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Rudi Miel
répond aux questions de BD Paradisio, dans le cadre de la sortie
de l'album "L'Arbre
des deux Printemps" : l'album-hommage à Will
réalisé par pas moins de 20 auteurs, dans la collection
"Signé" du Lombard. |
Le 20 février 2000, Will
nous quittait. Avec le dessinateur de Tif et Tondu et d'Isabelle, disparaît
l'une des figures de proue du 9ème Art franco-belge. En hommage à l'immense
artiste qu'il était, sa femme Claude, le scénariste Rudi Miel et Le Lombard
ont demandé à ses amis de terminer son ultime album, celui que le destin
ne lui a pas permis d'achever.
A la suite des six premières planches dessinées par Will, une vingtaine
de dessinateurs parmi les plus prestigieux ont tenu à apporter leur talent
à la conclusion de cet album unique, avec par ordre d'apparition dans
l'album : Will
(6 pages), Walthéry
(3 pages), Wasterlain
(2 pages), Hausman
(2 pages), Hermann
(2 pages), Colman
(2 pages), Plessix
(2 pages), Franz
(2 pages), Plessix
(1 page), Batem
(3 pages), Roba
(2 pages), Fournier
(3 pages), Dany
(5 pages), Frank
+ Geerts
(2 pages), Loisel
(1 page), Derib
(1 page), Mézières
(2 pages), Hardy
(2 pages), Maltaite
+ Frank Legall
(3 pages)
Avec « L'Arbre des deux Printemps », c'est à
un voyage initiatique et poétique, de la Bretagne à l'archipel des Mascareignes,
où soufflent l'aventure, la passion et un parfum de piraterie, que nous
ont conviés Will, Rudi Miel et une palette de dessinateurs jamais réunis
autour d'une même histoire.
Rudi, pourrais-tu nous raconter ta rencontre
avec Will, votre amitié ?
Rudi
Miel : Je l'ai rencontré il y a près de dix ans dans le cadre
du démarrage de ma société. On cherchait un illustrateur pour une brochure
sur le PVC et on avait besoin de quelqu'un qui pouvait dessiner « style
aquarelle », avec un fond marin. On a pensé à Will parce qu'on connaissait
son travail sur la couleur directe. On lui a téléphoné et on est allé
chez lui, tout simplement. Il a marqué son accord. C'était une brochure
pour le groupe Solvay. Cette brochure eut relativement beaucoup de succès.
Elle était destinée au marché belge, mais les autres filiales l'ont voulue
également parce que les dessins étaient effectivement très réussis. Ce
fut le début d'une collaboration entre ma société et lui. Il réalisa d'autres
projets ensuite. Ce fut surtout le début d'une amitié. Nous nous sommes
découvert de nombreuses affinités tout au long de ces années. Ce fut une
amitié très forte. Le jour où Will a décidé de laisser tomber sa série
« Tif et Tondu », et alors qu'Isabelle se terminait, il s'est trouvé à
une période de sa vie où il avait envie d'essayer de nouvelles choses.
Il m'a un jour demandé si cela m'intéresserait de lui écrire un scénario.
Tu avais déjà des idées précises à ce moment-là
?
Rudi
Miel : Non, pas du tout. J'avais effectivement toujours eu
cette envie de lui proposer un jour quelque chose. A l'époque, j'avais
une seule collaboration en bande dessinée, avec André Taymans pour la
série Charlotte chez Casterman. Je n'avais que quelques albums parus à
ce moment-là, et donc, je n'avais pas beaucoup d'expérience en tant que
scénariste. Will était une grande signature de la bande dessinée. Alors,
en tant que jeune scénariste qui n'avait pas encore beaucoup de références,
je ne lui aurais pas spontanément proposé quelque chose, à moins d'avoir
tout à coup une idée géniale… Alors, oui, lorsqu'il me l'a proposé, je
lui ai répondu que cela m'intéresserait beaucoup, mais je tenais à ce
qu'on définisse ensemble le principe d'une histoire qui collerait à ce
que, lui, avait envie de faire. Et, on était parti au départ sur l'idée
d'une série.
