Dixie Road, c'est du road movie en BD, c'est une fresque qui dépeint l'ambiance des Etats-Unis dans les années 30, le climat et les tensions sociales, la crise économique (post-crash boursier) : ces éléments construisent la trame générale de la BD sur fond desquels viennent également s'inscrire une histoire plus personnelle : une course-poursuite, une histoire familiale, une histoire d'amour… Beaucoup d'éléments construisent cette série. Alors Jean, comment fait-on pour traiter d'une manière relativement condensée, puisque le 1er cycle ne comprend "que" 4 albums, tous ces éléments, en plongeant le lecteur dans le climat de l'époque tout en respectant les trajectoires de vos personnages ? Jean Dufaux : Tout comme au cinéma, il faut d'abord une technique pour structurer ; et si on est un tant soit peu professionnel, la technique on l'a. Donc passons très vite sur la technique. Cela ne me pose pas de problèmes personnellement, et, en plus, cela me semble assez naturel dans le sens où j'ai été influencé par des films et des romans qui brassent tous ces éléments à la fois personnels et historiques. Si l'on prend le film qui a joué de référence pour l'histoire de Dixie Road - Les Raisins de la Colère - , Steinbeck n'avait aucun problème pour mêler l'individuel au consensus général. Lorsque Hugues et moi nous sommes rencontrés, nous avons très vite trouvé un terrain d'entente sur l'histoire, le décor,… L'histoire familiale devait refléter le côté historique et ce côté historique se répercuter sur l'histoire familiale. L'aspect peut-être un peu plus nouveau pour moi, c'est de ne pas traiter un destin individuel, mais plutôt le destin d'une famille : un père, une mère et leur fille. Le regard de la fille va être très important, c'est le "commentaire off", elle est le fil rouge de toute l'histoire, elle vieillit un peu aussi, elle prend la route…. Il y a plusieurs mythes effectivement, mais ce sont des mythes classiques. Dans le cinéma, la bande dessinée et les romans américains de cette époque tragique, et dont nous avons de nombreuses photos, films et documentations sérieuses et rigoureuses, on voit ces gens qui sont poussés sur la route. Il suffit de voyager un peu aux USA pour se rendre compte que l'épine dorsale des Etats-Unis, c'est la route, on ne peut pas l'éviter. Soit on joue sur la ville (les villes tentaculaires), soit on prend la route et c'était typiquement le cas pour beaucoup de gens qui étaient "mis sur le côté" au moment des événements des années 30. Donc, pour moi, cela me semblait très naturel. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup d'éléments, il y a simplement des gens qui ont un destin individuel dans un pays qui bouge énormément et qui se retrouve devant une de ses étapes les plus sombres. Mélanger ces éléments était une chose assez facile pour moi qui ne me posait pas de problèmes. Vous saviez dès le début de la série à vous souhaitez aboutir ? Jean Dufaux : Toujours. On partait de l'image du voyage - et ça, c'est typiquement américain - pour trouver quelque chose de mieux, pour poser sa valise, pour pouvoir travailler, ce sont les pionniers du siècle passé. Les gens n'avaient plus de travail donc ils prenaient la route.. leur maison, c'était leur camionnette où ils entassaient leurs bagages et leur famille.. et ils allaient voir plus loin. Pour la famille de Dixie, les Jones, c'est un peu différent : on retrouve deux statuts sociaux : il y a Jones d'un côté, qui est un peu chien fou et qui se dit que puisqu'il n'a plus de règles et que celles-ci sont perturbées, il n'y a pas de raisons pour qu'il les respecte et donc lui non plus, ne joue plus la règle. Il prend l'argent là où il est. Et ensuite, il y a son épouse qui vient d'une famille très favorisée, mais qui elle