Lune de guerre : le choc Van Hamme - Hermann



Lune de Guerre - Van Hamme & Hermann chez Dupuis (Aire Libre)
Sortie prévue en janvier 2000

Ils se marient. Ce devrait être le plus beau jour de leur vie. Mais voilà qu'intervient une innocente tomate farcie aux crevettes. Hélas ! la farce n'amusera personne car, soudain, dans un véritable maelström de cris, de coups de feu, de larmes et de sang, la lune de miel tourne en lune de guerre. la haine tue l'amour, la mort fauche aveuglément, et l'on se dit, une fois de plus, que si l'homme n'était pas accroché comme une ventouse à son irrémédiable bêtise, tout irait beaucoup mieux sur la planète.

Lune de guerre, c'est l'histoire de deux hommes qui, face à face et sous l'emprise de la vanité et de la colère, perdent toute conscience de leur humanité, laissant la folie les transformer en machines à tuer. Cependant, la vraie question, c'est qu'ils entraînent tout le monde autour d'eux dans une incroyable explosion de haine et de fureur. Dès lors, c'est aussi l'histoire des complices, des suiveurs, des fous que le sang excite, de ceux chez qui les instincts les plus bas se révèlent soudain. Mais c'est également l'histoire des victimes, des innocents aspirés malgré eux dans la spirale insensée de la violence. De sorte que la vie passe en quelques minutes du bonheur tranquille au plus effrayant des cauchemars. Il n'y aura pas de victoire sinon celle de la bêtise. Et quand la nuit tirera à sa fin, quand la mort aura frappé aveuglément les gentils et les méchants, quand il ne restera plus que larmes et que ruines, les survivants hébétés se regarderont avec des yeux vides. Quelqu'un ne manquera pas alors de demander : "Mais pourquoi ?" La réponse sera si stupide que personne ne pourra y croire. Et chacun aura raison, car la seule et véritable cause du carnage, la seule réponse possible, c'est "Parce que tels sont les hommes au plus profond de leur coeur". Dans l'aube naissante, la vie reprendra ses droits, et peut-être l'amour.. Jusqu'à la prochaine lune de guerre.

L'histoire est authentique. En tout cas, jusqu'à la planche 5 incluse. Je l'ai entendu raconter il y a une douzaine d'années, au cours de l'un de ces dîners mondains auxquels ma femme m'emmène de temps à autre, par un convive que je ne connaissais pas et auquel je ne pourrai donc pas rétrocéder la part des droits d'auteur qui devrait légitimement lui revenir. Il racontait, ce monsieur, qu'à son mariage, joyeusement fêté dans une auberge campagnarde, son père avait trouvé les tomates aux crevettes servies en entrée au repas de noces d'une fraîcheur douteuse, et avait donc exigé du restaurateur qu'il les remplace par quelque chose de plus ragoûtant. Craignant pour son bénéfice, l'aubergiste refusa tout net. Sur quoi, le père du marié décréta que, si c'était ainsi, la noce irait se goberger ailleurs. Et l'assemblée de se lever comme une seul homme pour quitter les lieux. Furieux, le restaurateur se précipita aux toilettes dans lesquelles la jeune mariée s'était entre-temps isolée, et enferma aussi sec la jeune femme à double tour. Puis, revenant à la compagnie qui s'égaillait vers les voitures, il mit le marché entre les mains du père de mon conteur : la bourse ou la bru ! Cédant à l'argument, la noce revint s'assoir autour de la table de banquet et la journée s'acheva sans autre incident dans la bonne humeur et les discours de circonstance. A l'écoute de cette anecdote, je m'étais aussitôt demandé ce qu'il serait arrivé si le père du marié n'avait pas cédé au chantage de l'aubergiste. Puis, comme pour tant d'autres embryons d'histoire en devenir, j'ai rangé celui-ci dans le frigo de ma mémoire.

Vers la même époque, il y a donc douze ans, j'avais dit à Hermann, comme ça, incidemment, entre le fromage et la poire Williams, que j'aurais bien aimé faire un petit "one shot" avec lui. Une brève liaison dangereuse, en quelque sorte. Réservant sagement sa réponse, le sanglier des Ardennes de la BD m'avait resservi à boire avec un bon sourire et on avait parlé d'autre chose. Puis, dix ans plus tard, il m'a téléphoné pour me dire que, tout bien réfléchi, il pourrait peut-être envisager la chose. Comme quoi, en neuvième art comme en amour, il ne faut jamais désespérer. Tout frétillant, j'ai donc extirpé ma tomate aux crevettes du férigérateur (ja la gardais pour lui, car il est le seul capable de bien dessiner ça) et nous avons confronté nos calendriers de stakhanovistes pour planifier nos épousailles. Ce qui a reporté notre projet d'encore deux ans.

Enfin, voilà, ça y est, on a convolé ! Union toute temporaire, bien sûr, mais le plaisir tant attendu n'en a été que plus intense. Car c'est un privilège exceptionnel que de se faire dessiner par Hermann. Mieux qu'un privilège : une joie rare que tous les scénaristes m'envieront. Allez, vive les mariés et que la fête commence !

Jean Van Hamme

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