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Discret, Christian Cailleaux.
Peu prolifique, travaillant en dehors des sentiers battus, cet
auteur passionné par l'Afrique a cependant su attirer l'attention
de la critique et d'un certain nombre d'esthètes dès ses débuts
dans la BD. Il faut dire que son graphisme épuré qui le rapproche
d'Avril, de Serge Clerc, de Petit-Roulet, de Dupuy et Berberian
ou parfois tout simplement d'Hergé est un atout non négligeable.
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Depuis plusieurs albums, les histoires de Cailleaux tournent
autour des mêmes thèmes et des mêmes personnages. Le jeune garçon
blond qui en est le héros s'appelle tantôt Terry, tantôt Mogo
et cette fois Félix. Il aime délaisser des amours trop fades pour
rêver d'aventures et de trésors africains. Cette fois encore,
la perspective de s'installer quelques semaines au Sénégal pour
y négocier un authentique reliquat de l'époque coloniale le pousse
à abandonner une jolie blonde qui se lassera de l'attendre.
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Félix, c'est Cailleaux lui-même, pense-t-on, à lire ces histoires
d'aventure rêvée sous les tropiques. Cailleaux qui prolonge ainsi
le temps de ses voyages et nous propose pour l'occasion de partager
son album de souvenirs. Croqués sur le vif, les personnages sénégalais
rencontrés par Félix sonnent juste. Les dialogues montrent que
l'auteur a souvent séjourné sur place ; non seulement il place
les quelques mots "locaux" qui font crédible mais aussi
-et surtout-, il installe un rythme africain dans la conversation.
Et il en fait le véritable héros de l'histoire. A tel point que
ce petit livre qui devait initialement s'appeler "La terrasse
de Gouroumbaye" est devenu "Le troisième thé",
référence évidente au rituel du thé qui se sert en trois fois,
du plus amer au plus doux, et qui imprime son rythme à la conversation.
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"Le
café du voyageur", opus paru chez Treize Etrange en 2000,
était déjà en bichromie. Cailleaux y avait opté pour un trait
plus fin, plus épuré que le lavis de "Harmattan,
le vent des fous" (Paru chez Dargaud en 98). Cette fois,
l'auteur ajoute un travail sur la matière en jouant à la fois
d'une plume plus anguleuse et du crayon. Le trait devient celui
d'une ligne claire fragile, parfois effleurée, volontairement
maladroite ou inachevée. Mais la justesse de la bichromie vient
"emplir" le dessin d'un véritable souffle.
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On sait que l'album devait sortir aux Humanoïdes Associés, dans
la collection Tohu Bohu. On sait qu'il y a eu désaccord entre
l'auteur et l'éditeur et qu'il est finalement reparti avec ses
planches sous le bras. Si la raison exacte de cette mésentente
portait sur le choix de la bichromie (qui coûte plus cher à l'impression),
Cailleaux a rudement bien fait de choisir Treize Etrange. Le format
est plus petit. La distribution sera confidentielle. Mais bon
dieu que cela est beau !
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Thierry Bellefroid.
Images Copyrights
© Cailleau - Treize Etrange 2002
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