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Québec, le 1er juin 1997. À compter du 11 juin prochain, le Musée du Québec propose au public une
exposition consacrée à la bande dessinée québécoise. Lexposition couvre le siècle et rassemble créateurs et
personnages dans une scénographie bédéiste. La réalisation du projet a été confiée à Mira Falardeau, elle-même
créatrice de dessins dhumour et de BD, enseignante et spécialiste de la bande dessinée, auteure de La Bande
dessinée au Québec, publié chez Boréal en 1994. Les aventures de la bande dessinée québécoise se poursuit
jusquau 21 septembre 1997, à la salle 4 du Musée.
Cest le centenaire de la création de la bande dessinée qui
sert de prétexte à la présentation de ce bilan sur lapport des
créateurs québécois à cette forme dart.
Par le biais de ses personnages types, ses héros et héroïnes,
le visiteur est convié à découvrir la bande dessinée
québécoise depuis sa création au début du siècle dans les
grands journaux, jusquaux plus récentes bandes dessinées
davant-garde.
Des planches originales, des journaux anciens et des revues,
des albums et des agrandissements permettront dapprécier
lart des créateurs québécois en BD.
Des sites interactifs de même que des espaces de lecture
compléteront la visite de lexposition. | Autour de lexposition
Ateliers Dimanche Famille
Mon héros de bande dessinée
Création, en trois dimensions, dun personnage qui prendra
ensuite vie à lintérieur dune bande dessinée. Le dimanche
15 juin à 13 h et 15 h. Accès gratuit avec le billet dentrée au
Musée. Laissez-passer requis : 418.643.3377. Pour les
enfants de 4 ans et plus, accompagnés dun adulte. Il est
préférable de visiter lexposition avant de participer à
latelier.
Impro Bd
Comme limpro-théâtre, limpro-BD met en scène deux
équipes qui saffrontent sur des thèmes imposés (policier,
humour, science-fiction, etc.) avec certaines contraintes
(impro à relais, nombres de cases limitées, etc.). Les joueurs
doivent dessiner dans un laps de temps annoncé par
larbitre et, bien sûr, le public vote pour la meilleure impro.
Avec les impro-bédéistes Louis Rémillard, Serge Gaboury,
Jules Prudhomme, Marc Auger. Le vendredi 13 juin à 20 h.
Gratuit. |
Pour tout savoir sur la bande dessinée québécoise, une visite au Musée simpose, du 11 juin au 21 septembre
prochain. Le Musée est ouvert tous les jours, de 10 h à 17 h 45, les mercredis jusquà 21 h 45. Entrée : 5,75 $.
Source et renseignements : Lise Boyer, responsable des relations publiques,
418.646.4743
Suzanne LeBlanc, direction des Communications
Zone 1 : Les débuts dans la grande presse
Réal Godbout, Red Ketchup, 1995 | Ce sont les nouvelles techniques dimpression
apparues à la fin du XIXe siècle, la linotypie et la
photogravure, qui permettent léclosion de la bande
dessinée. Héritier de la caricature et des histoires en
images, ce nouveau langage humoristique voit le jour
aux États-Unis en 1897. Au Québec, cest en 1904,
dans le journal La Patrie, que paraissent les premières
bandes dessinées. Le journal engage son premier
bédéiste cette année-là, Albéric Bourgeois. Celui-ci
devient rapidement le chef de file et lanimateur des
dessinateurs qui travaillent dans les deux quotidiens
montréalais, La Patrie et La Presse. Lesprit de
collaboration entre ces artistes se développe au point
quils échangent entre eux héros et histoires. Ces
débuts prometteurs de la bande dessinée québécoise
sont cependant freinés par le dumping des «comics »
américains. Ainsi, entre 1909 et le début des années
1930, la BD québécoise disparaît presque des
quotidiens. Les premières bandes dessinées réalisées
au Québec sadressent à un public adulte. Elles
sinspirent notamment du comique de situation qui
prévaut à lépoque dans le théâtre populaire. Certains
sujets sont puisés dans les difficultés dadaptation
rencontrées par des « ruraux » ou des émigrés arrivant
en ville et confrontés à un nouveau style de vie. Ainsi,
par les liens quelle établit entre le texte et limage, on
peut dire que la BD facilite lintégration de ces
nouveaux arrivants. Les personnages aux positions
stéréotypées se déplacent en sautillant et racontent
dans des dialogues savoureux, mélange de joual et de
