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Baudoin n'écrit pas, il chante. Il ne dessine pas, il vole,
virevolte, plane au-dessus de la feuille. Son pinceau dépose des
taches d'encre de Chine proches de la calligraphie japonaise.
De près, on chercherait bien de quel alphabet elles s'inspirent.
De plus loin, on est happé par ses paysages et ses lignes de fuite.
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"Le chemin de Saint-Jean" n'est pas une énième BD
sur son village natal. Edmond Baudoin ne fait que se servir de
ce chemin, de sa beauté insaisissable, pour nous parler de lui,
de son passé, des gens qu'il aime ou a aimés. Il gravit la montagne,
nous confie qu'il y demeure parfois nu, s'abreuve à l'eau des
sources, revient mille fois sur les traces laissées depuis l'enfance,
nous offre six versions du même dessin, de demi-heure en demi-heure.
Mais jamais, ce faux carnet de croquis naturaliste ne s'éloigne
de l'essentiel. La vie. La mort. Le souvenir et l'amour. La beauté
et le refus des bonheurs artificiels.
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Edmond Baudoin se dessine la tête en forme de pierre. Il a toujours
aimé dessiner des têtes "en forme de". Sans doute parce
que la tête, c'est le siège de l'âme. Et que celle de ce génial
créateur est pleine de cris d'amour. Qui mieux qu'une pierre au
bord d'un chemin d'enfance peut vous parler d'amour ? ...
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La poésie du "Chemin de Saint-Jean" éloigne plus que
jamais Edmond Baudoin des routes traditionnelles de la BD et même,
de la BD autobiographique. En jouant les mises en abîme, montrant
ses pages de carnets de croquis au milieu de paysages cadrés en
large, il fait prendre un grand bol d'air à nos paysages intérieurs,
nos peurs de dire, nos envies d'être.
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Et toujours ce texte aux apparences de simplicité qui fait chanter
les mots, danser les phrases. "Ce n'est pas un sentier. C'est
un album qui déborde de photos. Elles tombent d'entre les pages,
le vent les éparpille et je m'efforce de vouloir les récupérer.
Pourquoi je viens ici ? Pourquoi c'est dans les retours en arrière
que je vais devant ?" s'interroge l'auteur. Sans doute parce
que ce chemin, c'est celui d'une vie entière. D'une vie d'artiste
virtuose, vissé à son pinceau. Mais la virtuosité n'est rien si
l'on n'a rien à dire... Ce qui ne risque pas d'arriver à cet oiseau-là
!
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Thierry Bellefroid.
Images Copyrights
© Baudoin - L'Association 2002
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