Attention coup de coeur !
"Des lendemains sans nuage"



"Des lendemains sans nuage" par Gazzotti, Meyer et Vehlmann.
Dans la collection "Signé" des éditions du Lombard

Déroutante au premier abord, cette succession de petites histoires prend tout son sens au fur et à mesure de la lecture de l'album. "Des lendemains sans nuage" m'a fait penser à "SOS Bonheur". Comme dans la BD de Van Hamme, la société future imaginée par l'auteur (on pourrait dire par les auteurs puisque l'idée originale émane des deux dessinateurs qui en ont confié la réalisation scénaristique à Vehlmann après avoir écrit la première histoire courte) pousse à l'extrême les petits travers de notre monde d'aujourd'hui. La comparaison s'arrête là.

Dans un futur proche, F.G. Wilson, inventeur d'un implant cérébral qui accorde un quasi immortalité à l'homme, règne en maître sur la planète. Nolan Ska voudrait le tuer, mais Wilson a trouvé la parade : son implant comporte une clause neuronale qui interdit à quiconque d'attenter à ses jours. Ska n'a plus qu'une chose à faire : voyager dans le temps et tenter d'empêcher Wilson de devenir la maître du monde. Tout cela est d'un classicisme à faire peur. Aussi éculée que paraisse cette idée de départ développée en à peine plus d'une planche, la suite, elle, réserve bien des surprises.

 

Et de bonnes surprises, surtout. Nolan Ska devient le nègre de Wilson pour faire de celui-ci un scénariste réputé et l'éloigner d'éventuelles recherches sur l'immortalité. Pour cela, Ska imagine simplement des histoires de science-fiction inspirées de sa propre époque. Et le récit prend tout son sens. Les histoires en question ne sont pas toutes du même niveau. Il n'empêche, elles vilipendent nos actuels travers avec un humour grinçant. Les Jeux Olympiques récompensent les athlètes les mieux dopés, la prison modèle est celle où chaque détenu est maintenu en état de dépendance grâce à la diffusion permanente d'un feuilleton télévisé... Vehlmann s'est manifestement amusé dans ce registre à cheval sur la SF et la caricature.

La fin de l'album est en outre assez inattendue, ce qui justifie pleinement la succession de courts tableaux qui le composent. Certains n'aimeront toutefois pas cet album composé de courts récits et lui objecteront un manque d'unité.

Cette remarque ne s'applique certainement pas au dessin. Réalisé à quatre mains par Ralph Meyer ("Berceuse Assassine", avec Tome chez Dargaud, un triptyque très réussi dont le dernier volet paraît en janvier) et Bruno Gazzotti (dessinateur de la série "Soda", également sur scénario de Tome, le dernier album vient de paraître chez Dupuis), "Des lendemains sans nuage" propose la fusion entre le réalisme et l'école Spirou. Les deux dessinateurs ont tout fait ensemble, du story-board à l'encrage. Ils travaillaient à l'époque en atelier, ce qui leur permettait d'échanger leurs planches constamment, au gré de leurs envies. Le résultat est étonnant. Tantôt on reconnaît la patte de l'un, tantôt celle de l'autre. Mais "Des lendemains sans nuage" est incontestablement l'album d'un trio dont aucun des membres n'a voulu tirer la couverture à soi.

Thierry Bellefroid.

Images Copyrights © Meyer & Gazzotti & Vehlmann - Lombard 2001


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