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"Hicksville"
par Dylan Horrocks (Association).
Si cet album n’obtient pas l’Alph’Art de l’album étranger à Angoulême
l’an prochain, on aura raté une grande occasion de saluer un chef-d’œuvre.
Hicksville est une histoire hallucinante et brillante qui vous entraîne
durant plus de 250 pages sur les terrains minés de la création. Une
histoire parcourue d’histoires parallèles, de faux comics, de références
et d’hommages à tout ce que la BD a connu de grands noms… d’Edgar
P. Jacobs à Jack Kirby en passant par Winsor Mc Cay et Sergio Aragones.
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Horrocks a conçu un album à tiroirs, une toile géante dans laquelle
se trouve emprisonné tout le neuvième art. Son idée de départ est
géniale. Il invente une ville –Hicksville- qu’il situe au nord de
la Nouvelle Zélande et dont il fait la capitale méconnue et improbable
de la BD mondiale. Chaque habitant d’Hicksville possède une connaissance
encyclopédique des comics depuis leur création, chaque bibliothèque
regorge de trésors pour lesquels se damneraient les collectionneurs
du monde entier. Et dans ce lieu étrange d’où serait originaire le
nouveau prodige américain du comics, un certain Dick Burger, l’auteur
lance un journaliste biographe lui-même passionné de BD. |
Léonard Batts -c’est le nom de ce journaliste- s’est mis en tête
d’écrire un livre sur Dick Burger et débarque à Hicksville pour en
savoir plus. Mais la ville toute entière se referme comme une huître.
Hicksville déteste le fameux Dick Burger que les Etats-Unis s’arrachent.
Pourquoi ? |
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C’est ce mystère stupéfiant parce que totalement inattendu
que Dylan Horrocks arrive à maintenir pendant plus de deux cents pages
(l’explication démarre une trentaine de pages avant la fin), rendant
le suspense à la limite du supportable. Hicksville est à la fois un
incroyable thriller, une fable sur la création et une réflexion sur
le patrimoine mondial de la BD que des mises en abîme plus tordues
les unes que les autres viennent appuyer. |
C’est vrai, les débuts sont un peu compliqués à suivre. Il faut
tenter de s’y retrouver dans la multitude de télescopages que provoque
l’auteur. Mais une fois identifiés les personnages et leurs desseins,
on est pris par un récit passionnant et démoniaque. La construction
est d’une inventivité étonnante. Hicksville est sans doute l’ode absolu
rendu à la bande dessinée. |
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Mais il est plus que ça. C’est un livre sur les traditions, le sacré,
la parole, le pardon, même. On manque de mots lorsqu’on le referme.
D’autant que le trait parfois économe de Dylan Horrocks peut tout
faire, tout rendre, à travers un noir et blanc et une mise en page
parfaitement maîtrisés. Du tout grand art ! |
Thierry Bellefroid.
Images Copyrights © Horrocks
- L'Association Editeur 2001
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