figures de style plus raffinées, les problèmes vécus par
bon nombre de lecteurs de ces journaux. |
Zone 2 : La grande presse et les hebdomadaires 1920-1940
Entre les années 1920 et 1930, les quotidiens québécois présentent à chaque parution une page de bandes
dessinées américaines traduites. Cest au contact des «comics » américains que les auteurs québécois des années
1930-1940 apprennent les trucs de la BD moderne. À partir des années 1930, le nouvel essor de la bande
dessinée québécoise est lié aux innovations mises de lavant par la presse écrite. Lajout, à chaque fin de semaine,
dun supplément illustré au quotidien et lapparition de journaux hebdomadaires permettront à plusieurs
dessinateurs de publier régulièrement. Albert Chartier se démarque à cette époque avec son héros bègue et
maladroit, Onésime. Celui-ci deviendra le personnage le plus persistant de la bande dessinée québécoise. La
diversité est la caractéristique de cette longue période. Les dessinateurs, souvent issus du monde des
caricaturistes, pratiquent plusieurs activités artistiques en parallèle : dessinateurs de mode, dhumour populaire et
dhistoires religieuses, illustrateurs pour la presse. La production sadresse avant tout à la famille. Les thèmes qui
les inspirent sont de nature religieuse ou puisés aux situations vécues quotidiennement par la classe moyenne.
Zone 3 : La presse engagée 1968-1980
Au début des années 1960, la bande dessinée québécoise prend un nouveau tournant. Elle devient le canal
dexpression privilégié par la jeunesse contestataire de la Révolution tranquille pour faire valoir ses idées. Elle est
présente partout : dans les publications étudiantes, dans les organes de diffusion des partis politiques de gauche ou
dans les revues underground qui commencent à voir le jour. La bande dessinée québécoise connaît alors une
vigueur nouvelle et son discours devient plus éclaté. Les sujets abordés par les bédéistes vont de lexplication du
monde au délire hallucinatoire, en passant par lappel à la révolution. Le style des bandes dessinées suit la diversité
des discours et devient un sujet dexpérimentation. Il oscille entre deux pôles : dun côté la BD intellectuelle qui
accentue les textes au détriment du dessin ; de lautre la BD psychédélique dans laquelle le dessin et le texte se
confondent et débordent la case. Les thèmes, le style et le langage, plus poétique et théâtral, destinent cette
production à un public adulte averti.
Zone 4 : Les revues Croc et Safarir
De 1979 à 1995, la revue humoristique Croc est lun des grands diffuseurs de la bande dessinée au Québec
puisquelle y occupe entre la moitié et le
tiers du magazine. Plus dune centaine de
créateurs en BD ont travaillé à un moment
ou un autre pour ce magazine montréalais
et parmi ceux qui se démarquent, il y a
entre autres Gaboury, Godbout, Mérola,
Prudhomme. Tous les types de langage
sy retrouvent et côtoient la bande dessinée
: la satire, la caricature, le dessin dhumour
et les montages photographiques avec
bulles. Caractérisé par un humour
intellectuel de gauche, très critique sur la
politique et le système en place, ce
magazine sadressait à un public
majoritairement adulte. En 1983-1984,
Croc publie Titanic, une revue
entièrement consacrée à la bande dessinée. En 1987, larrivée dune seconde revue dhumour, Safarir, modifie
léchiquier de la BD québécoise. Un humour populaire, destiné aux adolescents et aux jeunes adultes, caractérise
ce magazine de Québec. Les satires des émissions de télévision, des films et des vedettes du showbiz composent
le menu principal du magazine. Les bédéistes vedettes sont notamment Goulet, Morin, et Daigle. Dans les années
1990, les tendances deviennent moins claires : Croc devient populiste tandis que Safarir tente de se rapprocher
des lecteurs plus âgés en levant certains interdits de la ligne éditoriale concernant la sexualité et les grossièretés.
Depuis que Croc a cessé ses activités en 1995, le profil de la BD professionnelle au Québec est conditionné par la
seule revue dhumour Safarir. Des auteurs au style personnel, tels Côté et Vallée, y côtoient désormais Gaboury
et Eid, transfuges du défunt Croc.
