| Moulinsart contre les Six Nez
Par Jean-Louis Carette
Libraire - Eidteur - Président de la Chambre Belge des Experts en Bande dessinée en Belgique
Pourra-t-on désormais citer le nom d'Hergé en toute impunité .
Il semble que les derniers rebondissements émanant de la société Moulinsart ne permettent pas beaucoup d'espoir
en ce sens.
En voici une preuve : la nouvelle aventure survenue à la librairie "La Bande des Six Nez" (Bruxelles) bien connue
des belges mais aussi des français, suisses, etc...
En 1980, j'ai ouvert une librairie spécialisée au nom prometteur : "La Bande Des Six Nez". Ce jeu de mots bien
sympathique a été trouvé par Jacques Laudy et constitue un hommage rendu aux héros d'Hergé, Franquin,
Morris, Wasterlain, Uderzo et Greg.
Ces dessinateurs ont fait rêver notre jeunesse et continuent à nous séduire petits et grands amoureux du 9ème Art.
A cette époque, le dessinateur Jacques Devos ("Génial
Olivier") conçoit pour la librairie un logo reprenant en
semi ombres chinoises six personnages marquants de la
bande dessinée : Tintin, Lucky Luke, Docteur Poche,
Obléix, Gaston et Achille Talon. | |
De 1980 à 1983, Hergé lui-même fréquentait la librairie et avait souri plusieurs fois du jeu de mots, trouvant
amusante l'idée du titre et d'adaptation de six personnages pour le logo. Hergé donnait son plein accord au projet
de la réalisation de celui-ci. Il en était de même pour les autres dessinateurs dont les personnages étaient repris
dans le logo.
Pendant 16 ans, la librairie a pu fonctionner sans aucun problème devenant l'antre des collectionneurs et amateurs
du 9ème Art (au même titre que quelques autres librairies et galeries. Ce logo étant connu de tous, voilà qu'au
bout de 16 ans, Monsieur Nick Rodwell exige réparation sonnante et trébuchante pour ce petit "Tintin" en
semi-ombre chinoise représenté au sein des six petits personnages du logo.
Alors que Monsieur Nick Rodwell connaissait l'existence de ce logo, il n'avait jamais eu la moindre idée de s'en
plaindre, ce qui laissait supposer un accord tacite de sa part.
Mais Monsieur Nick Rodwell ne s'arrête pas là ! Dans son collimateur, il trouve aussi l'exposition "Chefs-d'oeuvre
du 9ème Art". Cette exposition est organisée par Messieurs Jean Louis Carette et Pierre Sterckx et se tient
actuellement à Paris, au Centre Wallonie-Bruxelles, après avoir connu un vif succès au Musée de la Poste à
Bruxelles.
L'exposition de Bruxelles a duré un mois et demi, étant gratuite sans droits d'entrée et a accueilli plus de 7.000
visiteurs.
Pour accompagner cette exposition, un petit catalogue a été édité. Tous les dessinateurs exposés sont repris dans
cette anthologie et bien entendu quelques citations de l'oeuvre d'Hergé y figurent également ; le contraire serait
difficile à imaginer !
Il faut savoir que cette anthologie a fait l'unanimité auprès de tous les dessinateurs européens et américains cités
(c'est-à-dire 45 dessinateurs). La fondation Hergé elle-même semblait suivre le projet et prête une planche
originale de Saint-Ogan pour l'exposition de Bruxelles.
| Mais là également, Monsieur Nick Rodwell réclame des
dommages et intérêts exorbitants : 66.000 FB (soit
11.000 FF) pour quelques citations de l'oeuvre d'Hergé
dans une anthologie à caractère purement scientifique et
didactique, tirée à compte d'auteur à 800 exemplaires
qui ne fit et ne fera gagner de l'argent à personne. |
De là, la perplexité des milieux respectueux du 9ème Art, devant les comportements aussi outranciers en matière
de droits d'auteur.
Est-il possible de mettre un frein à l'esprit mercantile et aux exigences démesurées de la SA Moulinsart ?
Peut-on faire en sorte que l'oeuvre d'Hergé ne devienne pas un sujet tabou sous prétexte que les responsables de
la SA Moulinsart confondent un patrimoine culturel et un jeu de Monopoly ?
C'est un devoir pour tout collectionneur, passionné et amoureux du 9ème Art de sauvegarder l'image et le nom
d'un des maîtres incontestés de la bande dessinée. Celui sans lequel la ligne claire ne serait pas ce qu'elle est !
Peut-on encore citer le nom de Tintin sans risques de poursuites immédiates !
Jusqu'où ira cette politique plus digne des frères Loiseau que de Tintin ?
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