Et finalement, comment est née l'idée de
l'album de «L'Arbre des deux printemps » ? C'est une idée de toi ? De
Will ? Comment a-t-elle mûri ?
Rudi
Miel : Au départ, on avait envie de faire quelque chose « tous
publics », mais plus prioritairement dirigé vers les enfants. D'où le
principe d'une série. Et ensuite, il y a eu cette idée d'arbre qui nous
est venue. Je lui ai proposé cette idée d'arbre parce que, effectivement,
dans tout l'univers de Will, les arbres ont beaucoup d'importance. En
outre, j'avais envie de réaliser une histoire qui traverserait différentes
époques. Ce furent les premières idées du projet. C'est un arbre magique
qui permettrait à un jeune noble, dernier descendant d'une grande famille,
et qui vivait dans un château complètement en ruines, d'aller à la rencontre
du passé de ses ancêtres, à travers les branches de l'arbre (représentant
quelque peu l'arbre généalogique de la famille). C'était le principe de
l'histoire.
Par la suite, cela a évolué. On a gardé cette idée d'arbre qu'on aimait
beaucoup. On a également gardé le profil de Julien qui était le jeune
châtelain, et on est parti sur l'idée d'une quête. Julien devrait partir
à la recherche d'une épée, l'épée de son aïeul qui avait découvert l'île
Rodrigue et qui avait été anobli par Louis XIV. C'est un peu le point
de départ de l'histoire.
Finalement,
j'ai construit cette histoire en fonction de ce que Will avait envie de
faire, au niveau des décors. Will ; ce sont des décors sous le soleil,
la mer couleur émeraude et tout ce qui touche à l'aventure en règle générale.
Et sur ces bases-là, je suis revenu avec des morceaux, des principes d'histoire
et on en a discuté. C'est vrai que Willy apportait des idées, notamment
au niveau des personnages. Par exemple, l'idée du majordome, et même le
nom « Télésphore », est de lui. Il avait connu un « Télésphoe » à une
époque… C'était vraiment un travail de collaboration, de brainstorming.
On s'est vu souvent, on a échangé beaucoup d'idées. L'idée du synopsis
a fort évolué… Et puis, j'ai également travaillé seul dans mon coin. Ce
qui était important à ce moment-là, c'était d'être sûr d'écrire quelque
chose qui lui correspondait à 100% et qui, moi, m'amuserait aussi. On
s'est rencontré sur nos affinités et les choses qu'on a en commun pour
écrire une histoire.
Pourquoi avoir changé l'orientation du public
? L'idée de départ était de réaliser une série pour enfants… La collection
« Signé » du Lombard ; ce n'est pas vraiment la même chose …
Rudi
Miel : En fait, au départ, on voulait effectivement créer une
série : un personnage, des histoires, des albums uniques, mais dans le
principe d'une série… C'était la première idée qui m'était venue à l'esprit.
Parce que, même si Will avait déjà fait à cette époque des albums dans
la collection « Aire Libre », je m'étais rendu compte de la difficulté
qu'avait dû certainement rencontrer Stéphane Desberg pour décrire une
histoire 100% adulte pour Will… Quand on voit ce qui colle à l'univers
de Will, c'est la fantastique, la fantaisie d'Isabelle, c'est le côté
aventure, humour avec Tif et Tondu… Alors, chapeau à Desberg pour les
albums qu'il a réalisés avec Will dans la collection « Aire Libre », parce
que ce n'était pas évident a priori de trouver une idée qui colle à quelque
chose de neuf pour Willy. Et c'est pour ça qu'à priori, j'étais parti
vers quelque chose « tout public », et même ayant pour cible les enfants…
C'était
l'idée d'une série qu'on avait donc proposée aux différents éditeurs ;
cela remonte déjà à presque cinq ans. Chez Dupuis, même si le principe
qu'on leur avait proposé leur plaisait, ils n'ont pas voulu s'engager
dans le principe d'une série. Ils ne l'ont pas dit ainsi, mais c'était
clairement en rapport avec l'âge de Willy. Entre-temps, on avait également
introduit le dossier chez Casterman, au Lombard. Et au Lombard, ils ont
marqué beaucoup d'intérêt pour l'idée de travailler avec Will. Dans ce
qu'on leur avait montré, il y avait des idées qui les tentaient. C'était
également l'époque où ils voulaient lancer leur collection « Signé ».