Zone 5 : Bande dessinée jeunesse
Longtemps dominée par les sujets religieux et historiques, la bande dessinée québécoise destinée à la jeunesse
connaît un regain de vigueur dans les années 1970. En effet, larrivée de plusieurs revues destinées aux enfants
permet de diversifier le répertoire des sujets. Linterdiction de publicité pour la jeunesse explique en partie le peu
de longévité de ces magazines et rares sont çeux qui ont réussi à survivre. Vidéo-Presse en 1971, puis Je me
petit débrouille en 1982 - qui devient en 1992 Les Débrouillards - ont marqué les publications pour enfants.
Pendant ses 25 ans dexistence, Vidéo-Presse a publié près de 2 000 bandes dessinées différentes. Dans la
bande dessinée jeunesse, lhumour et laventure côtoient la science et la science-fiction. Leffet poétique et
limagination sont à lhonneur et les mondes imaginaires ou parallèles ont la vedette. Laction est transposée dans
un monde danimaux ou denfants sans adultes. Quelques BD daventures se déroulent dans des univers déjà
familiers mais devenus mythiques à force de réutilisation, comme la jungle et la mégalopole. Quelque soit le thème,
il y a presque toujours un héros dans le scénario. Mais cest davantage par les éléments visuels que par le texte
que les bédéistes sadressent à la jeunesse. Images attrayantes, couleurs chatoyantes et décors somptueux
constituent lunivers des bandes dessinées pour la jeunesse dont certaines sont marquées par des influences de la
BD franco-belge.
Zone 6 : Les fanzines
Étymologiquement, le terme fanzine désigne un magazine pour fanatique. Publié à compte dauteur et même
quelquefois photocopié, le fanzine traite des sujets les plus divers. Ces revues de bandes dessinées, généralement
sans copyright, sans périodicité et sans ligne éditoriale, ne connaissent pas de frontières puisquelles circulent dans
les circuits parallèles. École pour les débutants, lieu de ressourcement et laboratoire pour les artistes
professionnels, on peut difficilement imaginer la BD québécoise sans le fanzine. Il permet à ces créateurs, qui vont
dun fanzine à lautre, de produire de la bande dessinée en dehors des conventions habituelles. Au Québec, le
fanzinat se développe avec larrivée de la BD underground dans les années 1960-1970 pour prendre de lampleur
dans les années 1980. Au cours des dix dernières années, de nombreux fanzines ont eu des durées de vie plus ou
moins longues : Tchiize (1975-1985), Bambou (1986-1991), Iceberg (depuis 1985), Mac Tin Tac (depuis
1990) et Zeppelin (1992-1993). Le fanzine montréalais Drawn & Quarterly apparaît comme lun des plus
vigoureux. Créé en 1991, il réunit des auteurs américains, français, allemands et canadiens, tant francophones
quanglophones. Lart du fanzine est provocateur. Héritier du dadaïsme et du surréalisme, il fait à la fois léloge et
la critique de la violence, se contredit pour mieux se libérer des contraintes et ne craint pas la critique. Bandes
dessinées scatologiques, érotiques, philosophiques et poétiques sy côtoient. Les styles sont incisifs et tranchants.
Zone 7 : Les «comics-books » et les superhéros
Lhistoire des superhéros est liée à celle des «comics-books ». Cest dans les années 1930 que les Américains
inventent ces revues bon marché, imprimées sur du papier journal avec une couverture sur papier glacé, qui
permettent de diffuser sur les marchés mondiaux les héros américains. La Seconde Guerre mondiale oblige les
Américains à interrompre leurs livraisons, mais les Canadiens, fervents lecteurs de « comic-books », créent à ce
moment-là leurs propres superhéros : Nelvana (1941), Johnny Canuck (1942), Canada Jack (1943). Dans la
première vague, le superhéros est modelé sur la mythologie : mi-dieu, mi-homme, il a des pouvoirs divins, se
déplace à la vitesse de léclair et possède un physique à la mesure de sa force herculéenne. Son combat, celui du
bien contre le mal, prend toutes les formes imaginables. La seconde vague se développe au Québec dans les
années 1970 et 1980. Les superhéros se transforment pour devenir des objets de dérision tels Capitaine
Canada (1972) et Capitaine Kébec (1973). Dautres, comme Northguard (1984) et Fleur de Lys (1989),
apparaissent comme les portes étendards des causes nationaliste, canadienne ou québécoise.
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