David B : J'ai encore deux tomes à faire.

Oui, donc beaucoup derrière vous. J'imagine que vous en mesurez l'impact, pas seulement auprès du public, mais auprès de vous aussi. Est-ce que c'était une thérapie ou pas ?

David B : C'était une thérapie, ça c'est évident ! Ca fait 20 ans que je voulais faire ce bouquin, ça fait 20 ans que je me demandais comment j'allais le faire, que j'hésitais, que je tournais ça dans ma tête. Et c'est sorti aussi grâce à L'Association… Parce que j'ai décidé de le faire à ce moment-là parce que L'Association était née. Je me suis dis : « Bon, maintenant, tu as tout dans les mains,… tu peux dessiner, enfin tu as la maturité pour le dessiner, pour l'écrire, il y a l'éditeur qu'il faut pour faire ça et qui sera capable de le faire, et maintenant, il faut se lancer »… Et je me suis lancé, et c'est sûr que ça a été une thérapie. Ca m'a permis de faire le bilan de toutes ces années-là, de la souffrance que je pouvais avoir, d'une rancune que je pouvais avoir contre certaines personnes, ça m'a aidé à comprendre un certain nombre de choses et ça m'a aussi fait évoluer du point de vue du dessin et de la narration. J'ai l'impression, au fil des albums, d'évoluer en même temps que je grandis enfin que mon dessin change en même temps que je grandis et ça, c'est assez intéressant parce que ça s'est fait inconsciemment. Je suis parti sur le premier tome en dessinant comme ça, sans trop me poser de questions, sans trop réfléchir. J'ai décidé tout ça très rapidement. Maintenant, je mesure cette évolution qui est très nette et j'ai l'impression de revivre graphiquement ce que j'ai vécu pratiquement. Enfin, tout ça est relatif.

Comment ça c'est passé à L'Association lorsque vous avez proposé ce projet ?

David B : Je leur en avais déjà parlé…

Vous en avez tous discuté ? Puisqu'à ce moment-là, vous étiez encore en toute petite structure, j'imagine que vous discutiez chacun de vos projets à 6 ?

David B : Quand on a créé L'Association, j'avais déjà parlé de ce projet, qui n'était pas encore commencé, mais que je voulais faire parce que ca me tenait à coeur. Je leur avais un peu raconté ce qu'il m'était arrivé et je leur avait dit que j'aimerais un jour le raconter… Ils m'y ont encouragé… Et un jour, c'est venu… !

C'est vrai qu'aucune maison d'édition n'aurait accepté un projet pareil !

David B : Non, je ne pense pas, même si par après, certains diront qu'ils l'auraient fait si je le leur avais présenté, mais ce n'est pas vrai… Et puis, c'est évident que c'était un projet pour L'Association. C'est vraiment la création de L'Association qui m'a permis, tout d'un coup, de synthétiser tout ça et de le sortir. C'est un élément aussi déterminant que ma décision de le faire…

Puisqu'on on parle de L'Association, dont on fête les dix ans, on mesure actuellement l'impact que L'Association a pu avoir, consciemment ou inconsciemment, sur le monde de la BD, et on a un peu l'impression que si elle a eu autant d'impact, surtout ces dernières années, c'est parce que les auteurs de L'Association sont allés ailleurs - vous aussi - chez des grands éditeurs et n'ont pas nécessairement fait de concessions, c'est à dire qu'ils ont essaimé mais avec leur style, leur dessin, leur humour…

David B : Oui, et c'est important… Les grands éditeurs qui nous ont sollicités, nous ont demandé de venir faire chez eux la même chose que ce qu'on faisait à L'Association… Enfin, la même chose... avec les concessions nécessaires.. on ne faisait pas forcément que du noir et blanc, on faisait des albums 46 pages en couleurs ou 54 pages en couleurs. Il y avait ces passages obligés… Mais en dehors de ça, pour le contenu, moi j'ai toujours été absolument libre de faire ce que je voulais… chez Dargaud, chez Dupuis…

Et puis il y a justement cette fameuse collection Poisson Pilote chez Dargaud qui réédite Hop-Frog… C'est quand même assez symptomatique du fait qu'il y a manifestement une volonté de la part de Dargaud de jouer la carte de « L'Association en couleurs », si j'ose dire..

David B : Oui, Guy Vidal, là-dessus, disait que c'était « L'Association avec du pognon »… (rires)

C'est pas loin d'être ça quand même, ce n'est pas une critique…

David B : Oui, oui, bien sûr, il a raison…

Mais donc il y a incontestablement une envie de jouer cette carte-là, tous les Trondheim vont êtres réédités… De votre côté, pouvez-vous me parlez de vos projets ?

David B : On va sortir un deuxième album avec Christophe Blain (« Les ogres », sorti depuis l'interview, voir critique par ailleurs) , puis lancer une nouvelle série avec Joann Sfar… mais c'est vrai que le fait de travailler chez d'autres éditeurs est très important.. Ca permet de relativiser le travail qu'on fait à L'Asso, de vivre dans un autre univers, de voir qu'il y a autre chose, de ne pas tourner en rond dans un milieu de BD parallèle… Et, en même temps, le fait de travailler à L'Association, ça permet aussi de relativiser justement ce travail chez ces grands éditeurs, de se dire que nous, on est capable de faire des choses qu'eux ne sont pas capables de faire. Comme le Comix 2000. Aucun grand éditeur n'est capable de le faire parce que c'est trop de boulot.. je pense.. et qu'il y a trop de choses à coordonner.

Suite de l'interview de David B. sur le Capitaine Ecarlate par Thierry Bellefroid d'ici quelques jours... sur BD Paradisio.

Images Copyrights © David B. - Editions L'Association
Images Copyrights © David B. - Editions Dargaud