aussi, n'a pas joué le jeu, puisqu'elle a suivi à un moment donné son mari… elle travaille, alors qu'elle pourrait très bien vivre chez elle et sa famille. Au bout de tout ce périple, ils se retrouveront tous les trois dans cette famille riche, mais ce n'est pas une solution pour Jones, et il repart. Dixie a grandi. Au début de l'histoire, je savais que je démarrais sur une image d'un arbre aux pommes d'or - l'arbre de la jouissance, de la puissance, du calme, et de la paix - et à la fin du tome 4, Dixie se retrouve à nouveau sous l'arbre.. Le seul problème, c'est qu'elle s'y retrouve seule.. Hugues, aviez-vous également tous les éléments en main lorsque vous avez débuté la série, ou Jean vous les a-t-il distillés petit à petit ? Hugues Labiano : Ils ont effectivement été distillés (rires). On savait à peu près où on allait. Disons que je connaissais globalement la fin…mais c'est vrai qu'entre le début et la fin, Jean m'a distillé les informations petit à petit. Je ne suis pas non plus du genre à bousculer, c'est la manière de travailler de Jean. C'est vrai qu'il distille les infos et qu'il est même parfois difficile de savoir vraiment ce qui va se passer pour certains éléments de l'album - même si on en parle un peu avant chaque album - mais, j'avoue que de mon côté, j'adore recevoir et découvrir 15-20 pages d'un coup… Je m'installe confortablement, je savoure.. et j'aime être surpris. Vous avez vécu avec ces personnages pendant 4-5 ans. Y a-t-il des moments où vous n'étiez pas vraiment d'accord avec le destin que leur faisait suivre Jean Dufaux ? Hugues Labiano : Globalement, j'étais assez d'accord avec Jean. Evidemment, il y a peut-être des choses que j'aurais faites ou traitées différemment, mais c'est davantage dans les personnages, plutôt des détails, pas vraiment très importants. C'était purement pour me faire plaisir, donc vraiment pas essentiel. D'ailleurs, si je veux faire ce que je veux, je travaille seul. Par contre, dans une collaboration à deux, il faut accepter l'univers de l'autre, le reprendre à son compte, et lui amener son propre univers. Jean, vous nous avez habitués jusqu'à présent à des histoires plus "fantastiques" je dirais.. Celle-ci est assez différente par son côté très réaliste, sa dimension sociale… Jean Dufaux : J'ai fait beaucoup d'albums et bon nombre d'eux ne sont pas fantastiques. C'est curieux que cette dimension fantastique ait tellement capté l'attention des gens. Par exemple, Giacomo C. n'a rien de fantastique, et il y en a d'autres… Je mettrais effectivement Dixie Road du côté de l'émotionnel et avec une base historique. Cela m'a toujours passionné de voir comment les personnages bougent individuellement mais aussi par rapport à l'histoire, puisqu'il y a interférence. Dixie Road se place là-dedans. C'est également un grand coup de chapeau à ces écrivains et ces cinéastes que j'ai tant aimés étant adolescent : John Ford, Steinbeck et d'autres… Il y en a plein. Ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel pour moi ou ce n'est pas différent. On retrouve une fois de plus des gens en marginalité, qui essaient de se défendre par eux mêmes et qui n'acceptent pas non plus la morale des autres, ce qui est essentiel pour moi. On n'a pas de leçon à donner aux gens.. Les gens qui donnent des leçons aux autres n'ont souvent pas beaucoup de morale eux-mêmes. Dixie Road se place tout à fait là-dedans. C'est le traitement familial qui est plus important que dans d'autres séries que j'ai écrites. Souvent les gens sont seuls, ici, ils sont trois.. et même-là, ils ont des difficultés à rester ensemble. Jean dit que le travail de scénariste consiste pour lui à écrire une histoire en l'imaginant au travers du graphisme de son dessinateur. Hugues, vous avez l'impression