Serge, quelle est l'idée de départ de Siloë, qu'est-ce qui t'a travaillé pendant tant d'années, qui a fait que tu as eu envie de mener ce scénario à terme ? Le Tendre : J'avais déjà fait auparavant quelques histoires où la relation de certains personnages avec leur famille était importante. Dans Siloë, j'ai trouvé qu'il fallait partir d'un personnage chargé émotionnellement - c'est son cas, elle est déclarée schizophrène - et montrer qu'autour d'elle vont s'organiser ses proches, son père et puis, petit à petit, des gens qui vont l'aider. A l'inverse d'autres de mes histoires, la différence est ici qu'il y a une sorte de rédemption. Et pourquoi la science-fiction ? Parce que je voulais sortir du quotidien pour me permettre d'explorer des recherches justifiées sur des inventions, notamment ce caisson, le "Dreambox" ou encore le "newface-mask". Ce sont des choses que l'on ne peut pas voir dans le contemporain et qui sont utiles à l'histoire. Puisque cela se passe dans un univers fantastique et de science- fiction, il y a un travail sur l'utilisation des pouvoirs de Siloë par le pouvoir économique. Le second épisode sera le politique et le troisième, la religion. Ce qui est frappant quand on voit le résultat, c'est que l'histoire de Siloë, dans ce premier album, n'est pas tellement l'histoire de Siloë, mais plutôt l'histoire de l'univers de Siloë. Le personnage est vraiment en creux, il est très peu développé dans ce premier album. J'imagine que c'est voulu. Le Tendre : C'est pour cela qu'on appelle la série : "L'histoire de Siloë" et non pas Siloë. Ce qui était intéressant, c'était de présenter l'environnement autour de Siloë, mais surtout de s'intéresser dans ce premier album à l'histoire des autres, et notamment un journaliste, Norman, qui pourrait être juste un faire-valoir, un héros tout à fait ordinaire. Et puis, il y a ces inventions, notamment le "Dreambox" et toutes les autres, on se rend compte dans tout cela que ce sont de petites douleurs, de petites joies éparpillées autour d'un personnage qui n'a pas encore trouvé sa révélation. Mais je rassure le lecteur frétillant, au tome 2, Siloë va prendre du relief… A un moment, on parle de particules virtuelles du temps. Eh bien, Siloë est une héroïne virtuelle, dans le sens où elle oriente le comportement des autres par son absence, mais à mesure que les autres s'intéressent à elle, lui donnent de l'importance, elle se remplit, elle s'enrichit du regard des autres et elle va influer sur le cours de leur vie. Stéphane, quand tu as reçu le scénario en main, tu ne l'as pas pris pour argent comptant. D'après ce que j'ai compris, vous avez discuté, argumenté, changé certaines choses. Quelle est la vision que toi, tu as amenée dans cette histoire ? Servain : Moi, j'ai amené une vision un peu plus optimiste du monde au départ. J'ai peut-être amené une vision sur certains personnages, aussi. Certains des personnages amenés par Serge étaient très définis dans son scénario. On en a discuté, on a fait des recherches, des dessins, on a passé quasiment un mois à faire des découpages ensemble. Petit à petit, des choses se sont dégagées et on a radicalement changé une série de profils. Avant même que je commence à dessiner, on avait quasiment déjà tout fait évoluer. Tu pratiquais déjà, comme ça avec Luc Brunschwig ou c'est une première ? Servain : C'est plutôt une première. Luc a une vision extrêmement précise, calibrée, de son scénario. Comme il envoie aussi ses pages petit à petit, on ne peut pas influer sur l'ensemble. Avec Serge, j'avais 70 pages écrites. Donc on a tout regardé, tout découpé, on a fait évoluer le tout. 70 pages qui n'ont pas toujours été 70 pages, puisque les premières versions étaient plus courtes. Pourquoi les avoir rallongées ? Le Tendre : C'est un enrichissement. Certaines scènes d'action étaient trop courtes, certaines scènes d'émotion pas assez développées. Parfois, il manquait de place pour de