 |
Durant
le Festival d'Angoulême 2000, nous avons eu le plaisir de rencontrer
Bernard Yslaire au stand des Humanoïdes
Associés. Son album, "1998, Mémoires du XXème
ciel" paru chez Delcourt, a été entièrement remanié
et paraît en février chez Les Humanoïdes Associés,
sous le titre "XXe ciel.com".
Yslaire nous fait part de l'évolution de son travail et de son expérience,
ainsi que de ses projets d'avenir... Il répond aux questions de Thierry
Bellefroid pour BD Paradisio.
Il y a combien de temps que tu as publié
ta première version de « Mémoires du XXème Ciel » chez Delcourt ?
Yslaire : C'était à Angoulême, il
y a juste un an
En un an, quel travail effectué ! Travail
de remise en page et en perspective des éléments et des événements de
l'album. Comment es-tu arrivé à ressortir de ton album et à te regarder
de l'extérieur, comme un lecteur, pour trouver où étaient les failles
?
Yslaire
: J'ai demandé conseil. La première personne qui m'a aidé, c'est Eric
Verhoust de Champaka, qui est un ami, et qui m'a donné sa vision de l'album
et de ses faiblesses. La seconde personne de qualité, c'est Sébastien,
qui est directeur aux Humanos ; un véritable directeur littéraire comme
on en trouve peu, c'est à dire quelqu'un qui a un véritable discours sur
ton album. Il aurait pu dire des tas de choses sur l'album, subjectives
ou sans intérêt, mais il a réussi à créer le type de rencontre idéale
entre un éditeur et un auteur qui a un apport réel par rapport au travail
effectué. C'est tellement rare de rencontrer un véritable éditeur, au
sens noble du terme, que cela mérite d'être souligné. Il passe du temps
à essayer de faire un livre plutôt que de le passer uniquement à essayer
de le vendre. Chaque chose en son temps. On y a passé un temps fou et
c'est vraiment quelque chose que je n'ai jamais vu auparavant.
Il faut dire aussi qu'il
prend un très gros risque, parce que revendre le même album, un an
après le premier, fut-il dans une version différente, et n'étant pas,
en plus, un album à vocation éminemment commerciale, ce n'est vraiment
pas facile pour un éditeur .. |
 |
Yslaire : C'est
bien cela qui me fascine : un éditeur qui défend une politique d'auteur
! Je m'attendais à ce qu'il se précipite sur le deuxième album, et
que l'on réédite le premier dans la même forme… Mais ils m'ont fait
comprendre qu'ils voulaient reprendre le projet à la base et ont voulu
me donner les moyens pour que mon " expérience" soit bien
menée. Après 25 ans de BD, j'ai vu pas mal d'éditeurs, et c'est la
première fois que je voyais cela. |
 |
Lorsque tu regardes la nouvelle version,
les choses te semblent-elle maintenant évidentes ? Tu t'es demandé comment
tu n'avais pas vu telle ou telle chose … ?
Yslaire
: Je ne me suis pas dit ça. Chez Delcourt, mon problème est que je me
suis senti en porte-à-faux par rapport à mon éditeur. Il n'est pas question
ici de ses qualités ou des miennes, mais notre association ne fonctionnait
pas ; elle créait une sorte de conflit entre ce qu'il attendait de mon
travail et de ce que je pouvais lui offrir. Je me suis senti très seul.
Les seules choses qu'il pouvait m'apporter étaient contradictoires avec
ce que je voulais faire. Cela a donné un album, qui, au début, était parfaitement
silencieux, et le texte arrivait par après, presque en s'excusant.
Alors qu'ici, le texte précède totalement
le récit, puisque la première chose qui s'y passe est une présentation
du personnage principal. C'est évidemment tout-à-fait différent comme
manière d'entrer et de comprendre l'histoire
Yslaire : C'est exactement ça. C'est
peu de chose, et en même temps, c'est fondamental. Il faut dire que j'ai
fait quatre versions du premier tome avant d'arriver à celle-ci. J'ai
dû refaire complètement l'histoire, j'ai essayé de tout oublier et de
reprendre à la base et, quelque part, j'ai eu l'impression de retrouver
le concept du début.

Il y a des moments où il y a tellement de
changements de lieux dans les cases, …je me suis demandé s'il y avait
le moindre dessin original, neuf, par rapport à la première version.
Yslaire : Non, en effet, c'est exact.
Tu as bien lu. Il n'y a pas de dessins originaux excepté la couverture.
Je m'étais fixé des règles au départ, pour savoir ce que je voulais changer
ou non. J'ai voulu garder la banque de données de départ… et comme c'est
un truc informatique, on peut dialoguer… Et ensuite, on a réalisé un nouveau
montage. Les Humanos avaient proposé une maquette qui était un grand coup
de pied dans tout ce qui avait été fait. Et j'ai passé quasi un mois à
tout réécrire, à trouver un nouveau rythme de lecture, à rajouter certains
textes.
Cet album, c'est un nouvel enfant. Mais
le vrai nouvel enfant, il est à venir…
Yslaire
: Oui, mais il était quand même important de revenir sur le premier. La
partie graphique et la mise en page ont quand même beaucoup d'importance
sur la narration. Selon les images que contenait la page, j'écrivais les
textes. C'est assez amusant comme contexte. On savait aussi que la forme
graphique que l'on voulait lui donner pouvait avoir des répercussions
sur les deux autres livres qui vont sortir. Donc finalement, tout le temps
qu'on a investi jusqu'à présent, a servi pour retrouver des bases et pouvoir
recommencer. Pour l'instant, le deuxième titre est déjà presque au ¾ fini.
Je n'ai pas l'impression d'avoir perdu mon temps.
Il est clair que tu n'avais de toute façon
pas choisi la facilité avec cet album et son introduction…
Yslaire : L'introduction était
une erreur. Je n'ai pas peur de le dire. C'est une erreur éditoriale dans
le sens où je pense que cela n'aurait pas dû être édité. Ce n'était pas
le bon moment, je me suis laissé influencer - ce n'était pas une demande
de ma part - et l'album est un semi-échec. On ne pourra plus éditer cet
album comme une introduction, puisque ce n'est plus le cas. Peut-être
nous servirons-nous du matériel pour faire autre chose, mais il est sûr
que le travail de le revisiter sera encore plus important.
Suite 2/2
Images Copyrights © Bernard Yslaire - Editions Les
Humanoïdes Associés 2000
|
|