que Dixie Road a été écrite pour vous ? Hugues Labiano : Oui, complètement. Et je crois qu'il y a aussi beaucoup de moi dans cette histoire. Comme je le disais, c'est vraiment Jean qui est maître du scénario. Je prends toute ma responsabilité au niveau du dessin, mais j'ai vraiment l'impression que Jean ne pouvait faire cette histoire qu'avec moi. C'est clair pour moi. Votre style de dessin est très réaliste, que ce soit dans Matador, dans Dixie,… c'est vraiment un genre qui vous colle à la peau ? Vous seriez attiré par un autre genre de traitement graphique ? Hugues Labiano : Disons plutôt que les thématiques que j'ai envie de traiter sont toujours assez réalistes. Je n'ai jamais vraiment été attiré par la science-fiction ou le fantastique. Autant je peux être dans les nuages au quotidien, autant au niveau créatif, il faut que ce soit réaliste… Et donc mon dessin doit forcément coller aux histoires. Par contre, je pense avoir eu jusqu'à présent un dessin assez "expressionniste", assez particulier,… J'ai toujours détesté le réalisme absolu, mon but est d'aller vers un savant mélange d'expressionnisme et de réalisme. Comment s'est passée votre rencontre, qu'est-ce qui a fait que vous avez eu à un moment donné envie de travailler ensemble ? Jean Dufaux : C'est comme pour les acteurs, les metteurs en scènes ou les producteurs, on est sans arrêt à l'écoute du travail des autres. J'avais remarqué Matador chez Glénat et j'aimais beaucoup. Avec l'expérience et en travaillant beaucoup, je me suis rendu compte que les gens trahissaient rarement leur style. Le style est le reflet, le miroir de la personnalité. Et l'homme qui dessinait et qui mettait en scène ainsi, qui avait cette sensibilité-là, dans Matador, ne pouvait que me plaire au départ. Je suis rarement déçu quand j'arrive derrière le dessin, ou derrière le film. Ca peut arriver, ça m'est arrivé, mais c'est très rare. J'ai donc eu envie de rencontrer l'homme qui dessinait Matador. Je pense qu'il avait également connaissance de mon travail. Jean-Claude Camano, directeur éditorial chez Glénat, nous a présentés l'un à l'autre. A partir de là, les choses ont été très simples, je tiens beaucoup à cet aspect. On a été déjeuné ensemble - c'est un cap important pour moi - et ça s'est bien passé avec labiano. J'entends la personne en face de moi me parler de ce qu'il aime, de ce qu'il est, de ses défis, etc.. On a très vite trouvé un sujet commun qui nous plaisait et quand on est reparti, on s'est quasiment mis au travail tout de suite. Hugues Labiano : C'est vrai qu'on a sympathisé tout de suite au premier repas. On a parlé du projet immédiatement, de l'époque, des personnages, des événements au travers du regard de la jeune fille… Et après ça, ça été assez fulgurant. Je suis rentré chez moi et j'ai affûté mes crayons, prêt à commencer… Comment vous êtes-vous préparé à cette série, au niveau de la documentation, des repérages, etc.. ? Hugues Labiano : Jean m'a beaucoup aidé. On a travaillé en particulier sur un livre pour le premier album, un très beau livre sur la Louisiane dont Jean m'avait donné les références. Pour chaque album, on a eu nos livres de références. C'est très précieux. On est également parti en Louisiane et au Mississippi, pendant une dizaine de jours, après le premier album. Ca a été des jours fabuleux où on a pu confronter notre vision des choses, telles qu'on les avait représentées dans le premier album, à la réalité des lieux. Et on a remarqué qu'on ne s'était pas beaucoup trompé.. Les thèmes abordés dans Dixie Road sont assez sérieux, pour ne pas dire graves… Jean Dufaux : Ca ne plaisante effectivement pas dans toutes les planches… Ce sont également des sujets très sérieux pour les faire passer par les yeux d'une gamine de 14 