grandes images. A force de se pencher sur l'histoire, il y a toujours des petits "plus" qui apparaissent, du plaisir, une facétie, un enrichissement… Servain : J'aime bien l'idée d'avoir un gros bouquin en main. C'est quelque chose qui me plaît en tant que lecteur. Je trouve donc que c'était une bonne idée de le faire pour Siloë. Est-ce qu'un auteur qui possède ta notoriété peut imposer l'ensemble de ses vues à un éditeur facilement ? Le Tendre : Non. Parce qu'un éditeur a des impératifs de rentabilité. Avec l'histoire de Siloë, rien ne permet d'avoir la certitude que cela va être un succès. On espère que cela va toucher un certain public. Et du coup, Delcourt fait le même pari. Peut-être que cela va marcher, mais ce ne sera peut-être pas à la hauteur de notre espérance. Par ailleurs, cette histoire, Guy (Delcourt) la connaissait depuis longtemps. Il y est très attaché et il a fait le nécessaire. La preuve, c'est que vous êtes là. Stéphane, est-ce que Serge t'a livré la fin de l'histoire d'emblée ? Servain : Oui, d'emblée. C'est ça qui a emporté ton adhésion au départ ? Servain : Oui, mais c'est l'univers aussi, c'est le défi que cela représentait. Je ne considère pas que la fin soit la seule qualité. Il ne faut pas attendre la fin pour que cela soit bien. Le défi qu'a représenté la création d'un univers de science-fiction me plaisait beaucoup. Plusieurs personnages me touchaient aussi. J'aime l'idée que l'histoire s'attache plus à des personnage qu'à elle-même, qu'à l'aventure. J'aime qu'il y ait une interaction directe, que l'histoire naisse des personnages. Quelle est l'influence du cinéma dans ton traitement ? Servain : Oh, la mise en scène, les cadrages, peut-être… J'ai une inspiration assez cinéma américain, SF américaine. Maintenant je fais toujours la part des choses entre le cinéma et la BD. Ce sont deux mondes totalement différents. Ce n'est pas le même mode de narration. L'image est fixe, arrêtée, dans la BD, des choses se passent entre les images. Oui, peut-être les cadrages. Je me parle en me disant que je mets la caméra devant moi… Il y a un film qui t'a inspiré au niveau des décors Servain : Le film standard, culte, c'est "Blade Runner", d'où j'ai gommé tout l'aspect brouillard, pluie… Avec une volonté de se détacher du modèle ? Servain : Oui, oui. Complètement, bien sûr. L'univers qui est décrit dans Blade Runner est d'un réalisme assez terrifiant, du moins quand on est proche des gens. Parce que si on s'éloigne, c'est une vision d'artiste. Moi, je voulais quelque chose de plus optimiste, parce que l'histoire prend un tour assez sombre, et que je ne voulais pas tout de suite que ce soit écrasé par l'ambiance. L'ambiance générale est très sombre. Le Tendre : Pour l'anecdote, j'ai été témoin direct d'un attentat. Donc, quand on fait une histoire ou qu'on la dessine, il y a toujours un moment où cela sert d'exorcisme. Il faut sortir des émotions. Ce qui permet aussi des scènes catastrophes. Le Tendre : J'ai pas encore vu de Concorde s'écraser, mais… Non, ce n'est pas ce que je veux dire, mais dans l'album, il y a des scènes catastrophes. Le Tendre : Oui, mais, ça c'est un principe de narration, c'est qu'il faut quand même commencer dès le départ par accrocher le lecteur en lui disant qu'il y a du danger dans l'air, si on peut dire. A partir de là, comme un journaliste, on refait une enquête jusqu'au moment où on arrive à une proposition de résolution. Donc, il faut bien attirer le lecteur dans l'histoire, et le mystère est entier sur les "psybombes" ; on ne sait pas comment ça marche et d'où ça vient. L'idée vient d'où ? Elle fait partie intégrante du scénario ? Le Tendre : Oui, oui. D'où cela vient, je dois dire que je ne m'en souviens plus. Peut-être, je peux parler de Philip K. Dick, de Stephen King, ou de gens comme ça.. Non, je dois dire qu'il doit sûrement y avoir des origines, mais je ne m'en souviens plus. J'ai parfois la paresse de ne plus