Attention coup de coeur !
"Les Olives Noires T. 2"



"Adam Harishon", tome 2 de la série "Les olives noires" par Emmanuel Guibert et Joann Sfar.
Chez Dupuis. .

Au terme de ce deuxième tome, "Les olives noires" s'affirment comme un modèle absolu de complémentarité entre un dessinateur et un scénariste. Il est amusant de constater que le scénariste en question est lui-même dessinateur (et non des moindres) tandis que le dessinateur, lui, poursuit sa propre oeuvre en solo par ailleurs, à L'Association.

Deux auteurs complets qui arrivent à s'oublier ou plutôt à se rencontrer pour raconter une histoire superbe, à la fois drôle et touchante, merveilleuse et très proche de la vie, historique et contemporaine.

 

Comme dans le premier album de ce récit, le petit garçon Gamaliel est au centre de l'histoire. Il l'est d'autant plus que c'est à lui, cette fois, que se présente le premier homme du monde, celui que les autres ne peuvent pas voir et qui parle aux serpents. La mythologie rejoint le fantastique et le merveilleux n'est jamais loin de la religion. Tout cela forme une toile érudite mais jamais ennuyeuse, une toile dans laquelle les personnages de Sfar semblent pris corps et âme.

Le petit garçon juif et son nouveau "mentor", Josué, un zélote plutôt acharné, entreprennent un étrange parcours initiatique qui, comme souvent chez Joann Sfar, mêle aventure et philosophie. La rencontre d'une communauté de Juifs plutôt contemplatifs dans une oasis va permettre de très belles confrontations entre les deux types de pensée. Le prophète Yeshayahou (Lewis Trondheim croqué plus vrai que nature !) oppose sa sagesse presque intuitive à l'intolérance doctrinale de Josué. Les textes sont d'une tenue magistrale et Joann Sfar aborde à travers eux quelques-uns des thèmes les plus brûlants aujourd'hui encore, 2000 ans plus tard, dans ce Proche Orient déchiré.

Quant au dessin de Guibert, il privilégie comme toujours une mise en scène à la fois transparente et brillante. Croquant quelques-uns de ses amis dans chaque album, Guibert ne cède pour autant ni à la facilité ni à la caricature. Au contraire, à côté des textes aux consonances très contemporaines volontairement mis dans la bouche de certains protagonistes par Joann Sfar, son dessin amène ce qu'il faut de modernité pour sortir ces personnages historiques du moule précieux de "pièces de musée".
Contemporains jusqu'à la moelle, et donc vibrants, touchants, bouleversants parfois, ses personnages évoluent dans un décor d'une magistrale simplicité. La scène de nuit en silhouette sur fond de voie lactée est une vraie leçon de dessin. Elle dure quatre pages. Elle pourrait en faire le triple, chaque case est un bijou.

Thierry Bellefroid.

Images Copyrights © Sfar & Guibert - Dupuis 2002


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