ans, ce n'est pas évident non plus.. On n'y laisse plus beaucoup de place à l'enfance et à l'innocence .. ? Jean Dufaux : Oui, mais dans ces circonstances-là, les "enfants" ont le regard grave. On passe par des modalités sociales qui sont tellement lourdes et fortes,.. Les enfants voient les parents se battre d'une certaine façon.. Ces enfants ont évidemment une part d'innocence en moins. Il est très facile de parler de l'innocence de l'enfant quand on est dans un décor protégé.. mais quand ils doivent se battre tôt, le regard de l'enfant change et se voile… En outre, ces enfants vieillissent plus vite, on devient plus vite jeune femme. A partir de 15-16 ans, on l'est d'ailleurs déjà, avec tous les problèmes que cela peut comporter… Ce qui est merveilleux chez Dixie, c'est qu'elle parvient à garder une certaine pureté du regard. Elle peut juger ses parents, à 15-16 ans.. Il faut dire que le manège de ses parents est assez simple et assez évident. C'est une valse comme on en voit beaucoup. C'est une enfant qui grandit et qui garde sa confiance dans la route, même si elle connaît aussi ses premières trahisons. Si elle est d'une grande indulgence pour ses parents - parce que ce sont ses parents et parce que cela ne peut que bien se terminer quelque part, et elle attend ce moment là - elle est par exemple déçue par sa rencontre avec le Kid. Le Kid a son âge, mais il joue déjà des compromissions.. Il n'a plus beaucoup d'innocence non plus.. Jean Dufaux : Il n'a plus d'innocence parce qu'on en avait pas à ce moment-là.. L'exemple extrême ; c'est Ernest Pike (le tueur).. Il sait très bien se débrouiller pour avoir de l'argent.. mais Pike petit, c'était déjà le Kid.. Si on se rappelle le Kid de Chaplin, ce sont des gosses de 7-8 ans qui sont confrontés à la rue. De même, si vous prenez l'enfance de Charles Dickens, Oliver Twist, à 8-9 ans, le jeune Dickens était quelqu'un de très sérieux.. C'est facile de parler d'innocence lorsqu'on est dans un milieu privilégié. Hugues, avez-vous une tendresse particulière pour l'un de vos personnages, hormis Dixie ? Hugues Labiano : J'ai toujours eu une petite préférence pour les personnages "méchants", j'aime assez le côté totalement fou : le personnage de Pike me plaît beaucoup. Mais les personnages dont je me sens le plus proche émotionnellement, c'est Tina et Jones, quand même.. Je me sens assez poche de Jones. Au niveau du story board, du découpage, comment cela s'est-il passé ? Jean Dufaux : C'est extrêmement précis, on ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi. Un acte créatif participe de deux vecteurs, à savoir une folie qui vous passe par la tête , une envie bizarre qui vient vous frapper parce que vous avez un imaginaire qui se développe très fort mais qui doit reposer - que ce soit dans les romans, au cinéma ou en BD - sur des techniques, plus encore dans ce qu'on appelle les techniques de découpage. Il faut donc une base très solide. J'envoie un découpage à Hugue qui en est bien entendu le maître.. Le rythme est très important dans notre histoire. Quand j'ai vu Labiano, j'ai compris qu'il était très important pour lui qu'on travaille sur un rythme cinématographique, qu'il aimait ça, qu'il aimait ce qu'est une caméra dans un plan… Dans chaque plan, il faut toujours penser, même quand c'est du dessin, qu'il y a une caméra quelque part - qui forcément ne se voit pas - mais le dessinateur sait ce qu'est une caméra et sait placer une caméra dans un plan. J'ai très vite compris qu'il adorait ça. Hugue retravaille donc le découpage que je lui envoie Hugues Labiano : Je découpe sa vision du plan que je ressens facilement puisque j'ai le texte et le cadrage. A la lecture, je ressens immédiatement les plans. Globalement sur le premier album, et ça, Jean le