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"Le
chien de minuit" par Toshy et Serge Brussolo
(Editions du Masque - Collection Petits Meurtres).
Avec ce pari de faire se croiser les meilleurs romanciers de la
littérature policière et de jeunes dessinateurs pour la plupart très
peu connus, la collection « Petits meurtres » est en train de se créer
un nom. Les derniers albums sont d'excellente qualité et le dernier
d'entre tous, « Le chien de minuit », est peut-être tous simplement
le meilleur de la collection. |
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Serge Brussolo, cinquante ans, écrit depuis plus de vingt ans. D'abord
versé dans le fantastique et la SF qu'il a largement contribué à dépoussiérer,
il s'est ensuite tourné vers tous les autres genres de la littérature.
Le roman adapté ici, « Le chien de minuit », est d'ailleurs à cheval
sur plusieurs genres. Il a obtenu le Prix du Roman d'Aventures en
1994. |
Toshy, lui, est un jeune belge établi en France, à Lille, que l'on
a déjà pu voir à l'oeuvre dans « Groupe Tel-Aviv », chez le même éditeur,
en compagnie de Maud Tabachnik. Il signe ici une adaptation nerveuse,
hallucinée parfois, de ce roman à la fois fantastique, sociologique,
urbain et psychanalytique. |
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« Le chien de minuit » se déroule dans un univers américain
en déliquescence, dominé par les gangs, la drogue et la violence.
Le terreau idéal exploité par certains pour développer leurs super-héros.
Point de super-héros ici, mais des super-pouvoirs, quand même, dans
le chef de certains, comme cet ancien trapéziste aux poignets brisés
qui va mener sa petite « famille » d'un toit à l'autre. Car pour fuir
la violence qui règne en bas, la seule issue est de s'élever et d'occuper
les toits des gratte-ciel. Seul l'un d'entre eux demeure inaccessible,
celui que garde l'homme à la batte de base-ball surnommé « le chien
de minuit ». |
Dans cette ambiance de guerre des gangs et sur fond de course à
la came qu'une jeune junkie a dérobée à un gros bonnet, les personnages
ont l'air de tout simplement suivre les rails tracés par le destin.
Violent, désoeuvré, le monde de Brussolo se cherche une raison de
vivre. Cette raison peut être assez proche de celle des Yamakasi de
Besson. Comme eux, on escalade les façades des buildings en guise
de défi à l'autorité. Mais c'est fait ici dans un esprit de clan proche
du surnaturel et d'une certaine forme de religiosité. |
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Et puis surtout, il y a cette rencontre entre deux personnages
que tout séparait : le faux ange de la nuit et la vraie défoncée,
Loretta. Deux personnages à la dérive qui vont unir leur destin jusqu'aux
confins de l'insoutenable. On a soif avec eux, on voudrait ouvrir
une fenêtre pour échapper aux relents pestilentiels de l'appartement
où ils ont dû se barricader. Avec un talent certain, Toshy nous fait
pénétrer à la fois toute l'horreur de leur univers et toute leur détresse
intérieure. C'est fort, triste, poignant, frissonnant et terriblement
juste à la fois. |
Thierry Bellefroid.
Images Copyrights © Toshy
& Brussolo - Editions du Masque 2001
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