remâché. Pourtant, cet anniversaire est exceptionnel à plus d'un titre. D'abord, il y a cette longévité indémodable, le talent de Roba qui n'a d'égale que sa modestie. Je laisse à d'autres qui le connaissent mieux que moi le soin de vous en parler. Mais surtout, il y a une étonnante aventure éditoriale, qui mérite de ne pas passer totalement inaperçue.

Comme pour Gaston Lagaffe, Dupuis - qui n'est pas la dernière maison à penser chiffres de vente et marketing - s'est dit qu'un anniversaire, c'est toujours l'occasion de relancer les ventes. Mieux, c'est l'occasion de les doper. Et comme pour Gaston, on a découpé les albums existants pour en augmenter le nombre, perdant le lecteur dans les méandres de nouvelles couvertures qui n'ont même pas la chance de bénéficier de dessins originaux (tout bénef pour l'éditeur !). Jusque là, on a pas nécessairement envie d'applaudir…Mais là où ça devient beaucoup plus intéressant, c'est quand on s'aperçoit que deux des plus grands concurrents de l'édition ont pu faire taire leurs différences pour proposer au lecteur une opération commune sans précédent !

Il y a quelques années déjà, Roba a quitté l'éditeur de Marcinelle et s'en est allé chez Dargaud, poursuivre comme si de rien n'était le cycle des albums de Boule & Bill. Les trois derniers numéros de la nouvelle collection (25 à 27) sont donc des albums Dargaud. Les deux maisons ont signé un pacte de non-agression et l'éditeur français a accepté de rééditer les albums en question dans le lay-out de la nouvelle collection Dupuis. Seul le lecteur attentif verra la différence (l'absence de « Dupuis » au bas de la couverture) Voilà qui me plaît davantage que le « tronçonnage » de l'œuvre. La preuve que l'on peut allier commerce et bonnes manières. Et ça va plus loin, beaucoup plus loin, lorsqu'on découvre le numéro historique du magazine Spirou (n'ayons pas peur des mots) de cette semaine.

Rarement, un si bel hommage aura été rendu à un dessinateur dans le magazine des éditions Dupuis. Spirou est à la fête, cette semaine, et accueille pour l'occasion nombre de dessinateurs d'autres maisons d'éditions…et non des moindres ! La signature d'Uderzo, celles de Juillard, Gotlib, Dany, Johan De Moor….dans Spirou ! On croit rêver. D'autant que leurs hommages sont sincères et souvent touchants. Comme celui de Laurent Verron (Odilon Verjus), ancien assistant de Roba qui croque en quelques cases admirables le travail avec le maître. Le très talentueux Thierry Robin, auteur « Delcourt » par excellence (bien qu'il ait sévi aussi aux Humanos…) s'offre une récréation de trois pages intitulée « Roba à Hollywood » dont la gentille irrévérence fait plaisir à voir (scénario de Vehlmann). Irrévérence que l'on retrouve aussi sous la plume de E411, dessinateur « maison » ou de Zep, qui pour tout hommage à Boule & Bill nous parle des concerts de…Joe Cocker. Yvan Delporte et Jidéhem sont aussi de la fête, mais c'est moins étonnant puisqu'ils sont estampillés « Dupuis » pour le reste de leurs jours. Bref, un Spirou magnifique qui prouve qu'on peut, pour la bonne cause, faire taire les guerres commerciales entre éditeurs. La plus belle preuve ? Le gag de dernière page, un gag encore inédit de Boule et Bill que Roba nous livre sous sa forme crayonnée (quelle bonne idée) et qui est à paraître dans le prochain album de Boule & Bill…aux éditions Dargaud. Du jamais vu dans un magazine Dupuis !

Pour terminer, encore un mot de félicitations à Spirou (et peut-être bientôt à Dupuis, si cette publication dans le magazine est suivie d'une réédition en album) qui a eu l'excellente idée de faire connaître aux plus jeunes lecteurs l'un des fleurons de la BD familiale signé Roba : la Ribambelle. Voilà une idée audacieuse : rééditer dans le même journal, trente ans plus tard, une série qui a fait les beaux jours de Spirou de 1962 à 1976. Espérons que les lecteurs se manifestent et demandent massivement à Thierry Tinlot (rédacteur en chef du magazine) d'exhumer plus souvent les bijoux qui traînent dans ses archives. Un pont entre les générations…

Thierry Bellefroid.

Illustrations gentiment empruntées au site Opale BD


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