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David
B, dessinateur et scénariste, répond aux questions de
Thierry Bellefroid pour BD Paradisio.
David B : J'ai beaucoup entendu cette réflexion. Forcément, il y a une frustration… mais en même temps, c'est le jeu des festivals et des prix de festivals. Donc, je suis content d'avoir le prix du meilleur scénario parce que je suis très attaché au scénario dans ce que je fais. J'aime raconter des histoires. Quand je lis des bandes dessinées, j'aime bien lire des histoires donc.. c'est quelque chose qui compte. J'ai déjà eu le prix Jacques Lob au Festival de Blois qui m'avait fait très plaisir… On dirait que je suis pas mal récompensé pour les scénarios. Bon, eh bien, le dessin, on verra... plus tard peut-être. Pourtant, vous avez toujours dessiné. C'est une des choses qu'on apprend en lisant «L'ascension du Haut-Mal ». C'est que, non seulement vous avez toujours dessiné depuis votre plus tendre enfance, mais qu'en plus, le dessin a toujours eu une importance capitale.
…des souvenirs qui sont quand même souvent douloureux .. ? David B : Oui, des souvenirs douloureux, ou même pas forcément… En fait, je ne raconte pas tout dans « L'ascension du Haut Mal » mais.. je me souviens par exemple : mes parents nous avaient emmenés voir un concert de Pink Floyd.. et après, j'ai fait plein de dessins qui évoquaient ce que j'avais ressenti en voyant ce concert… Ca me marquait vachement de voir des choses comme ca. « L'ascension du Haut Mal » : c'est de la BD autobiographique, un courant qui, effectivement, est peut-être davantage reconnu qu'il y a dix ans… C'est LA bd autobiographique… ? David B : Souvent, les gens, dans la bd autobiographique, racontent leur vie. Point. Enfin, racontent des faits concrets… Moi, j'essaie de raconter autre chose, je raconte ce qui est arrivé à ma famille, je raconte aussi des souvenirs sur mes grands-parents, des choses que j'ai entendu racontées, une espèce de mythologie familiale, des souvenirs sur des grands-parents, des arrières grands-parents.. Par exemple, la guerre de 14 dans le cas de mon grand-père, ou la colonisation de l'Indochine dans le cas de mon arrière grand-père… des choses comme ca… Et puis, j'essaie de raconter, parallèlement à ça, la construction de mon imaginaire et l'influence que tout ce que j'ai vécu a pu avoir sur cet imaginaire…
David B : C'est un peu ça… Je fais un bilan à la fois pour moi, et puis qui permet au lecteur … …d'appréhender par exemple le Tengû Carré ou des choses comme ça…? David B : Oui, c'est ca, de voir d'où je viens… …ou « Le cheval blême »… ce sont toutes des bandes dessinées qu'il ne serait pas nécessairement facile de comprendre sans avoir lu ça. David B : Je pense qu'on peut les comprendre sans avoir lu « L'ascension du Haut-Mal » mais « L'ascension du Haut Mal » donne des clés au lecteur qui ne sont pas dans les autres livres, ça c'est clair… Les autres livres peuvent cependant être lus de façon autonome. Après, on découvre ce qu'il y a derrière, on découvre l'autre côté du rideau… Mais on le découvre à un point tel que vous vous êtes mis fort en danger. Enfin, c'est l'impression qu'on en a… Il y a des bd autobiographiques, en effet, mais il est rare de voir quelqu'un qui se met à nu comme vous l'avez fait.
Depuis le tome 3, c'est ça ? David B : Oui, c'est ca. Donc, c'est vrai qu'il y a des conséquences, mais je les assume.. Et puis, j'ai envie de continuer à faire ce travail parce qu'il est important pour moi. Après, si mes parents ne veulent pas l'accepter, ne veulent pas le comprendre… et bien, ma foi, je n'y peux rien. J'ai beau leur répéter que ce n'était pas quelque chose d'agressif contre eux ou quoi que ce soit… bon, ils ne veulent pas l'accepter, tant pis ! Mais ça, ça ne me met pas en danger, au contraire, je dirais que ça me donne beaucoup plus envie de continuer et, justement, de creuser ce travail jusqu'au bout. J'en ai pas mal parlé avec ma soeur… Je lui disais justement, après le tome 3 qui avait posé pas mal de problèmes - qui a commencé à poser des problèmes, en fait… - est-ce que je ferais peut-être mieux d'attendre avant de continuer, de faire une pause disons. Elle m'a dit non. Il faut continuer tout de suite… Tu as commencé, de toute façon, il faut aller jusqu'au bout maintenant… Et elle a tout à fait raison.. donc, je continue (rire).
