Interview d'Eric Liberge



Interview d'Eric Liberge :

- Monsieur Mardi Gras-Descendres (Dupuis)
- Les Corsaires d'Alcibiade (Dupuis)
- Métal (Soleil)
- Tonnerre Rampant (Soleil)
- Relayer (Carabas)

Quelle est l'actualité d'Eric Liberge ?

Le second tome de Relayer a été réédité voici quelques mois chez Carabas. "Monsieur Mardi-Gras Descendres" trouve une nouvelle vie dans la collection Empreinte(s), chez Dupuis. Le tome 3 arrive en mai, le tome 4 en septembre 2005. Nous travaillons à marche forcée, ce qui est une bonne chose. Les gens peuvent ainsi découvrir ou redécouvrir la série sans avoir à attendre des années pour en voir la fin. Il y a aussi le premier tome des "Corsaires d'Alcibiade", qui est sorti en novembre, également chez Dupuis, sur un scénario de Denis-Pierre Filippi. C'est un récit entre Jules Vernes et Nikita, qui permet de suivre cinq jeunes gens choisis pour former une unité d'élite au sein d'une société secrète. Cela se passe en 1825, en Angleterre. C'est un récit d'aventures, qui s'inscrit dans le courant steampunk. Il s'y passe des choses extraordinaires…

Cette approche est en décalage avec les séries qui ont fait votre réputation…

Cela m'a rapproche de la BD franco-belge, de la ligne claire. Cet album a exigé de moi un travail sur les attitudes, les expressions, comme un jeu d'acteur. Pour Mardi-Gras Descendres je travaillais plutôt le mime. Avec "Alcibiade", il m'a fallu entrer dans quelque chose de plus réaliste. Je me suis impliqué, j'ai rencontré des difficultés de réalisation, amené toujours plus de détails. C'était un vrai casse-tête. Mais après Métal et Tonnerre rampant, c'était l'occasion de faire autre chose, de revenir à des histoires plus écrites.

C'est la première fois que vous travaillez avec un scénariste ?

Oui. Cela me permet de faire autre chose, d'aller vers un public plus adolescent. Denis-Pierre et moi nous sommes vus régulièrement. Le premier tome s'est fait en deux ans. La difficulté a résidé dans la première approche de cet univers. Ensuite, il a filé tout seul.

Cette rencontre a été décisive pour la survie de Mardi-Gras Descendre ?

Elle m'a permis de mettre un pied chez Dupuis. Pointe Noire venant de fermer, j'ai parlé de la série aux responsables de la collection. Ils m'ont demandé un temps de réflexion, avant de prendre leur décision. Ce qui me permet de clore le cycle.

Le quatrième album met donc un point final à la série ?

Il y avait quatre albums dès le départ. La parution du dernier tome chez Pointe Noire avait été reculée. J'ai travaillé sur d'autres projets, il s'est passé du temps. Ensuite, j'ai rencontré Dupuis, qui relance la série. Je m'efforce de soigner ce dernier album encore plus que les autres, pour apporter cette touche finale.

C'est un soulagement ?

C'est un soulagement. Une grosse angoisse également.

Qui a pris l'initiative de la couleur ?

C'est une suggestion de l'éditeur. Je ne pense pas que cela froisse le lectorat. Cela correspondait en outre à une idée que j'avais d'user de la bichromie, quelque chose de sobre. Cela ne me dérange pas si c'est moi qui le fait, je n'ai pas l'impression de trahir. Il y aura toujours des mordus de la première version, mais les inconditionnels ont déjà les albums en noir et blanc. Au final, cette démarche me permet de toucher un public nouveau. Chacun s'y retrouve.

Votre notoriété est réelle, mais semblait jusqu'ici restreinte à un cercle de connaisseurs. Comment analysez-vous votre parcours ?

Cela a été progressif et laborieux. Mais j'ai espoir que cela a été un peu plus solide. Le résultat est que les gens me connaissent pour ce que je fais. Je suis considéré comme un auteur à part entière avec un public qui me suit, un peu à la manière d'Andréas.

Comment êtes-vous venu à la BD ?

J'ai su très tôt que je voulais faire de la bande dessinée. Mais je n'ai commencé à y travailler que dans les années 89-90, avec PLG et surtout la revue "Le Goinfre". J'y suis resté six ans. A l'époque, le fanzinat était développé, on pouvait se faire connaître, faire un peu ce qui nous plaisait vraiment. Au Goinfre, j'ai côtoyé Bajram, Bonhomme, Pedrosa, Colonel Moutarde... Mais passer le cap de l'album était très difficile. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il est presque plus facile de faire un album que de trouver un support de publication. Les lecteurs s'intéressent moins à cette presse un peu underground.

Comment avez vous passé ce cap de l'album ?

Je l'ai réalisé sans éditeur. Je sortais du Goinfre et je voulais travailler pour moi. J'ai travaillé sans filet, en développant l'idée de Mardi-Gras Descendres. Je pensais gagner du temps dans l'approche d'éditeurs. J'ai rencontré les gens de Zone Créative, une agence de publicité qui souhaitait se diversifier. Mais la maison a fait faillite. A l'issue de cela, l'album a eu le prix Goscinny. C'était en 1999. Il avait été soutenu par Philippe Druillet.

Le prix vous a aidé ?

Il a relancé l'intérêt. Il a créé autour de l'album une sorte de légitimation intellectuelle vis à vis de personnes qui ne s'y connaissaient pas. Les gens ont attendu le deuxième tome. Nous avons monté à trois personnes les éditions Pointe Noire, avec nos propres deniers. J'en suis personnellement sorti au bout de un an et demi. J'avais d'autres projets. J'ai mené en parallèle Marduck et Mardi-Gras Descendres. Et surtout Tonnerre Rampant. Chez Soleil, j'ai pu parvenir à un autre niveau, travailler de manière plus sérieuse. Tout en effectuant divers travaux qui n'avaient rien à voir avec la bande-dessinée.

Métal est votre dernier album paru chez Soleil. Un second volume en vue ?

Si Soleil le souhaite, je veux bien. Nous avons signé pour un tome 2. Mais cela sort de sa ligne éditoriale habituelle. J'attends un signe de la part de l'éditeur.

Interview réalisée par Philippe Belhache

Images Copyright © Liberge - Editions Soleil 2004
Images Copyright © Liberge - Editions Dupuis 2004


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