voir aussi la biographie.
Quels scénaristes vous ont
influencé?
Mes influences sont certainement plus
Greg que Charlier. J'ai toujours admiré l'art de faiseur
d'histoires de Greg: il prend des sujets extrêmement tenus,
comme ceux des Bernard Prince qui est ce que j'aime le plus chez
lui, et réussit à nous captiver car il a un sens
du rebondissement, de l'événement en bas de page,
qui est indiscutable. On me compare souvent a Charlier alors qu'il
ne m'a guère influence. Contrairement a Charlier, je n'utilise jamais le narratif. J'essaie de faire confiance a l'image. Pour moi le scénario idéal ne devrait comporter aucun texte. L'influence du cinéma m'a sans doute été bénéfique sur ce plan. Je suis tout a fait d'accord avec Hitchcock qui considérait comme perdu pour le public tout ce qui était dit sans être montre. Par ailleurs, je peine beaucoup sur mes
dialogues; il est donc normal que j'essaie
de les économiser.
En 1976, on vous présente
Grzegorz Rosinski, comment cela s'est-il passe?
J'ai vu arriver ce type qui ne parlait
pas un mot de français et je lui ai fait faire un petit
devoir: j'ai pris 2 pages d'un scénario de Michael Logan
et je lui ai demande de me l'illustrer pour le lendemain matin.
Ce qu'il a fait n'était pas très réussi techniquement
mais il y avait du punch. Je me suis dit qu'en le canalisant,
en lui apprenant a mieux cadrer ses personnages, ce type devrait sortir de l'ordinaire.
Comme je travaillais régulièrement
pour Le Lombard, j'ai pris Rosinski par le cou et nous sommes
allés voir Duchâteau le rédacteur en chef de l'époque
avec qui j'avais de bonnes relations.
Le problème consistait en ce
que Rosinski ne voulait pas dessiner de moderne car il n'avait
pas de documentation et qu'il n'aimait pas ca. Comme il était
slave et que j'ai toujours été sensible a ce qu'on
appelle la culture germanique, j'ai propose une aventure chez
les vikings vue sous un angle mythologique.
Au début je lui envoyais tout
par écrit avec d'énormes descriptifs et des lettres
d'explications. Heureusement les slaves apprennent vite les langues
étrangères. Il lisait mot a mot et ce qui est curieux
ne faisait jamais la moindre faute d'orthographe: il écrivait
lettre par lettre tandis que n'importe quel dessinateur français
vous fera, par inattention, des tas de fautes.
Comment vous représentez-vous
le personnage de Thorgal?
C'est un type carré, simple,
sans humour, qui ne demande qu'a rester avec sa petite femme chérie
et qu'on vient toujours emmerder. C'est une série romantique,
au sens germanique du terme, naïve aussi, mais qui s'adresse
en priorité a un public âgé de 14 a 17 ans.
Thorgal vit dans un monde et une époque ou les motivations
sont peu nombreuses : si l'on n'est pas anime par un désir
de puissance, tout se ramène toujours au souci de sauver
sa vie et celle des êtres chers.
Parlez nous de Domino? Domino, c'est le bide de ma carrière! C'est dommage car je m'amusais bien avec ce personnage. Je m'étais documente sur le langage de l'époque et j'essayais de respecter le style de Greg que j'admirais beaucoup. Hélas je ne me suis pas très bien entendu avec Andre Cheret. A un moment donne, il a interrompu la série pendant deux ans, puis nous avons repris jusqu'au cinquième épisode.
Mais en moyenne nous avons du vendre
2000 exemplaires de chaque album : c'est ce qu'on appelle un vrai
flop!
A l'origine le scénario de
SOS Bonheur n'était pas destine a devenir une bande dessinée...
En effet, j'avais conçu cette
série pour la télévision. Le projet ne s'est
pas monte et, un jour que j'en parlais a Philippe Vandooren, celui-ci
s'est montre intéressé pour Spirou. C'est lui qui
m'a fait rencontrer Griffo et nous avons tente l'aventure ensemble.
Comment avez-vous rencontre William
Vance?
En 1976, Greg m'avait propose de reprendre
Bruno Brazil dessine par Vance et quand j'ai revu Greg, je lui
ai rappelé sa proposition, mais il ne s'en souvenait plus.
Il n'avait d'ailleurs rien manifesté pour laisser tomber
Bruno Brazil, il a du en faire d'autres après 1976 puis
cela s'est effectivement arrêté. Je n'ai donc pas
insiste car cela n'avait pas beaucoup d'importance, mais c'est
comme cela que l'idée de travailler avec Vance m'est venue.