Ils nous avaient demandé de réfléchir et de voir si on pouvait leur proposer
quelque chose dans cette collection. On a relevé le défi, on en a discuté
et on a opté pour l'idée d'une bande dessinée qui soit tout public, mais
davantage orientée sur un public autre que celui des enfants, en gardant
l'idée de rester une bande dessinée populaire, qui reprenne les ingrédients
d'une BD classique, d'aventure, mais qui collerait à 100% à l'univers
de Will. Donc, cette idée d'arbre autour duquel tourne toute l'histoire…
Dans ce contexte, la dernière mouture de
L'Arbre des deux printemps était prévue en « one-shot » ?
Rudi
Miel : J'avais réécrit l'histoire en trois épisodes. On avait
soumis le scénario au Lombard qui avait accepté. Les contrats étaient
prêts. Cela remonte à quatre ans. Will avait dessiné une planche magnifique.
C'est d'ailleurs à peu de chose près la même planche qui est reprise dans
l'album. Mais Willy a eu à ce moment-là de gros problèmes de santé. Après
cette première planche, il a dit, par honnêteté vis-à-vis de l'éditeur,
qu'il ne pouvait pas s'engager dans un projet qu'il n'était pas sûr de
mener à terme. Je lui ai alors dit de se reposer, de travailler à son
rythme, de faire des choses qui l'amusent, des illustrations, de la peinture.
« Vis vraiment ce que tu as envie de vivre, et si, un jour tu as envie
de refaire de la BD, on se revoit et on en parle ».
Je l'ai revu régulièrement par la suite, cette BD était toujours dans
l'air… Je lui ai alors proposé de repartir vers un album, plutôt que trois.
Cette quantité de pages lui faisait peur. On est donc reparti vers l'idée
d'un album unique. Will avait envie de se lancer tout de suite dans l'histoire,
tout de suite dans les décors exotiques, sans prologue, … Je lui ai réécrit
l'histoire sur un modèle de 54 pages et j'ai prévu quelques hors-textes,
chose qu'il aimait beaucoup parce que cela tenait davantage de l'illustration
; il allait pouvoir se faire plaisir sur quelques doubles pages, ce serait
des dessins, deux pages en un seul dessin.
Ca
a remis toute la machine en route. Après avoir remodelé quelque peu sa
première planche, il a attaqué les autres. Ses six pages ont été réalisées
en l'espace de quelques mois. Au point même que dix jours avant de nous
quitter, il m'avait téléphoné pour me dire qu'il était à court de scénario,
qu'il fallait qu'on se revoie pour développer encore quelques planches.
C'est ce que je me suis empressé de faire. On s'est revus et on a discuté
du contenu et du découpage des planches suivantes, avec les description,
les dialogues… Il faisait toujours une première mise en place pour voir
s'il le sentait de cette façon-là, ou si, peut-être, il fallait ajouter
une case ou en supprimer une. Pour moi, c'était important que ce soit
un travail d'équipe. Et, on procédait comme ça pour chacune des pages.
Ta collaboration avec Will semble
t'avoir apporté beaucoup de choses.. Peux-tu nous en parler ?
