|
Devant certains albums, on a le sentiment
de se trouver face à ce qu'on appelle une œuvre. C'est le cas de "Gloria
Lopez", l'audacieux ouvrage publié par Fréon et
entièrement conçu par Thierry Van Hasselt. D'un coup, le petit éditeur
alternatif bruxellois (déjà récompensé par un Alph'Art Etranger à
Angoulême pour l'album « Passage en douce ») passe la vitesse supérieure
et s'impose comme une maison d'édition aux choix difficiles et élitistes,
certes, mais artistiquement irréprochables. |
|
Peu d'albums de BD peuvent se vanter d'avoir bénéficié d'une impression
aussi soignée que « Gloria Lopez ». En soi, c'est déjà beaucoup. Car les
dessins de Thierry Van Hasselt réalisés en monotype nécessitaient une
reproduction impeccable pour passer le cap de la mise en album.
|
Pour avoir vu les originaux (exposés durant quelques
semaines à la galerie Ziggourat, avant une expo à venir à Lisbonne),
je peux comprendre le bonheur de l'auteur en feuilletant son livre,
tout juste sorti des cartons : il n'y a aucune perte de l'original
à la copie.
|
|
La technique du monotype permet de jouer sur l'estompement des noirs
grâce à l'emploi du white-spirit. Jusqu'au moment choisi pour la fixation,
ajout d'encre et retrait au produit combinent leurs effets dans un aller-retour
aux contours mouvants. Le résultat est magnifique. Et si la noirceur du
dessin rappelle un peu Joe G. Pinelli, il y a ici un foisonnement de détails
picturaux qui rapproche davantage « Gloria Lopez » du catalogue d'exposition
que de la BD.
|
Le lecteur est avant tout invité au
voyage. Les yeux se promènent sur la feuille, habitent les cases,
se posent sur les personnages de cette histoire humaine. Happé par
l'image, on s'aventure dans un univers sombre restitué par deux sortes
de noirs et deux sortes de gris, transcendé par le blanc. |
|
|
C'est seulement après l'avoir longuement caressé du regard, après l'avoir
ouvert au hasard, feuilleté en tout sens et regardé jusqu'à plus soif
que l'on se met à lire cet album.
|
Plongée dans des tableaux inspirés qui empruntent
les sentiers tortueux jadis foulés par quelques grands peintres. On
s'abîme, on s'arrête, on repart en apnée. Et toujours, ce visage au
chapeau, comme un refrain. Le rythme est envoûtant, il casse toutes
les règles de la bande dessinée et se raconte entre les lignes, dans
la beauté des silences. |
C'est clair, on retrouve l'influence des grands
maîtres de la peinture sous les pinceaux de Thierry Van Hasselt.
Mais il se réapproprie suffisamment leurs univers pour donner à
ses compositions un ton personnel. Lire " Gloria
Lopez", c'est sombrer dans ses propres émotions, dégoupiller
une grenade et la garder à la main sans savoir quand elle explosera.
Car le souffle de ce livre de deux cent pages ne donne toute sa
mesure que sur la fin, lorsque l'horizon s'élargit au point de voir
les cases disparaître, remplacées par des pleines pages d'abord
puis des doubles pages ensuite. Là, le lecteur qui aura su oublier
ou dépasser ses a priori sur la BD noir et blanc, découvrira jusqu'où
peut aller la talent d'un jeune auteur jusqu'ici pratiquement inconnu
-mais dont il est temps de retenir le nom- : Thierry
Van Hasselt.
|
|
Par Thierry Bellefroid
NB : Actuellement se tient une exposition de planches
originales à la Librairie Ziggourat, rue Dejoncker à Bruxelles
et ce jusqu'au 27 mai 2000.
Le livre est distribué en France par le Comptoir des Indépendants, ainsi
que dans toutes les bonnes librairies belges, chez Fréon et sur BD Paradisio.
Images Copyrights © Thierry Van Hasselt - Editions
Fréon 2000
|
|