On a dit que XIII était fortement
inspire d'un roman de Ludlum, La Mémoire dans la Peau.
Est-ce vrai?
Fortement, non. J'ai pique l'idée
de l'amnésique chez Ludlum, parce que c'est un excellent
ressort dramatique qui permet au lecteur d'être toujours
en phase avec le héros, de découvrir les choses
en même temps que lui. Le héros de Ludlum a également
un chiffre grave dans la peau, mais il s'agit d'un numéro
de compte en banque; et ce héros n'est pas accusé,
comme XIII, d'être l'ennemi public n 1.
La seule erreur que je crois avoir commise,
c'est d'avoir fait soigner XIII par un médecin alcoolique,
qui rappelle de trop près un personnage du bouquin de Ludlum.
C'est d'autant plus idiot que je n'avais aucun besoin d'alcooliser
mon médecin. Toutes les péripéties que j'invente
par la suite s'écartent radicalement de La Mémoire
dans la Peau. Ludlum ne m'a fourni qu'un point de départ,
le reste n'a aucun rapport.
Comment sont nés les romans
Largo Winch?
Au départ il s'agissait d'un
projet de BD avec le personnage de Largo Winch, ne d'une conversation
avec Greg dans un restaurant New Yorkais. Nous devions faire une
BD avec un dessinateur américain pour Tintin. Greg aurait
essaye de traduire et de vendre ces histoires aux USA afin d'ouvrir
le marche. J'ai ressorti logiquement ce personnage quand j'ai commencé mon roman.
Comme je connaissais bien le monde de
l'argent de l'extérieur, j'avais pense a un héros
milliardaire; mais n'ayant jamais ete riche je ne savais pas comment
lui faire dépenser son argent. Les lecteurs et mon entourage
immédiat ont surtout retenu les scènes pornographiques
que j'y avais plaque pensant que cela ferait vendre. En édition
originale, cela s'est quand même vendu a 10 000 exemplaires,
ce qui est bien pour un roman, mais ce qui ne suffit pas a vous
faire vivre. Aujourd'hui Largo Winch revit en BD chez Dupuis dessine par Philippe Francq. J'ai réutilisé quelques arguments des romans, a l'exception de celui qui se passait aux Philippines car le contexte a change et c'était le moins bon.
Pour la petite histoire j'avais d'abord
eu contact avec le dessinateur grenoblois Alain Mounier, suggère
par Van Dooren. mais finalement son dessin ne m'a pas emballé
et j'ai choisi Francq.
Jean Van Hamme, comment est ne le
récit Le Grand Pouvoir du Chninkel ?
Ce projet est ne de l'envie qu'avait
Rosinski de dessiner une histoire en noir et blanc. J'ai pris
contact avec Casterman sans avoir encore d'idée très
précise. Nous savions seulement qu'il s'agirait d'un récit
isole, n'appelant pas de suite, et se déroulant dans un
univers de type Tolkien. Casterman s'étant montre intéressé,
je me suis mis au travail.
Au bout d'un certains temps, je leur
ai soumis un vague synopsis, m'attendant, en toute vanité,
a ce que ce soit suffisant. A ma grande surprise, Casterman a
trouvé ca un peu court. Je suis resté bouche bée
quand il m'ont demandé quelle serait la lecture sociale
de cette histoire.
Quelques mois ont encore passe, et l'idée
m'est venue de raconter une version décalée du Nouveau
Testament. J'ai travaillé là-dessus pour m'apercevoir
assez rapidement qu'un simple décalque n'offrait pas grand
intérêt. J'allais me tourner vers l'Ancien Testament
quand j'ai eu la révélation d'une théorie
qui serait la suivante: Dieu a créé une multitude d'univers habites, et il a usé de la même méthode avec chacune de ces populations afin de les soumettre a son autorité. Dans un premier temps, les peuples primitifs vouent une adoration unilatérale a Dieu. Mais celui-ci se débrouille pour que ses créatures se détournent de lui.
Il les punit alors en leur infligeant
le Déluge ou tout autre catastrophe aussi épouvantable.
Il les laisse macérer dans leur détresse pendant
quelques générations, et sème l'idée
qu'il faudrait un Sauveur pour racheter les fautes soumises. A
travers ce Sauveur, le culte divin est rétabli, mais assorti
de la crainte d'un nouveau châtiment, laquelle était
absente de la foi primitive. |