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Lorenzo
Mattotti expose à la fois à Paris où il vit désormais et à Louvain,
près de Bruxelles, en Belgique. Les deux expositions sont très différentes.
Celle de Paris propose une quarantaine de planches de BD. Celle de Louvain
est une vaste rétrospective en provenance de Milan ; elle offre un panorama
complet de l'ensemble des activités de ce grand dessinateur avec un peu
plus de 350 œuvres. C'est dire si Mattotti fait l'actualité, à l'heure où
les éditions du Seuil rééditent « Murmure », un album des années 80 scénarisé
par Jerry Kramsky.
L'exposition de Paris.
(A l'Istituto Italiano di Cultura, 50, rue de Varenne, dans le 7ème
arrondissement)
C'est dans le quartier très sérieux de l'Hôtel Matignon que l'Istituto
Italiano di Cultura vous attend. Passé le porche, une bâtisse magnifique
conçue sur les modes baroque et classique. Au fond de la cour, une aile
abrite l'exposition. il s'agit en fait d'une grande pièce donnant sur
un jardin intérieur. Hauts plafonds, lustres de cristal, peintures baroques
sur les murs voûtés, l'ensemble mériterait déjà la visite. Dans
ce somptueux écrin, un parcours de planches originales vous fera découvrir
les étapes essentielles du travail de Lorenzo Mattotti en bande dessinée.
Il y a peu d'œuvres, mais elles ont été choisies avec soin. A gauche en
entrant, on trouve les débuts en noir et blanc et, très vite, en couleur.
Le trait est d'abord rond, très seventies, puis le noir et blanc plus
tranché rappelle Munoz/Sampayo. On passe de Tram Tram Rock (1978) à Agata
Blues (1979) puis on s'arrête à Incidents (1980-81). La couleur apparaît
de plus en plus vive, véritable signature de l'artiste. Dès le milieu
des années 80, Mattotti est définitivement conquis par le pastel et le
crayon. Cinq planches de 1983 on particulièrement attiré mon regard. Il
s'agit d'un noir et blanc obtenu avec un pastel gris-beige à la place
du noir, pour Doctor Nefasto. Magnifique. Comme
le sont les huit planches de « Murmure », récemment réédité au Seuil.
Il faut trouver un qualificatif plus élogieux encore pour les planches
du Voyage de Caboto (1992, chez Albin Michel). On termine le parcours
par du noir et blanc. Traditionnel, d'abord, c'est-à-dire au pastel noir
(Le Saint Crocodile, 1996) puis tourmenté ensuite, à l'encre et à la plume.
(Stigmates, paru au Seuil en 98). Un bref mais intéressant aperçu des
qualités exceptionnelles développées par Lorenzo Mattotti en 25 ans de
carrière.
L'exposition de Louvain, en Belgique.
(Au centre « Twee Bronnen », situé Diestsestraat, 46, à Leuven (vingt
minutes en voiture de Bruxelles, autoroute E40 direction Liège). Ouvert
du mardi au dimanche de 12 à 18 heures (mercredi jusqu'à 20 heures) jusqu'au
1er avril. Prix d'entrée : 220 francs belges, soit environ 20FF)
Deux
étages distincts d'un gigantesque bâtiment art déco dessiné par le grand
architecte belge Vandevelde accueillent en tout plus de 350 œuvres de
Lorenzo Mattotti. On est ici de plein pied dans l'exposition pluridisciplinaire
: bande dessinée, dessin, publicité, peinture, animation (avec des extraits
de dessins animés montrés sur vidéo), illustration… toutes les facettes
de l'artiste sont abordées.
Dans le premier espace, situé au premier étage côté rue se trouvent essentiellement
les travaux publicitaires et la peinture (réduite à une demi-douzaine
d'acryliques de grande dimension, c'est peut-être le seul reproche qu'on
peut faire aux organisateurs). On y trouve des couvertures pour Vanity,
l'affiche du Festival de Cannes 2000 et bien d'autres choses. Mattotti
a travaillé pour des journaux de mode comme Cosmopolitan (les portraits
de femmes réalisés pour ce magazine et exposés ici sont sidérants !),
Vogue ou Vanity. Il a aussi réalisé un nombre impressionnant de couvertures
pour The New Yorker (beaucoup de ces dessins, restés inédits, sont également
visibles) ainsi que pour des romans, recueils de nouvelles ou autres produits
d'édition. Bref, vous ne saurez pas où donner des yeux tant tout cela
éclate de couleurs et de talent. C'est sans doute la salle la plus inattendue.
Passez
à travers la grande cour et vous voilà dans la seconde salle, qui donne
sur la Rijschoolstraat. Ici, c'est le monde de la BD au sens large qui
prévaut. Au sens large car il n'y a pas que des planches à voir. Dessins
de couverture inédits, variations sur des thèmes exploités dans certains
ouvrages… il y a beaucoup à voir. Le parcours est chronologique, comme
à Paris. Vous y trouverez les débuts, avec par exemple cette stupéfiante
illustration inédite faite en 1979 pour Quadragono mais aussi -surtout-
l'âge d'or qui s'étale du milieu des années 80 à nos jours. Avec des planches
éclaboussantes de rouge et de noir extraites de Feux, d'autres, d'une
construction complexe et pourtant fluide provenant du Voyage de Caboto
(sur un scénario de Jorge Zentner), d'autres en noir et blanc au pastel
ou à la plume, d'autres encore en couleur, avec un sens de la couleur
qui s'affirme sans jamais sombrer dans le mauvais goût. Le bleu sous toutes
ses formes, le rouge tranché, les oppositions de lumière et de formes,
tout y est. Le
vert des planches inédites de Romanza (1998), des planches où l'on voit
une scène avec des fantassins dans une clairière, par exemple, est d'une
incroyable pureté. Bref, voyager parmi ces planches, ces originaux souvent
inédits, ces illustrations ou ces travaux de couverture achèvera de vous
convaincre du talent de ce grand monsieur.
Thierry Bellefroid.
Une interview de Lorenzo Mattotti sera bientôt visible sur le site
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© Lorenzo Mattotti 2001
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