Self-Service par Thierry Bellefroid « Self Service », album collectif paru aux éditions Fréon
J'avais déjà tenu des OVNIS dans mes petites mains, mais celui-ci surclasse tous les autres ! Conçu pour l'exposition éponyme qui s'est tenue au Salon de l'illustration et de la BD de Lisbonne 2001, « Self Service » est un album aussi ironique qu'onirique.
L'ironie n'échappera à personne. Le titre et les vignettes de réduction collées les unes aux autres qui constituent la couverture ne laissent aucun doute. A l'intérieur, toutes les notes et les textes eux-mêmes sont représentés sur des tickets de caisse. Pied de nez à la grande distribution, ce livre est avant tout le livre d'artisans tisseurs. Les tisseurs de mots d'un côté, les tisseurs d'images de l'autre. Rencontre improbable entre la poésie et la BD, « Self service » vous propose 27 poèmes sur ou autour de la BD illustrés par autant de dessinateurs qui, eux, ont joué la carte du pastiche. Ça vous paraît compliqué ? Prenons un exemple. A gauche, un poème de Jan Baetens sur Little Nemo, présenté en français, en anglais et en portugais. A droite, une planche de Pascal Placeman, qui est un pastiche de la BD de Winsor Mac Cay. Pastiche ? Pas si sûr. Dans cette petite histoire qui joue les mises en abîme, le vrai pastiche n'est peut-être pas celui qu'on croit.
Plus loin, d'autres poèmes de Jan Baetens (hormis « Baetens ad hoc anacoluthe », un texte sur Hergé écrit par Olivier Deprez, tous les poèmes sont de lui). Ils s'attaquent à E.P. Jacobs, à Tardi, à Vandersteen ou Marc Sleen (respectivement créateurs de Bob & Bobette et de Néron), à Schuiten-Peeters, à Maus (de Spiegelman), à Lorenzo Mattotti ou à Alberto Breccia. Et à chaque fois, un dessinateur renvoie l'ascenseur à sa manière. C'est singulier, à la fois très intellectuel et très primitif, purement destiné à un public averti, désireux d'aller demander à la poésie ce qu'elle pense de l'image et à l'image ce qu'elle pense de la bande dessinée. Pour ceux qui sont prêts à tenter l'aventure, cela réserve de très beaux moments.