Rudi
Miel : L'essentiel, pour moi, se situe dans les rapports humains,
le personnage qu'il a été, son côté chaleureux. Il avait un côté très
pudique, mais en même temps, quand on l'avait apprivoisé, il était quelqu'un
d'exceptionnel, d'une amitié, d'une fidélité dans l'amitié unique. Il
avait surtout le sens, le culte de la vie, de la fête. Chaque rencontre
avec lui était une fête. Même pour se voir dans le contexte du travail,
je me réjouissais d'avance de les rencontrer, lui et sa femme, parce que
cela allait être chaque fois un moment de fête. Et, pour moi, Willy, c'était
ça : une envie de vivre vraiment à fond tout ce que la vie peut apporter.
C'est ce qui transparaît aussi dans ses BD, et c'est aussi ce qu'on a
voulu faire transparaître dans notre projet.
De son vivant, Will avait déjà envisagé le
fait qu'il pourrait ne pas finir l'album ?
Rudi Miel : Très souvent. C'est vraiment
pour cela qu'il n'avait pas envie de démarrer. Et s'il avait recommencé
à travailler la dernière semaine, c'est qu'il sentait qu'il pouvait le
faire, qu'il avait envie d'aller au bout de cet album. Pour lui, c'était
vraiment devenu un projet concret. L'album, le grand retour de Will à
la BD en l'An 2000. Il disait même qu'il voulait participer à la mise
en machine, à cause des couleurs directes, notamment… Il était très enthousiaste
sur le projet.
Aviez-vous à un moment donné envisagé l'éventualité
de faire terminer l'album par un autre dessinateur ?
Rudi
Miel : Non, jamais. Même si Will parlait souvent de la mort
et qu'il disait qu'il ne tiendrait plus longtemps… mais avec son humour
à lui. Cela cachait aussi, quelque part, une grande angoisse, je crois.
Surtout celle de laisser sa femme, Claude, seule. Mais ni pour lui, ni
pour moi, il n'était question qu'on ne termine pas cet album. On était
bien reparti. Et Claude me disait la dernière semaine que c'était extraordinaire
à quel point cette BD le transformait. Le fait d'à nouveau se replonger
dans l'univers de la bande dessinée lui faisait un bien fou… et les dernières
semaines, il avait donné le meilleur de lui même, et on le voit sur les
planches.
Pourquoi alors avoir fait le choix ensuite,
après le départ de Will, de faire reprendre la suite de l'album par d'autres
auteurs ? Comment cela s'est-il passé ?
Rudi Miel : Quand j'ai appris la
mort de Willy, cela a vraiment été un moment très dur. Malgré tout, je
n'imaginais pas que cela puisse arriver. Pour moi, Willy était immortel
quelque part. Même s'il avait une santé fragile Willy, c'était Willy pour
toujours. Quand
j'ai appris son décès, je n'ai pu me résigner à laisser tout ce travail
à l'abandon. Je me suis dit qu'il fallait terminer cet album qu'on avait
démarré ensemble. On ne pouvait pas le laisser comme ça, ces planches
ne pouvaient pas rester inachevées. Je n'ai pas été le seul à suivre le
même raisonnement. Ses enfants, Claude, les dessinateurs qui sont venus
me rendre visite, notamment Lambil, m'ont dit : il faut qu'on termine
cet album, et Lambil m'a même proposé spontanément de faire une page ou
deux. On en a discuté avec Claude. Au départ, je pensais dessiner tout
l'album avec quelqu'un qui soit un peu l'héritier de Will, cela pouvait
être son fils, cela pouvait être François Walthéry, par exemple. Je partais
plutôt sur cette idée-là. Et quand Claude a proposé que chaque auteur
fasse une planche, voire deux, j'étais sceptique. Je lui dit : on ne peut
pas avoir un album qui soit une juxtaposition de planches. On a creusé
l'idée. En fin de compte, cette idée était excellente. Il fallait juste
qu'elle évolue… et que l'histoire reste cohérente, qu'on respecte le principe
des personnages créés par Willy, et l'histoire qui avait été écrite. On
a réfléchi aux dessinateurs avec lesquels on pourrait travailler. Les
points communs devaient être les amis de Willy, des gens dont Willy appréciait
le travail. Et puis, on a élaboré ensemble des listes. Et Claude, son
épouse, les a tous appelés, demandant s'ils étaient d'accord de collaborer
à un tel album. Tous on dit oui.