savoir d'où je tire mes sources. Alors, il est facile de toujours répéter les mêmes noms. Dans certaines histoires, je nomme des personnages comme Hitchcock, parce que ce sont des références, et je rends hommage à ce moment, mais il y a certainement des tas d'oubliés. Quand je lis des histoires, le lendemain je les pose. Six mois ou un an plus tard, j'ai oublié, mais cela continue à faire son petit bonhomme de chemin. Donc, les psybombes, peut-être que quelqu'un d'autre les a inventées avant moi. C'est tout à fait possible. Ce que tu assumerais pleinement… Le Tendre : Oui, oui, … sauf si on me fait un procès ! (rires). Non, mais même le caisson, tout ça, je suis sûr que c'est K. Dick. Je ne crois pas qu'il y ait de caisson, mais il y a des drogues qui permettent de remonter dans le passé. Bien. On va parler de la science peut-être… Le Tendre : Oui, la fragmentation du quark Voilà. C'est quelque chose qui t'intéresse réellement, que tu suis, tu lis "Sciences et Vie" chaque mois …? Le Tendre : Non, pas du tout. En fait, je suis un peu comme tout le monde, je me suis posé des questions au sujet de l'univers. L'univers, c'est quoi et qu'est-ce qu'il y avait avant ? Comme les enfants. "Mais, dis moi, il y a eu le Big Bang. Mais avant le Big Bang, qu'est-ce qu'il y avait ?" Alors, à cette question là, tu peux répondre : est-ce qu'il y avait un autre univers ? Est-ce que cet autre univers, on pouvait le mesurer ? Et Hawking répond : c'est possible qu'il y ait eu autre chose avant, mais nous sommes dans l'incapacité de le percevoir, parce que nos instruments de perception - c'est-à-dire le cerveau - sont fabriqués avec les lois physiques de notre univers. Donc, on est réellement dans un autre concept. Je pars du principe que lorsque j'invente une histoire, je prends un pari sur un point de vue, puis après, j'essaie de voir avec la documentation dont je dispose, même si je n'en comprends qu'un centième, si ce point de vue là est possible. Cela m'est arrivé lorsque je préparais une histoire qui se passait en Afrique, au Sénégal, sur l'utilisation des baobabs sacrés. Je m'étais dit :"cela, c'est peut-être possible". On a fait le tour du Sénégal. Le dernier jour, quelqu'un nous a dit : "ouais, c'est possible", c'était un sorcier. On a ramené un tas de documentation, on était imprégné, mais on se disait : "c'est possible !", alors que vingt autres nous avaient dit que ce n'était pas possible. Sur Siloë, je trouvais intéressant que Hawking parle de la fragmentation de la plus petite partie de l'univers à l'époque, qui était le "quark". Depuis, je suppose qu'ils ont dû aller encore un peu plus loin. Mais je ne peux pas réécrire la 22ème version de Siloë uniquement pour faire plaisir à "Sciences & Vie". Et il parlait d'un truc qui était très intéressant, c'est qu'on pouvait ainsi, en cassant une particule de quark, revenir aux particules qui étaient juste à la naissance de l'univers. Donc, la particule élémentaire de la matière est la particule virtuelle de quelque chose qui fait partie intégrante des lois physiques de l'univers, c'est-à-dire le temps. A partir de là, j'ai une base scientifique pour l'histoire. Donc, c'est en ça que je m'intéresse vaguement à la physique nucléaire. D'où vient le nom de l'héroïne ? Le Tendre : Le nom de Siloë est un nom biblique, qui est le nom que Jésus citait à un aveugle qui essayait de retrouver la vue : "Va à la piscine de Siloë (qui est un quartier de Jérusalem) et tu t'y baigneras et tu recouvreras la vue". Donc, le nom vient de ce quartier et d'une piscine qui "donne à voir". Et, pour moi, l'histoire de Siloë, c'est aussi cette révélation. En ce qui concerne le pouvoir religieux qui est encore un peu en filigrane, dans ce premier album… Le Tendre : Oui, les Esséniens sont une secte, au sens large du terme, qui faisait partie de l'Ancien Testament aussi, et qui, il semblerait, auraient aidé à l'initiation de Jésus et qui étaient un petit