La Lettre (de Dargaud) N° 63 (Janvier - Février 2002)
de Damien Perez
Prophétique la Lettre ? On pourrait le penser au lu de la rubrique "Invités" , avec des articles consacrés à deux « Alpharisés », Christophe Blain (meilleur album pour « Isaac le pirate ») et Marjane Satrapi (meilleur scénario pour « Persepolis ») sans doute beaucoup moins disponibles après leur récente consécration. Noublions pas ceux, qui pour navoir pas été récompensés à Angoulême, nen sont pas moins auteurs de talent : Vink, Tome et Meyer, Maëster et bien dautres encore sont à lhonneur dans la Lettre.
Plus étonnant que cet excellent casting cest souvent chose habituelle dans lOfficiel de la bande dessinée le gros coup de gueule de Philippe Ostermann dans larticle « Tardi, connais pas » où lon démonte allégrement « Livres Hebdo », magazine ultraprofessionnel réservé aux libraires et bibliothécaires.
En un mot comme un cent, il est vertement reproché à lhebdo son traitement désinvolte de lactualité du neuvième art : fautes de frappe dans les patronymes, oubli pur et simple de certains auteurs on apprend dans Livres Hebdo que Jean Van Hamme a signé seul son récent Blake et Mortimer ou que lon doit à Jean Vautrin scénario
et dessin du « Cri du peuple » - alors que nos chers albums squattent insolemment les premières place de la liste des meilleures ventes du magazine, régulièrement reproduite dans Bo Doï. « Sans doute ne sommes-nous passez glamour » résume en substance Philippe Ostermann.
Bataille inutile ? Sans doute. La ligne éditoriale de Livres Hebdo ne regarde que son équipe rédactionnelle. Les bibliothécaires savent ce qui plait. Les libraires ce qui souvent les fait vivre, et les bédéphiles ont-ils vraiment besoin, outre leur plaisir de lecture personnel, dêtre convaincus que leur achat dalbum constitue une démarche culturelle judicieuse, encouragée par je ne sais quelle intelligentsia de chapelle ? La BD a-t-elle vraiment besoin de reconnaissance pour vivre ? Evitons-lui pour seul horizon de se regarder le nombril comme dautres le font pour la plus grande tristesse de la culture.
Car à miauler pour jouir du même traitement que la littérature dite « généraliste », on installe tacitement une hiérarchie entre les deux médias, qui nest pas sans desservir la bande dessinée, éternel cancre de la classe culturelle, qui nécoute rien, napprend rien, mais dont les résultats satisfaisant énervent toujours les professeurs. Cela sappelle le panache. Ni plus ni moins.
Objectivement jai jeté un il sur les derniers numéros de Livres Hebdo. On y trouve articles, brèves et même un très impressionnant dossier sur la BD. Combien pour Télérama et consorts, autrement plus lus et diffusés ? Quitte à vouloir canarder les méprisants, autant choisir la bonne cible.
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