Combien y en a-t-il eu au total ?
Rudi
Miel : En tout, il y en a vingt. Mais ce n'était que la première
étape. Il fallait réfléchir ensuite à la manière dont on allait procéder
pour conserver le plaisir de la lecture de l'album et que le lecteur ne
soit pas perturbé par les variations de style des auteurs. J'ai donc revu
mon découpage, j'ai travaillé par séquence, séquences complètes qui pourraient
chaque fois être confiées à un auteur. Je ne voulais pas qu'on ait une
séquence d'action qui soit tout à coup coupée par un changement d'auteur.
Je voulais vraiment qu'on ait des séquences complètes et qui soient réparties
en fonction de l'univers de chaque auteur. Donc, si Dany a réalisé cinq
pages par exemple, c'est parce que c'est une séquence importante, qui
se passe sur une île désertique, où c'est la rencontre de l'amour, et
c'était une séquence qui lui convenait particulièrement bien. Walthéry,
c'est le début de l'expédition d'aventures, avec des décors très proches
de Natacha, par exemple. Pour tous ces dessinateurs, j'ai essayé de trouver
une séquence. Un autre exemple, celui de Loisel : c'est le jardin des
sables vers lequel Julien se dirige et qui doit donner l'idée de ce qu'est
le paradis terrestre. Loisel convenait très bien pour cette séquence,
avec un enchaînement avec Mézières, et Frank Pé, pour un hors-texte, où
on découvre ce jardin. La répartition du travail s'est donc faite comme
cela.
Et comment coordonne-t-on 20 auteurs de
cette trempe ?
Rudi
Miel : J'ai appelé chaque auteur pour lui demander si la séquence
que je lui proposais lui convenait. Il y avait certaines séquences qui
pouvaient convenir à deux auteurs, donc, j'ai du choisir en fonction des
disponibilités de chacun. Certains étaient prêts à faire deux pages, d'autres,
un peu plus ou un peu moins. J'ai également joué avec la coordination
du timing… Je n'ai pas été dans l'ordre chronologique des pages. Certaines
séquences pouvaient être faites sans que les pages précédentes ne soient
réalisées, puisque c'étaient de nouveaux univers, de nouveaux personnages,
mais, dans l'ensemble, c'était assez complexe à organiser, à suivre.
Je suis passé par de grands moments d'angoisse. Tout cela était très
intimidant. Il est vrai que le projet avec Willy était encore perfectible
au niveau du synopsis. J'ai continué à y travailler après son décès, j'y
ai travaillé à fond pendant plusieurs semaines pour que l'histoire me
satisfasse à 100 %. Et, c'est seulement après que j'ai commencé à poursuivre
le découpage. De même pour le découpage, j'ai retravaillé durant plusieurs
mois les dialogues et les textes. J'ai continué, tant que c'était possible
à améliorer le projet. J'étais effectivement intimidé par tous ces auteurs..
mais de toute façon, j'aurais fait la même chose avec Willy, j'aurais
continué à faire évoluer l'histoire au fur et à mesure et à améliorer
tout ce qui était possible. Tous ces auteurs en même temps, c'est très
intimidant, mais j'ai été très bien accueilli par tout le monde. J'ai
discuté avec chacun du travail à réaliser, du nombre de pages …
J'avais
la chance de bien connaître ce que chacun faisait déjà, au niveau de leurs
propres séries et albums. Je ne m'aventurais donc pas en terrain inconnu.
