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"Le minuscule mousquetaire" est une
auberge espagnole. On y trouve de tout. De l'érudition sans prétention,
de la littérature au sens le plus noble du terme, du fantastique
et du fantasque, du merveilleux et de l'hilarant, des leçons de
dessin et une leçon de vie. On y entre comme on lirait les aventures
de Gulliver ou celles de Gargantua et Pantagruel. Et c'est bien
de cette tradition rabelaisienne que Joann Sfar
peut se revendiquer avec ce nouvel opus.
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Le minuscule mousquetaire est un album jouissif
où un auteur se fait plaisir jusqu'à ciseler un texte irréprochable
sur un support -la BD- où le mot est généralement le parent pauvre.
Sfar est sans doute le premier auteur de bande dessinée que je connaisse
à faire l'usage du " ; " dans les textes de ses phylactères.
Cela en dit long sur la vocation littéraire de son oeuvre dessinée.
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Mais Sfar, c'est aussi une virtuosité graphique
qui donne parfois le tournis. Des personnages aux contours d'une
apparente simplicité, voire parfois d'une réelle naïveté, qui existent
sur le papier dès que le regard du lecteur s'est posé sur eux. Le
minuscule mousquetaire doit tout à une certaine France, celle des
plaisirs de la table et de la chair, celle de Dumas et de Molière
aussi. Mais il doit par ailleurs beaucoup à la tendresse de Sfar
pour ses personnages, gigantesque famille de substitution que l'auteur
aime choyer d'album en album, au gré de séries qui s'entrecroisent.
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A la lecture de cet album magnifique, vous découvrirez
aussi la véritable passion dévorante de Joann Sfar pour le dessin
(ceux qui en douteraient peuvent s'en convaincre en lisant les cinq
premiers tomes d'une gigantesque biographie imaginaire qu'il consacre
au peintre Pascin,
ami de Soutine et Chagall, des albums parus à L'Association).
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Ses cours de dessin imaginaires donnés à l'Académie
des Beaux Arts de la minuscule France à partir de l'anatomie du
minuscule mousquetaire sont à la fois étourdissants de drôlerie
et rafraîchissants d'audace. (« ... Mais que vous l'aimiez ou pas,
ce sexe, il faut tout de même le dessiner. Or que vois-je sur vos
chevalets en cet emplacement ? Du vide... de vagues formes... des
oiseaux, des nuages... parfois des interprétations scabreuses...
mais de vrais dessins, point. C'est pourtant un corps physique,
soumis aux lois de la pesanteur et sculpté par la lumière, qu'il
vous faut dessiner. Regardez sur notre modèle : la verge évoque
une tête de canard allant à l'abreuvoir. »)
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Sfar sera quand même le premier à avoir osé disserter aussi librement
-dessin à l'appui- sur les parties génitales de l'homme aux éditions
Dargaud. Rien que pour avoir fait avancer ce débat et tomber les
tabous, l'auteur mérite notre respect.
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Thierry Bellefroid.
Images Copyrights
© Sfar - Dargaud 2001
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