Derrière une couverture en négatif jaune sur noir,
derrière un superbe titre (dont la signification n'apparaît que
très tard dans l'histoire), le tome 2 des « Mémoires d'Amoros »
ne déçoit pas. Comme dans « Signé Mister Foo », le premier opus
de cette collection, les auteurs racontent les souvenirs de jeunesse
d'un journaliste que le hasard met en présence de gens et d'événements
à la portée politique.
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Mais il ne s'agit pas pour autant d'un livre d'histoire
d'Espagne en BD, loin de là. Chacune des enquêtes que raconte le
journaliste (inspiré d'un personnage réel : Eduardo de Guzman, journaliste
anarchiste qui a tâté des geôles de Franco et auquel l'auteur consacre
une page d'hommage en guise de postface) est en elle-même à la fois
une peinture de la société espagnole de l'époque et une histoire
policière.
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On y entre comme on lirait un Léo Mallet ou un
Daeninckx. Et si je fais référence à ces deux écrivains français
mis en images par Tardi, c'est qu'il y a aussi quelque chose de
Tardi dans le dessin de Del Barrio. Un noir et blanc d'une rare
efficacité qui privilégie les gris, les ambiances et suggère les
décors plus qu'il ne les montre.
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L'histoire elle-même nous entraîne sur les traces
d'un trafiquant d'oeuvres d'art et son fidèle ami faussaire de génie
qu'une femme au sourire énigmatique va mettre sur la route d'Angel
Amoros. Cette femme, Lola Negri, est à la fois le personnage central
de l'histoire et un personnage secondaire. C'est par fascination
pour elle que le journaliste va remonter une piste qui le mènera
jusqu'à une vente d'armes aux troupes marocaines d'Abd el-Krim opposées
aux Légions de Franco.
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L'histoire rejoint l'Histoire en passant par l'amour
et la peinture de moeurs, un grand classique chez Cava, qui est
sans doute l'un des scénaristes contemporains parmi les plus politiques.
Sans intellectualisme, sans prétention non plus, il plante le décor
des années précédant la guerre civile espagnole et nous montre des
personnages qui sont aussi gris que les dessins de Del Barrio.
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Car dans le monde de Cava, on est rarement tout à fait blanc
ou tout à fait noir. On subit davantage les événements et les
cheminements parfois tortueux du destin.
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