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"La vallée des âmes tordues"
(Angus
Powderhill T. 1) par Luc Brunschwig et Vincent Bailly
(Les Humanoïdes Associés).
Sacré Brunschwig
! On peut le mettre dans n'importe quel genre, il fait encore du
Brunschwig ! En l'occurrence, le voilà parachuté au pays ultra-piégé
de l'héroïc fantasy. Et tout en respectant parfaitement les règles
du genre, il arrive à nourrir ses personnages d'une dimension psychologique
absolument magnifique. C'est vraiment là que Brunschwig excelle
et c'est là qu'il fait sans doute la différence avec la plupart
des autres concepteurs d'univers.
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Rejoignant un Letendre sur « La quête de l'oiseau
du Temps », Luc nous propose une aventure prétexte, une quête qui
doit avant tout servir de révélateur aux personnages. Et pour éviter
que le lecteur « s'égare », ces personnages, il les invente difformes
ou handicapés. Même son héroïne, une jeune pré-ado, est cul de jatte.
On est loin des pulpeuses créatures qui foisonnent chez d'autres
éditeurs. Ce n'est pas par hasard. C'est aussi parce que la fable
que Brunschwig nous raconte est une fable sur la différence et sur
la tolérance. Un très beau message qui n'encombre en rien le récit.
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Parlons-en du récit. L'univers d'Angus Powderhill
est profondément poétique. Cela tient à plusieurs choses, parmi
lesquelles le choix d'une réunion de saltimbanques totalement pacifistes
comme toile de fond. La nature est également très présente et les
errances amoureuses de la jeune héroïne sont parfaitement traduites
à chaque étape du scénario. A croire que Luc Brunschwig s'est souvenu
de l'ado pré-pubère qu'il a été (je m'égare, là...). Bref, vous
l'aurez compris, le conte est beau quand le conte vous fait oublier
qu'il en est un.
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Avec des ingrédients aussi proches du merveilleux
-c'est à dire aussi éloignés de notre monde- que ceux-là, on peut
presque se demander comment Brunschwig se débrouille pour nous faire
croire à son univers. Pourtant, on y croit. Tout de suite. Parce
qu'il a les accents de la sincérité, de la vérité, de la maturité,
aussi.
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Mais on ne peut pas se contenter de trouver toutes
les qualités au scénario de cet album sans s'arrêter un instant
au dessin. Vincent Bailly s'y exprime avec aisance et simplicité.
Son dessin est fluide, généreux et parvient à faire passer énormément
d'émotions, notamment à travers les yeux des personnages. La mise
en couleur d'Isabelle Cochet est sans faille ; elle rappellera -tout
comme le dessin et l'univers des saltimbanques- l'excellent Ring
Circus de Pedrosa et Chauvel chez Delcourt. Bailly est cependant
plus proche de la ligne d'une Claire Wendling.
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Bref, la lecture de cet album ne correspond en rien à la pléthore
de quêtes plus ou moins abouties qui déferle sur la BD depuis
quelques années. Il y a ici un jardin secret, un éden au coeur
même des personnages. Et c'est ce jardin qui fait la beauté de
l'album.
Mention spéciale pour la très belle couverture !
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Thierry Bellefroid.
Images Copyrights
© Brunschwig & Bailly - Les Humanoïdes Associés 2001
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