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Lorenzo Mattotti, lorsqu'on regarde vos œuvres; ce qui frappe d'emblée c'est que votre sens de la couleur n'est pas quelque chose d'inné. Il est venu peu à peu. Aujourd'hui, on peut franchement dire que c'est pourtant à travers la couleur que vous vous exprimez réellement.
Plus pur aussi, non ? Mattotti : Plus pur, je ne sais pas. Je trouvais que c'était une matière très souple. Peu à peu, j'ai commencé à découvrir les autres matières. Je crois que j'ai découvert la force des couleurs de façon expressive. Pas en utilisant les couleurs d'une façon descriptive - comment dire ?… un pantalon bleu -… Pour moi, les couleurs ont une signification, une émotion. Ca nous donne des émotions. J'ai commencé à l'utiliser pour ça. Mattotti : Oui, oui. Les méthodes de dessin sont toujours le mêmes. D'abord le crayonné, après l'encre ou une ligne rouge comme ça et puis viennent les couleurs. Vous avez déjà fait des dessins à main levée ? Sans encrage ou sans crayonné ? Mattotti : Oui. C'est que j'ai fait dans "Feux" (chez Albin Michel, 1986, ndlr). C'était presque émotionnel, c'était presque comme des peintures abstraites. Ca m'arrive, oui. Quand il faut le faire, on le fait. Ce qu'on peut se demander en regardant vos œuvres, c'est pourquoi vous avez choisi de continuer à faire de la bande dessinée alors que vous auriez pu être un grand affichiste - illustrateur ou un peintre ? Alors, il y a deux scénaristes ou deux auteurs qui ont compté jusqu'ici parmi ceux avec lesquels vous avez travaillé. C'est surtout Claudio Piersanti et Jerry Kramsky. Quelle est la signification de ce travail avec eux ? Mattotti : Kramsky, c'est mon grand copain. C'est avec lui que j'ai commencé à faire de la bande dessinée. On se connaît depuis qu'on a 14 ans. Après, j'ai travaillé avec Lilia Ambrosi ("L'homme à la fenêtre", chez Albin Michel, ndlr). J'aime bien travailler avec quelqu'un d'autre parce que ça me permet d'avoir un regard distancié sur le travail que je suis en train de faire mais aussi un travail très soudé. On travaille toujours ensemble. Il n'y a jamais un scénario d'abord et après le dessin. Les dessins et les scénarios vont ensemble. En fait, on construit l'histoire avec le rythme des images normalement et après, seulement, on ajoute les textes. C'est toujours un travail d'échange. Il y a d'abord la discussion sur le thème de l'histoire, puis une structure, mais ce n'est pas un travail divisé et séparé. Mattotti : Oui. Je crois que c'est une œuvre très importante pour moi. C'est un noir et blanc assez sauvage pour exprimer l'histoire et le personnage. Parfois, les gens sont un peu perdus devant le style. On a essayé de faire une histoire très linéaire, très simple à lire. Comme ça, le lecteur peut entrer sans trop de craintes, de réticences dans l'histoire. Après, je crois que le regard comprend très bien. Le regard du lecteur, s'il est engagé dedans, je crois qu'il peut ressentir l'émotion de l'histoire. Certaines personnes qui vous connaissent bien comme Gabriella Giandelli, qui a été une de vos élèves, (auteur de "Silent Blanket" au Seuil, entre autres, ndlr) disent qu'elles n'arrivent pas comme vous à maîtriser et la couleur et la lumière. C'est difficile ?
Vous recommencez des planches ? Mattotti : Je recommence, je change. Je change beaucoup les couleurs jusqu'au moment où je suis convaincu. Il y a certains moments où on commence une image et on voit tout de suite que ça ne marche pas. Alors, parfois, je jette. Mais c'est rare. Normalement, je travaille beaucoup sur l'image elle-même pour arriver au résultat. Mattotti : L'animation c'est un travail très complexe. Quand je l'ai fait, c'était un très bon travail d'équipe. J'avais peur d'être solitaire, d'être quelqu'un qui n'était pas capable de travailler en équipe mais j'ai trouvé des gens qui aimaient mon travail, qui le connaissaient bien et c'était vraiment un grand plaisir de travailler ensemble. Et puis, l'animation, c'est aussi ma relation avec le cinéma. L'idée, c'est de retrouver sur l'écran la même liberté, la même force dans les images que pour ce que je fais tout seul. C'est très difficile à cause de tous les problèmes de travail d'équipe et avec les différents ingrédients qui s'additionnent. Il y a des contraintes très précises. Et pour surmonter ces contraintes, il faut une énorme force, beaucoup de volonté. Parfois, je préfère être tout seul dans ma chambre qu'obliger les autres à travailler avec moi. Un tout grand merci. Interview réalisée par Thierry
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