L’album étrange qu’est "Le Psychopompe" ne laisse pas indifférent après sa lecture. En effet, cet ouvrage nous raconte l'épopée de Gusoyn : un mort qui se retrouve aux Enfers en tant que monstre supérieur. Il est convié à se battre pour Satan contre Astaroth. Au cours de ses péripéties, Gusoyn découvre la porte menant à la Terre. Il s'y venge de ceux qui ont tué sa femme, ses enfants et lui par la même occasion. Pour avoir entravé la règle de pas retourner sur Terre, Gusoyn est rétrogradé au rang de simple monstre. Après une interview donnée dans Pavillon Rouge au mois d'août, l'auteur, Gabriel Delmas, avoue qu'il voulait produire, je cite : "La bande dessinée la plus sombre jamais créée, mais le projet s'est également chargé de références visuelles empruntées au grotesque et à l'esthétique décadente. Quant au scénario, j'avais dans l'idée d'alterner passages violents et dépressifs, avec l'ambition de varier les registres, passant de l'épique au lyrique en une sorte de schizophrénie narrative". Le résultat est très réussi car en effet, les références se font sentir : Mignola pour le dessin, Druillet pour la narration et tous ces films noirs comme "The Crow". Même très sourcé, Delmas ne fait pas de plagiat et donne à son oeuvre une dimension qui n'est pas abordable par tous : Scènes choquantes et provocatrices mais aussi propos qui peuvent déranger certains (je pense notamment à la mère de Gusoyn qui demande à son fils de lui faire l'amour). Cette oeuvre choque et dérange de part sa noirceur mais aussi son coté franc, direct et qui controverse des choses établies telles que la religion ou la société. Effectivement, Gusoyn insulte Dieu de porc et dit que l'humanité le dégoûte. Ma foi, comme j'ai pu le dire sur le forum consacré, aux Enfers, Dieu n'est pas trop apprécié. Sur le plan de l'histoire, Delmas débute l'épopée par une cérémonie d'une secte satanique puis enchaîne sur les sentiments de Gusoyn, sa vengeance. Mais plus l'histoire évolue, plus Gusoyn change oubliant sa vengeance et transformant l’œuvre en réflexion profonde sur l'Enfer, l'après vie et l'au-delà. Une transition magnifique. Quant aux dessins, ils sont d'une noirceur inégalée et bien évidement collent avec le récit. Sur fond de page noir, Delmas a donné une mise en couleur sombre (trop d'ailleurs ???) qui, je le regrette, cachent des fois certains détails et on est obligé de s'arrêter pour essayer de les voir. C'est le seul point négatif de l'ouvrage. Cette oeuvre fait parler d'elle, fait couler de l'encre et des mots sur Internet ; la raison en est fort simple : l'ouvrage peut se lire sur plusieurs niveaux de lecture. Bien qu'on ne puisse le donner à n’importe qui, Delmas signe ici l'un des meilleurs albums Delcourt de l'année... One-shot exceptionnel, au-dessus de tout du même genre (Hell Boy, Black Hole), en espérant une nomination à Angoulême... Des albums comme je les aime...