peu des "purs et durs" d'un certain tenant de la religion. Il n'est pas interdit de penser que les Esséniens ont continué à exister et, si on peut dire, se sont dévergondés, c'est-à-dire qu'il peut y avoir des gens qui utilisent l'esprit, la foi des Esséniens pour en faire des sectes d'extrémistes. Et, en l'occurrence, ces gens-là ont un but et grâce à Siloë ou à travers Siloë ou à cause de Siloë, ils vont essayer d'atteindre ce but dans des circonstances terrifiantes. Est-ce que les deux albums à venir sont déjà définitifs ? Le Tendre : Non. Ils ne sont pas écrits. Ils auraient pu être écrits, mais à partir du moment où, avec Stéphane, on a travaillé ensemble sur le premier, il aurait fallu les réécrire entièrement. Je sais où je vais, je connais le bruit de fond de chacun des deux albums, les relations entre les personnages, ce qui doit être raconté, mais comme, justement, il y a eu une mayonnaise, une sauce qui s'est solidifiée avec Stéphane, du coup, moi, cela me donne du ferment, et je vais l'utiliser pour écrire le deuxième et le troisième. On parlait tout à l'heure de relations familiales, mais il y a un aspect "pouvoir" qui semble tout aussi important dans l'histoire… Le Tendre : Les relations de pouvoir sont plus anecdotiques. Elles sont moins fortes. Les relations familiales, c'est ce qui tient Siloë dans son monde. C'est aussi ce qui tient son père. Le Tendre : C'est un noeud gordien. En fait, ils sont indissociables. Le père développe un sentiment de culpabilité qu'inconsciemment, il a fait reporter sur sa fille, laquelle, suite à l'accident de sa naissance, a développé une personnalité schizophrénique qui était alimentée par le complexe de culpabilité de son père. Donc, il faut sortir de cela. Et ça, c'est plus important à mes yeux, cette demande, cette relation, que les luttes de pouvoirs économiques, politiques ou religieux.. Ceci dit, on ne peut pas ne pas tenir compte de ces pouvoirs qui sont là, puisque justement, dans le premier tome, même si c'est peut-être rapidement évacué, Siloë est déjà utilisée à un niveau de pouvoir. Dans le deuxième, ce sera un deuxième niveau de pouvoir qui sera encore plus fort et qui sera l'objet d'un enjeu politique extraordinaire. Et dans le troisième, on n'en parle pas… Donc, les deux sont liés, mais, moi, je privilégie les petites histoires de Siloë avec son père. De même, par exemple, l'histoire du journaliste Norman avec son ex-maîtresse, avec laquelle il y a tant de désamour qui s'installe, mais, par la force de l'habitude, l'affection et la nostalgie, des anciens réflexes qui resurgissent... Ou encore l'histoire qui tourne autour du "Dreambox" (caisson qui permet de revivre les bons moments du passé) que Norman déteste, parce qu'il le considère comme un abandon de ses responsabilités face au présent et parce qu'il voit sa copine sombrer là-dedans comme dans de l'alcool, mais qu'il finira par utiliser lui-même...Ironie du sort : ayant été blessé, et le caisson pouvant également servir d'hôpital, de clinique de poche, il se verra contraint d'y être soigné. Il se retrouve ainsi plongé dans son passé.. et on comprend la naissance du sentiment qu'il a éprouvé pour cette jeune femme. Et, pour moi, toutes ces petites histoires sont très émouvantes. Qu'est-ce qui te tente tant dans les relations familiales ? Le Tendre : Ce n'est pas que ça me tente, c'est que je ne peux pas faire autrement. C'est la façon dont la plupart des histoires que j'ai écrites en bande dessinée, sont le reflet de ma vie. On n'a pas encore beaucoup parlé des couleurs, Stéphane. Couleurs à l'ordinateur, comme les dessins, d'ailleurs, en partie. Servain : Je dirais plutôt assistées par l'ordinateur. C'est une conception par ordinateur. Cela amène des cadrages, des idées, mais c'est simplement parce que cela permet de revenir en arrière sur ce que l'on fait. C'est en ça qu'on pourrait dire que l'ordinateur assiste parce qu'il permet de revenir en arrière. Maintenant, il ne faut pas s'imaginer qu'on va glisser une page à l'ordinateur et lui dire : fait ceci, fais ça. