Interview
de Laurent
Astier, auteur de la série CIRK, dont le second tome "Ballerine"
sort ce 17 septembre 2003 aux éditions Glénat, sous le label
Zenda.
CIRK est votre 1ère série BD, prévue en 3 tomes. Album d'action et d'ambiance essentiellement dans le 1er tome, davantage centrée sur le sujet dans le second, mais néanmoins toujours assez sombre et nébuleux. C'était important pour vous de planter d'abord le décor et l'univers et d'y privilégier l'action ? Astier : Je voulais projeter le lecteur dans l'univers de Cirk, au milieu d'une course haletante. Que l'action donne les clefs des différents caractères des personnages principaux. Et surtout utiliser au maximum les 46 pages de l'album. En travaillant sur le premier tome (qui était mon tout premier album), je me suis rapidement rendu compte que le format des 46 pages était un peu juste. A l'origine, je l'avais prévu en 64, mais des questions éditoriales m'ont obligé à écourter des scènes qui me paraissaient très importantes. Par exemple, les liens qui unissent le funambule et le président devait être plus complexes et plus ambigus. J'ai créé des ellipses qui induisent leurs rapports, sans vraiment les expliquer. Je voulais aussi faire évoluer les personnages dans l'action, car ils sont avant tout pragmatiques. Ce sont des post-ados qui n'ont pas reçu d'éducation, qui ont grandi dans les rues. Ils ne réfléchissent pas avant d'agir mais leurs actions révèlent leurs pensées. Sans rien révéler de crucial, comment va évoluer le 3ème tome ? Astier : Cirk a pour thème du passage entre l'adolescence et l'âge adulte. Reste à vous de savoir s'il leur reste du chemin à parcourir avant de devenir des adultes.. ? Pour une première série, c'est un travail de construction et de scénario assez "original". Quelles étaient vos envies et vos idées à l'origine de la série ? Astier : Cirk est un projet que je trimballe justement depuis l'adolescence. Il a donc suivi mon évolution, a pris diverses formes. C'est depuis l'origine une ode à la liberté, à la lutte contre des systèmes qui étouffent ... Cirk, c'est aussi le spectacle et le cercle de la vie. Quelles sont vos influences et vos sources d'inspiration, tant au niveau du récit que des personnages ? Astier : Elles sont tellement nombreuses et diverses que je ne pourrais pas en faire une liste exhaustive, ou choisir parmi cette masse ... Mais elles tiennent tant de la poésie, que de la musique, que du cinéma ... C'est peut être pour cela que vous trouvez cela nébuleux, car j'essaie de travailler la musique de la narration, la poésie des scènes. De laisser à ressentir, sans avoir à tout expliquer, que chacun projette un peu de soi dans les scènes ! Pourquoi CIRK ? Voudriez-vous faire penser que les personnages ne sont finalement que des pantins ? Ce CIRK est-il finalement une représentation du monde dans lequel nous vivons ou tel que vous le voyez ? Astier : Cirk, les raisons se trouvent en partie dans la question précédente et aussi parce que les personnages ont des compétences de gens du cirque, même s'il ne les utilise pas que pour le spectacle. C'est vrai que Cirk pose une question : les personnages sont-ils maîtres de leur destin ? ou dans quels limites ? A quel point y a-t-il dictature de la pensée ? Dans quelles limites pouvons-nous changer les choses ? Cirk prend obligatoirement ses sources dans notre monde, puisque j'y vis ! Mais c'est une vision plus extrême, plus jusqu'au boutiste ... Fond de révolution, de guerre, qqch de déjà vu.. Un régime, une dictature qui se renverse, mais où finalement rien ne change jamais ? "Le rêve révolution". Une histoire qui se répète, une ambiance très noire.. Quel est votre message, où reste l'espoir ? Astier : L'histoire n'est pas finie ... tout vient juste d'arriver ! Voyons comment les personnages vont réagir ! Mais l'espoir est peut être au fond de chacun d'eux, non ? Si vous deviez vous identifier à l'un de vos personnages, lequel serait-il ? Quel est votre personnage préféré ? Astier : A vous de deviner ! Mais la réponse ne doit pas être trop difficile ... J'aime tous les personnages car chacun apporte sa pierre à l'histoire, mais j'aime bien Anna, pour son rôle un peu complexe.. Qu'est ce qui vous plaît le plus dans le travail de réalisation d'une BD : la création d'un univers, le fait de raconter une fiction, l'enchaînement des actions ? Astier : La bande dessinée, c'est avant tout un moyen de raconter des histoires et de dessiner, les deux choses que je préfère faire. Mais le découpage, une fois que l'histoire est écrite, est un moment excitant et crucial, car c'est là que l'histoire prend véritablement forme, que tout doit s'enchaîner ... et puis j'essaie d'utiliser toutes les possibilités qu'offre la bande dessinée pour raconter mes histoires, et elles sont vraiment énormes.. Dans le 1er album, vous travaillez dans une gamme de couleurs très précise, assez sombres, privilégiant le caractère oppressant, underground. Celle-ci s'éclaire et se diversifie quelque peu dans le second ? Quel est votre approche de la couleur ? Astier : Pour Cirk tome 1, l'histoire se passait dans un monde dictatorial où tout le monde vit dans la peur d'être arrêté. Je voulais donc que la couleur donne cette ambiance oppressante. Pour le deuxième, la vie a changé - même si ce n'est pas en profondeur -, et c'est une période de fête, alors je voulais que le monde redevienne gai, que la couleur inonde la ville. Vous êtes un auteur complet : scénario, dessins et couleurs. Vous avez réalisé trois albums (2 tomes de CIRK) et une one-shot "Gong" chez Vents d'Ouest, en moins de trois ans ! C'est la passion qui vous fait tenir ce rythme "infernal" ? Astier : En fait, lorsqu'un projet me semble solide et que je me jette dedans, je n'aime pas trop que ça dure longtemps. Je suis d'un naturel assez impatient. Et j'ai la chance de pouvoir travailler assez vite. La bande dessinée étant aussi mon unique activité, je ne dois pas trop traîner ... Quels sont vos projets, outre le troisième et dernier tome de CIRK ? Astier : Vous ne saurez rien même si vous me passez sur la table de torture (ouais enfin bon, je rigolais, éh ... non ! mais qu'est ce que vous faites ... arrrêêtezzzz !!!! aaaargh ). Vous savez maintenant pourquoi les auteurs de bd portent des marques étranges ... mais si, regardez bien pendant les dédicaces ... Merci de votre collaboration ;-) Découvrez les trois premières planches
de l'album Ballerine
(CIRK T. 2).
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BD Paradisio : Interview et dossier réalisés
par Catherine Henry Images Copyright © Astier - Editions Glénat/Zenda 2003 |
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