Cela m'a facilité les choses pour la répartition des séquences. J'en avais
également déjà rencontrés certains, et ensuite, tous ceux que j'ai appelés
étaient vraiment enthousiastes sur l'idée. Ils avaient tous déjà reçu
le synopsis et ils avaient pu réagir. J'ai reçu des félicitations pour
ce synopsis. C'était vraiment encourageant pour moi. Je me suis également
adapté à la façon de travailler de chacun d'eux.
Y avait-il un apport plus engagé de certains
des auteurs ? Certains sont-ils venus t'apporter de nouvelles idées ou
des conseils ? Y avait-il un travail de collaboration ou en général te
rendaient-ils tip-top ce que tu leur avais demandé ?
Rudi
Miel : Ce qui était important et tout le monde était d'accord
là-dessus dès le départ, c'est que chacun respecte l'histoire et les personnages,
qu'on puisse bien les reconnaître et qu'ils respectent les caractéristiques
du dessin de Will. Certains ont apporté des idées, notamment au niveau
des dialogues. Certains dessinateurs ont proposé d'ajouter une case, ou
d'en supprimer une. Cette collaboration était très constructive. La plupart
m'ont envoyé ou faxé un premier projet de mise en place, ce qui permettait
de voir si on était vraiment sur la même longueur d'ondes. Je dois dire
que dans l'ensemble, j'ai eu cette chance de pouvoir travailler avec des
auteurs qui ont le réflexe de m'envoyer une première mise en place avant
la réalisation définitive des planches. Travailler
à distance n'est pas toujours idéal. Dans la mesure du possible, j'ai
essayé de rencontrer tous les auteurs. Avec d'autres, on a travaillé par
téléphone et par fax. Par exemple, avec Mézières qui était de passage
à Bruxelles, nous nous sommes rencontré à 7h00 du matin, pour le petit
déjeuner juste avant son avion. Mézières m'a dit qu'avec Christin, il
recevait simplement les dialogues ; tel une pièce de théâtre. C'est lui
qui faisait le découpage. Donc, lui était étonné que je fasse déjà ce
découpage. Par contre, il y en a d'autres, comme Hermann qui est très
pointu au niveau des moindres éléments de décor, qui m'ont posé beaucoup
de questions. Cela m'a aidé à mieux orienter le tir pour les autres, à
donner le maximum d'informations. Je me suis vraiment trouvé entre des
extrêmes. Certains qui trouvaient que c'était trop directif et d'autres
pas assez…
C'est une expérience très enrichissante.
Finalement, c'est un très beau cadeau de Will...
Rudi
Miel : Quelque part, oui effectivement. Will m'a laissé un
beau cadeau, dans le sens où j'ai rencontré des gens charmants et que,
quelque part, cette relation privilégiée que j'avais avec lui va continuer
avec ses amis que je ne connaissais pas et que j'ai rencontrés. C'est
vrai qu'il y a peut-être des projets qui peuvent s'ébaucher par la suite
avec certains de ces auteurs. Donc, d'une certaine façon, l'aventure continue.
Will est toujours avec nous.
Si je devais conclure sur une idée, c'est l'effort réalisé par les auteurs
pour rendre hommage à leur ami disparu. Certains auteurs se sont trouvés
devant un véritable défi pour eux, à travailler en couleur directe pour
respecter la technique de Will, parce que certains de ceux-ci ne travaillent
jamais en couleur directe. Tous ont fait cet effort de se rapprocher de
ce qui faisait la spécificité du travail de coloriste de Will. Heureusement,
Will avait pu travailler sur les six premières planches, ce qui a permis
de donner des indications de couleur pour tous les autres auteurs. Quand
on voit le résultat, quand on voit le travail final, on reconnaît le style
de chaque auteur mais l'univers de Will est respecté, les couleurs et
les décors sont très dans l'esprit Will. C'est un travail exceptionnel.
Tous l'ont vraiment fait pour Willy et pour Claude.
Merci beaucoup, Rudi

Images Copyrights © Will and Co & Miel - Editions
du Lombard 2000
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