sait aussi, j'ai voulu en faire un peu plus. Ce n'est pas que je cherchais à l'impressionner, mais je voulais lui montrer ce que je pouvais faire… et donc, sur le premier album, j'ai changé pas mal de choses. Je ne pense pas avoir léser ses intentions. Par contre, à partir du second album, je suis davantage rester dans les rails, je connaissais davantage Jean, je n'avais plus besoin de me prouver à lui,... Au niveau de la recherche des personnages, Hugues vous a étonné ou cela correspondait-il à ce que vous attendiez ? Jean Dufaux : J'ai remarqué que je n'avais quasiment jamais été déçu par un graphisme de personnage. Il y a donc quelque chose qui passe dans les rencontres, dans la description, bien que ce soient des descriptions assez sommaires. Si le personnage revient et que le dessin ne me plaît pas, il n'y a rien à faire, je ne peux plus faire vivre et bouger celui-ci. Cela m'est arrivé deux ou trois fois de faire disparaître certains personnages parce que je ne parvenais vraiment pas à placer un dialogue dans cette bouche là. Mais c'est assez rare. Par contraste, il m'est arrivé de renforcer l'importance de personnages de second rôle, tellement le dessin de ceux-ci était fort.. et ainsi ce dernier prenait beaucoup plus d'importance dans l'histoire, de par le travail du dessinateur. Il y a des personnages que le dessin a rendu totalement vivants et que je ne pourrais plus les effacer du récit. La rencontre entre le tueur (Ernest Pike) et le président (Franklin Roosevelt), c'est un peu un fantasme… ? Jean Dufaux : C'était essentiel pour moi dans l'histoire. Je n'ai pas pour fantasme de rencontrer un président, quoique Kennedy … Il était pour moi une certaine image de l'Amérique, très démocrate, très artistique.. Mais à part ça.. Cette fameuse rencontre entre Pike et Roosevelt, c'est la rencontre entre un homme des discours et un homme des faits, c'est surtout ça que je voulais. Je crois que Roosevelt était très sincère, ce n'était pas n'importe qui, cela a mis des années à s'installer. C'était un homme qui avait la force des discours.. Et il rencontre un homme qui vit la réalité de la vie, c'est à dire que Pike lui planterait sa fourchette dans la main s'il lui prenait son assiette.. C'est très gentil d'écouter un monsieur qui fait des beaux discours, mais c'est Pike qui aura raison… parce qu'il n'hésitera pas à tuer Roosevelt si ce dernier touche à son plat de haricots. Cette rencontre était prévue dès le début, même si je n'avais pas encore prévu le train, la manière dont ils allaient se rencontrer etc.. Je savais que Roosevelt avait fait sa campagne électorale à travers tout le pays, donc historiquement, il était possible qu'il rencontre Pike. Je voulais cette rencontre en tant que miroir supplémentaire pour ce qu'est Dixie Road, c'est un reflet. C'est une des rencontres essentielles du récit. Ce 4ème album constitue la fin du 1er cycle de Dixie Road. Il semblerait qu'on puisse espérer une suite ? Jean Dufaux : Il y aura effectivement une suite. Ce sont des personnages très attachants, et - cela ne m'arrive pas toujours dans ma carrière - j'ai envie de les voir vieillir un peu. J'ai envie de rencontrer Dixie dans 2-3 ans, quand elle aura 17-18 ans, j'ai envie de savoir ce que sont devenus Jones, Keena, le Kid, etc…Bien, sûr, ils ne seront plus les mêmes… J'ai demandé à Hugues si cela l'intéressait de retrouver les personnages, et je crois que cela le passionne également de les retrouver ayant un peu vieilli. Hugues Labiano : Il y a tellement de choses à faire. Je vois ça comme une saga, comme un fil rouge dans mon travail. On s'attache aux personnages. Vous allez vous reposer un peu entre les deux cycles ou vous comptez garder votre rythme d'un album par an ? Jean Dufaux : On va se reposer