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas comme ça que ça marche. Pour commencer, il y a des options, des choix de couleurs des choix d'ambiance. Servain : C'est ça. Quand on fait des couleurs sur ordi, en fait, on va chercher des couleurs sur une palette, on les étale avec un crayon, exactement comme on fait à la main. Tu as peu recours à tout ce qui est "effet". Servain : Oui, ça c'est un choix, par goût. C'est une volonté de recréer le même type de couleur que ce qu'on voit avec le « bleu ». Servain : Oui, il y a un certain type de couleur que j'aime bien, que ce soit à la main ou sur ordi, et j'essaie de les faire quelle que soit la technique. A la main, il y a des outils qui ne me plaisent pas (par exemple., je n'aime pas l'usage de l'aérographe). Mais, il faut prendre l'outil pour ce qu'il est. Si on peint à l'aquarelle, on ne va pas essayer de faire de la gouache. A l'ordi, il faut essayer avec les outils que l'on a, au mieux de ce qu'on aime faire, et moi, j'ai simplement fait ce qui me semblait le plus proche de ce que j'avais envie de faire. Dans l'usage de l'ordinateur, j'ai ramené mes intentions à quelque chose de purement artistique, si je puis dire. Je n'étais pas extrêmement fort techniquement à la couleur à la main. Or, l'ordinateur permet d'évacuer un certain nombre de problèmes techniques, liés au séchage, au mélange de couleurs, … Les inconvénients à la main disparaissent, en fait. Il y a d'autres inconvénients qui apparaissent évidemment. Mais si vous faites vos couleurs à la main, vous êtes parti pour une journée. On ne peut pas s'arrêter, il faut faire attention, ça sèche. Plein de détails quoi … Alors qu'à l'ordinateur, on peut se dire : tiens, je vais faire une case couleur ce soir, parce que j'ai le temps. Hop, j'ai juste à allumer l'ordinateur, ça marche. C'est ludique, il n'y a pas les inconvénients de la préparation, et on obtient quelque chose. J'obtiens ce que je voyais dans ma tête. Avec des codes qui sont quand même relativement présents. Servain : Oui. Dans l'histoire de Siloë, on définit un certain nombre de codes qui sont liés aux scènes. Par exemple, tout ce qui a trait aux pouvoirs de Siloë est représenté en rouge (exemple : crise, expérience du début, etc.), ce sont des choix qu'on a faits. C'est une couleur qui peut évoquer la schizophrénie. Servain : Oui, c'est ça. En plus, c'est un rouge qui progresse selon la puissance de ce que l'on peut percevoir. Après, il y a des ambiances bleues, parce que ce sont celles que j'aime, enfin, c'est une question de goût. Ce sont des couleurs qui ne correspondent pas nécessairement au lieu ou au temps. Servain : Non. Ce sont plutôt des couleurs d'ambiance. Je me suis rendu compte que j'avais éclairci mon dessin au trait. Donc, j'ai transposé ce travail là à la couleur. Le problème, c'est que, jusqu'à maintenant, je ne les faisais pas moi-même, donc j'étais tenté d'être responsable des ambiances au noir, ce qui faisait que je ne voulais pas laisser trop de champ aux coloristes et leur imposer davantage ma vision. Alors que là, comme je faisais moi-même mes couleurs, j'ai pu très facilement enlever … Donc ton trait est devenu plus clair. Très peu de hachures, de zones d'ombre et d'aplats noirs… Servain : Ou alors, le noir devient une couleur. Cela facilite le travail préparatoire ou pas ? Ton travail d'encrage a été plus simple ? Servain : Non. Je ne dirais pas plus simple. Avant, quand je mettais des noirs, c'était souvent pour cacher certaines faiblesses (rires), donc je me suis fait violence pour essayer de dessiner ce que je ne savais pas dessiner aussi. C'est-à-dire ? Servain : Oh, je ne sais pas. J'ai des tas d'exemples. Souvent, on est tenté de mettre du noir, cela évite de dessiner ça ou ça.
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