Pavillon Rouge N° 17 (Octobre 2002)
de Damien Perez
Cest un mistral gagnant qui souffle sur ce Pavillon Rouge, avec à la barre du sémillant mensuel, Renaud, chansonnier contestataire quon imaginait revenu dà peu près tout et repêché par la grâce dun disque inattendu, « Boucan denfer ». Renaud, on le sait, apprécie la Bande Dessinée, et les Editions Delcourt apprécient Renaud. Les fans de léditeur au Triangle rouge sen rappellent sans doute, « La bande à Renaud », où 26 dessinateurs illustraient les grands standards du chanteur, constitua en 1986 le premier succès public de la toute jeune maison. Et laventure éditoriale ne sarrête pas là puisquun second volume, « BD denfer », dont le casting semble tout aussi impeccable que celui de la première mouture, est à paraître, avec pour perspective probable une belle carrière lui aussi. Pour convaincre les derniers réticents, Pavillon rouge propose en prépublication 3 titres de Renaud, « Laisse béton », « Le retour de Gérard Lambert » et « Elle a vu le Loup », respectivement illustrés par Juillard, Boucq et Simon Léturgie, ainsi quune série dentretiens où Rabaté, Vatine ou Chauvel, tous intervenants de « BD denfer », expliquent comment Renaud berça ou pas leur adolescence tumultueuse. Du revival à la française pas désagréable tout ça.
Loin de son intervention précédemment citée, toute en sympathie ironique, David Chauvel se lâche toutefois dans son gueuloir habituel. On le sait, le scénariste d« Arthur » (entre autres !) se livre mensuellement à une analyse très polémique du monde de la bande dessinée grâce à sa tribune privilégiée, cette « Carte blanche » inimitable où les invectives pleuvent
et où se nouent sans doutes quelques belles inimitiés. Petit problème pour cette livraison doctobre : il est question dattaquer la concurrence, et plus précisément la « Lettre », même si Chauvel ne la nomme pas. Lobjet de son courroux ? La promotion agaçante il est vrai de « Rester normal » et de son « touche-à-tout » dauteur, Frédéric Beigbeder, lécrivain tendance et multicartes qui nen finit plus de se disperser. « Que lECRIVAIN vienne bouffer à la cantine avec nous, pas de problème [
] mais sil vous plaît quil assume » résume en substance David Chauvel, qui ne supporte manifestement ni le snobisme de Beigbeder qui consent « à venir éclairer la bande dessinée de ses lumières » - ni la démarche de la Lettre, qui fit « léloge, bien entendu » de « Rester normal », puisquelle partage avec les auteurs un même éditeur. (encore que Pavillon ne puisse guère donner de leçons de ce point de vue
). Bref, larticle est jubilatoire, on se régale de tout cet à-propos, et lon en sort rassuré aussi. Car si lon a pu sagacer, voici quelques semaines, des incroyables piles de « Rester normal » sur les tables de nos libraires, elles amusent maintenant. Les coups littéraires fondent comme neige au soleil. Mais pas les piles dinvendus. Et fort heureusement le public semble ne pas sêtre laissé abuser, preuve que le lecteur, malgré la déferlante de nouveautés, reste critique. Rien que des bonnes nouvelles en somme.
Avec de la bande dessinée, bien sûr, et en particulier la fin de lexcellent « Ceux qui taiment », critique du foot-business orchestrée par Etienne Davodeau, et le début de « Weëna », avec aux commandes Alice Picard et Corbeyran.
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