un peu, étant donné que nous avons chacun des projets de notre côté.. On va donc s'arrêter pendant 2-3 ans.. et cela permettra à Dixie d'avoir 17-18 ans et de voir ce qu'elle est devenue. J'aimerais faire un voyage aux USA, approfondir un peu le côté "musical".. Ce qui m'a frappé dans notre voyage là bas, c'est l'importance fondamentale de la musique,… le blues, le jazz, etc.. J'aimerais bien développer une histoire avec un musicien.. et une rencontre avec Dixie, qui porte une part de notre sensibilité, elle est très attirée par ce côté créatif. Jean, vous avez actuellement une production assez soutenue, vous continuez sur ce rythme ? De nombreuses nouvelles séries avec de jeunes dessinateurs, … ? Jean Dufaux : Le problème n'est pas de regorger d'idées, le problème c'est le rythme du temps. J'aime raconter des histoires. Le biais de la bande dessinée fonctionne bien. Il y a également beaucoup de choses qui bougent au niveau du cinéma… Et là, j'ai écrit un synopsis pour la télévision qui vient d'être accepté pour une feuilleton. Je termine également un recueil de textes pour Rosinski et on va relancer la Complainte des Landes Perdues sur plusieurs vecteurs avec plusieurs dessinateurs... C'était déjà prévu depuis quelques années. Je ne suis pas pressé de ce côté. Il y a également un album avec Ana Mirallès, Djinn, qui vient de sortir chez Dargaud. J'ai une passion pour la bande dessinée. N'ayant pas de problèmes de pages blanches et ayant besoin de mouvement, un dessinateur me fait automatiquement réagir, davantage qu'un producteur pour le moment, parce que là, c'est purement créatif. Quand je me mets à écrire, je vois mon histoire au travers du graphisme du dessinateur, comme on en parlait tout à l'heure. Curieusement, je le vois en noir et blanc, je ne vois pas l'album, je vois presque les photocopies devant moi. C'est ça le rythme et le souffle de Labiano ou du dessinateur devant moi. Cela m'inspire en quelque sorte. Hugues, vous travaillez depuis longtemps avec Marie-Paule Alluard, votre coloriste… Cela ne vous a jamais attiré de réaliser les couleurs vous-même ? Vous avez des projets d'albums en solo ? Hugues Labiano : Je n'ai jamais été attiré par les couleurs. Je fais parfois des petites choses, des ex-libris, etc.. mais je pense que je serais incapable et pas assez patient pour faire les planches. Fondamentalement, je ne suis pas très attiré par les couleurs. Depuis mes débuts, je travaille avec Marie-Paule, qui est très certainement l'une des meilleures coloristes. On s'entend très bien. Je ne me pose pas trop de questions à ce sujet. On a des projets de couleurs directes ensemble. L'attrait que j'ai pour la BD, c'est la narration, le dessin et l'écriture. Dans un futur que j'espère très proche, j'aimerais pouvoir réaliser "mon oeuvre". Pour l'instant, j'ai encore deux albums à faire, un contrat à respecter. C'est un diptyque qui sortira dans la collection Signé chez Lombard avec Rodolphe et Serge Le Tendre et dont je suis très content. C'est une histoire totalement différente de Dixie Road, j'avais besoin de sortir des années 30 - qui reste malgré tout ma période favorite - mais j'ai l'impression d'en avoir fait un peu le tour. Donc ici, c'est un monde très différent, bourré d'ordinateurs, de portables, etc.. Plus tard, je commencerai à écrire pour moi. Je ne veux pas faire un projet dont je ne serai pas fier. Ce sera donc un projet probablement en couleurs directes avec Marie-Paule. Je l'ai en tête depuis longtemps, c'est un projet auquel je crois et j'espère bien le concrétiser prochainement. Un grand merci à tous les deux. Interview et dossier réalisés par Catherine Henry Images Copyrights © Labiano & Dufaux - Editions Dargaud 2001 |
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