Quant on pense magazine de bandes dessinées, les premiers noms qui viennent à l'esprit sont ceux de Tintin, Spirou, Pilote, voire Métal Hurlant ou À Suivre. Mais il existe également une tradition de la bande dessinée populaire française qui remonte aux Bravo, Robinson et autres magazines d'avant-guerre… Depuis 2001, les éditions Lug, rachetées par Semic, relancent la publication des magazines "petits formats", tentant d'offrir par le biais des ceux-ci des débouchés aux jeunes auteurs, et en même temps de relancer une certaine conception de la bande dessinée populaire qui florissait dans les années 60 et 70. C'est donc à l'initiative de Thierry Mornet, rédacteur-en-chef de Semic, assisté de Jean-Marc Lofficier, scénariste français transplanté aux Etats-Unis, que des "petits formats" tels que Spécial-Zembla, Mustang, Kiwi, Rodeo et Spécial-Rodeo refirent leur apparition, sous la tutelle de Semic, quelques vingt ans après les dernières séries commanditées par les Editions Lug ; préparant ainsi le retour du "SemicVerse." Qu'est-ce que le SemicVerse ? Il s'agit de l'univers partagé dans lequel cohabiteraient les 300 héros créés à l'initiative de Marcel Navarro et publiés par les Editions Lug entre 1950 et leur rachat par Semic dans les années 80, date à laquelle la création de nouvelles séries cessa. Marcel Navarro, véritable Stan Lee français, est non seulement le fondateur de Lug, mais il avait déjà contribué à la création du légendaire Fantax de Pierre Mouchot dit Chott. Les noms de certains de ces héros sont connus des amateurs de BD : Zembla, le seigneur de la jungle, Wampus, la créature d'un autre monde, Kabur, le prince d'Hyperborée, Waki, le survivant d'un monde cataclysmique... Mais à côté de ces derniers existe un univers flamboyant représentant plus de 30 ans de création, recensé par Gérard Thomassian dans son ouvrage Encyclopédie des Bandes dessinées de Petit Format (Tome 2). Les lecteurs les plus fidèles se souviendront également du défunt magazine Futura dont le sommaire affichait les aventures du super-héros Homicron, de Jaleb le télépathe, de la Brigade Temporelle, de Jeff Sullivan l'homme d'airain, de Sibilla, et de quelques autres. La notion d'univers partagé n'est, contrairement à certaines idées reçues, ni récente, ni propre à la BD américaine. Certes, elle trouve son origine aux Etats-Unis, dès les années 30, lors des premières rencontres de personnages tel Superman et Batman, ou le Prince des mers et la Torche Humaine. Mais qu'on se souvienne également que Buck Danny a prêté plusieurs fois main forte à Michel Tanguy, et vice-versa, grâce au talent du regretté Jean-Michel Charlier ! C'est ainsi que le concept d'un SemicVerse, intégrant plus de 300
personnages, fut rapidement co-opté par une galerie de jeunes auteurs…
L'une des satisfactions offertes par le développement du SemicVerse est la possibilité de renouer avec les anciens maîtres du genre, heureusement pas oubliés. Ainsi Luciano Bernasconi, dessinateur italien qui travailla pour Lug sans interruption pendant plus de 25 ans, et responsable à lui seul de plus de deux douzaine de séries, se vit confier à nouveau les héros légendaires qu'il avait créés, Kabur et Wampus. L'attrait du SemicVerse se répand maintenant au-delà des frontières françaises : Mike Ratera, dessinateur espagnol de Conan, a repris Kabur et vient de finir une rencontre Kabur-Zembla qui a fait exploser les critères traditionnels des petits formats. Philip Xavier, dessinateur français travaillant pour Marvel et Image aux Etats-Unis, s'est commis sur Galaor et Lagrid, la compagne de Kabur. Francisco Vlasco, dessinateur mexicain aussi bien connu des lecteurs de comics US, entame les aventures du pirate Dragut pour Kiwi, suivant les traces de JM Lainé et des Frères Peru. Willy Huidic, dessinateur belge, fait une escale sur Kabur, avant d'attaquer Strangers une nouvelle série de super-héros. Même des dessinateurs internationaux tels Steve Rude (Nexus), Stephen R. Bissette (Swamp Thing), Ladronn (Inhumans), Gil Formosa (Cargal, Robur), Crisse (L'Epée de Cristal), Jay Stephens (Jetcat) se sont pris au jeu et ont contribué aux couvertures mettant en scène les héros du SemicVerse. La notion d'univers partagé permet la construction d'intrigues plus complexes, élaborées sous la supervision de scénaristes expérimentés tels François Corteggiani et Jean-Marc Lofficier, et aboutit à la création de mondes infiniment plus riches et détaillés qu'une seule série isolée ne pourrait le permettre. Un univers partagé où les héros peuvent ainsi passer de mains en mains offre également une plus grande variété de styles, et un renouvellement constant. Batman aurait-il conservé sa fraîcheur si son créateur, Bob Kane, avait continué de le dessiner pendant plus de soixante ans ? L'apport quasi-permanent d'idées nouvelles générées par les jeunes auteurs, qui chacun impriment leur marque personnelle sur les personnages du SemicVerse, est sans aucun doute pour beaucoup dans les espoirs que ce dernier suscite. Le "SemicVerse" est, en fin de compte, la première tentative d'un éditeur français à faire travailler des auteurs français avec des auteurs américains, italiens, espagnols, et mexicains, dans un cadre résolument populaire et en donnant la priorité aux jeunes talents, mais il est aussi le premier à le faire dans le cadre de la construction d'un "univers partagé" francophone, à la façon des américains. Liens Internet intéressants : - Site officiel Semic : http://www.semic.fr.st/ Par Jean-Marc Lofficier Images Copyrights © (par ordre d'apparition) |
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