David B : Oui, tout à fait. Elle comprend très bien parce qu'elle retrouve dans mes livres des choses qu'elle a ressenties aussi, en tant qu'enfant. Je me retrouve un peu en opposition avec mes parents parce que, eux, ont une vision « parents » et me dénient la possibilité d'avoir un regard tel que je le décris dans « L'ascension du haut mal », à cette époque-là. Je pense que c'est ça qui les surprend et qui les paralyse un peu. Ils n'imaginaient pas que je pouvais ressentir autant de choses à propos de ce qu'il se passait. Ils avaient l'impression que ça glissait un peu sur nous parce qu'on était gamins et qu'on n'y faisait pas attention, qu'on n'était pas censés être en âge de comprendre tout ce qu'il se passait. Ils n'ont pas découvert à posteriori qu'en fait, les événements que vous viviez, et qui étaient relativement graves, vous avaient fait mûrir plus vite qu'ils ne le croyaient ? David B : Oui, je pense que c'est ça. Ils sont surpris de voir que j'avais un avis, que j'analysais les situations, peut-être pas forcement correctement d'ailleurs, mais que j'étais capable de dire quelque chose. Vous êtes,… comment vais-je dire… certain de votre mémoire ? Vous n'avez pas eu des moment de doute ? La première image que vous donnez de lui est saisissante, c'est un peu un électro-choc…
Une des choses qui surprend, c'est qu'au départ lorsque, si j'ose dire, vous « lancez » l'histoire, vous n'avez pas, vous, au moment où vous êtes enfant, une attitude très positive par rapport à tout ça, et surtout, vous avez apparemment la peur bleue d'être contaminé par le mal…
Ce qui est incroyable aussi, c'est évidemment tout le parcours familial que cela a suscité, qui est la matière d'ailleurs des 4 tomes à peu de choses près.. C'est un parcours tout à fait incroyable où finalement, très jeune, vous êtes passé par des étapes peu communes pour une famille. Que ce soit la macrobiotique ou les gourous plus ou moins nets, la médecine elle-même…
Vos parents ont été très loin quand même là-dedans. Quand vous parlez de la recherche sur la pierre philosophale entreprise par votre père dans le garage, ça paraît impensable… David B : Oui, … et, du coup, ils se sont intéressés un peu à tous les aspects de cette culture qui n'était pas encore la culture new-age mais qui l'est devenue, c'est à dire, maintenant, toute une mystique qui touche aux sectes par moment, … ou à la macrobiotique, à la recherche de la pierre philosophale, … Et encore, j'en ai encore à raconter pour les prochains tomes… Des choses qui marquaient ces années-là, qui accompagnaient le mouvement hippie, les baba-cool, le mouvement des communautés, de la non-violence, de la lutte contre le nucléaire. Enfin, il y avait aussi ces aspects politiques dans lesquels mes parents n'étaient pas engagés même s'ils étaient effectivement dans cette mouvance-là… David B : Oui, bien sûr, de toute façon, on retrouve forcément des luttes de pouvoir… C'est ce que je raconte quand on est dans les communautés macrobiotiques ; c'était très frappant pour moi,… et c'est là, je pense, que j'ai commencé à grandir et à être plus mûr, c'est que je me suis tout de suite rendu compte de ça. On était censés refaire un monde sans violence, sans chef, un monde harmonieux. Et puis, on voyait tout de suite arriver les types qui voulaient faire le bonheur des autres malgré eux. C'était terrible parce qu'à cet âge-là, ça casse un certain nombre de sentiments… votre foi en l'humanité, en sa volonté d'honnêteté, d'amour, de côtés positifs etc. Ca n'aide pas à intégrer ce genre de valeurs. Je suis davantage quelqu'un qui doute que quelqu'un qui croit, ça c'est sûr. J'ai l'impression d'avoir vu l'envers du décor et ce n'était pas très beau. Images Copyrights © David B. - Editions L'Association |
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